Maître d’œuvre, sculpteur et tombier alsacien du XIVe siècle († probablement vers 1355), dont deux œuvres funéraires portent la signature lapidaire: celle du landgrave d’Alsace Ulrich von Werd ©, dans l’arrière-chœur de l’église protestante Saint-Guillaume à Strasbourg datée de 1344 : Meister Woelvelin von Ruffach ein Burger zu Strasburg der het dis werk gemaht, et celle de la margrave Irmengard von Baden († 1262), fondatrice du couvent de Lichtental, Forêt Noire, conservée dans l’église conventuelle : Dis Werg mahte Mester Wlvelin von Strasburg. Deux relations d’archives, révélées par Louis Schneegans, viennent compléter ces informations lapidaires: Wolframo lapicide magistro fabrice ecclesie Rubiacensis, signalant l’achat d’une maison à Strasbourg, le 13 février 1341, près des Hospices civils, paroisse Saint-Nicolas, et Wölfelini lapicide olim magistri operis in Rubiaco, révélant, le 7 octobre 1355, que ses filles avaient vendu cette même maison. La part que prit Woelflin au chantier de l’église Notre-Dame de Rouffach est certaine, mais imprécise, et l’on connaît le nom de son successeur, Henni Behem (1343) comme Werkmeister ze Rufach. Il convient cependant de lui attribuer une participation essentielle à la construction de la façade, entre les années 20 et le milieu du siècle. La douce austérité des visages et une souplesse des draperies des anges aux angles intérieurs de la façade-pignon encore in situ et celui du gisant de Philipp von Werd (1332) qui se trouve placé sous la dalle de son frère Ulrich à Saint-Guillaume, accrédite à la fois cette participation au chantier de Rouffach et authentifie cette œuvre sculptée strasbourgeoise. Il a aussi été avancé que les gargouilles du massif occidental de Rouffach pouvaient être de sa main (Graf, 1964). Woelflin évolua vers le milieu du siècle dans un environnement haut-rhénan qui associe visiblement, bien que de façon malaisée à définir, les régions artistiques de Bâle et de Fribourg-en-Brisgau, sous une impulsion première de la cathédrale de Strasbourg – le gisant de Conrad von Lichtenberg © et l’Annonciation du portail de Saint-Florent de Niederhaslach, filiale du chantier de la cathédrale au début du XIVe siècle.
Une impulsion seconde, vers le milieu du siècle, en est donnée avec les sculptures adossées à la chapelle Sainte-Catherine et celles du Saint-Sépulcre dans cette même chapelle. En amont de ces œuvres funéraires se situe manifestement l’influence de l’art des tombiers français. On a attribué à maître Woelflin, sans preuves formelles, les gisants de Werner Falk à Notre-Dame de Rouffach, de Berchtold Waldner à Soultz, Haut-Rhin, et de Johann Ulrich von Haus à Issenheim (aujourd’hui au Musée d’Unterlinden à Colmar). Le style de Woelflin est à la fois d’une grande rigueur réaliste, en ce sens qu’il met un soin particulier à décrire le costume militaire de son temps, tout en mettant en évidence la symbolique attachée aux attributs des vertus chevaleresques, comme aussi bien des dispositifs pratiques que requièrent les combats. Le modèle du genre constitue le gisant impressionnant de raideur d’Ulrich von Werd. Le gisant d’Irmengard von Baden présente dans son œuvre un moment de particulière prégnance. Bien que longtemps ignoré ou négligé par la recherche, Woelflin. a fait néanmoins l’objet d’une abondante bibliographie.
J. Huber, Christliche Danck- und Denck Predigt bey glücklich vollbrachter Erweiterung und Vernewerung der Pfarr-Kirch zu St. Wilhelm in Strassburg gehalten den Ersten Sonntag des Advents, im Jahr 1656, Strasbourg, 1657 ; F. X. Kraus, Kunst und Alterthum im Unter-Elsass, Strasbourg, 1884 ; Ch. Buttin, « Le tombeau d’Ulrich de Werdt à l’église Saint-Guillaume de Strasbourg », Archives alsaciennes d’histoire de l’art, 4, 1925, p. 41-83 ; H. Beenken, Bildhauer des vierzehnten Jahrhunderts am Rhein und in Schwaben, Leipzig, I927; J.-E. Gerock, « Le gisant de Saint-Guillaume à Strasbourg et quelques détails de son armement », Archives alsaciennes d’histoire de l’art, 6, 1927, p. 15-20; Ch. Buttin, « Le gisant d’Ulrich de Werdt. Quelques mots de supplément », ibidem, 7, 1928, p. 35-43 ; W. Kleiminger, Die Plastikim Elsass, 1260-1360, Fribourg/Br., 1939; A. Schwarzweber, Das Heilige Grab in der deutschen Bildnerei des Mittelalters, Fribourg/Br., 1940 ; A. Wolters, « Irmengard von Baden, die Stifterin der Zisterzienserinnenabtei Lichtental, hineingestellt in die Welt-, Heimat- und Familiengeschichte ihrer Zeit », Die Ortenau 28, 1941, p. 91-104 ; G. Dehio, Elsass und Lothringen, Handbuch der deutschen Kunstdenkmäler, 4b, 1942 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, Leipzig, 34, I947 ; R. Heitz, La sculpture en Alsace des origines à nos jours, Colmar-Strasbourg-Paris, 1949; V. Beyer, La sculpture strasbourgeoise au quatorzième siècle, Strasbourg-Paris, 1955 ; H. Keller, « Doppelgrab », O. Schmitt, E. Gall, L. H. Heidenreich, Reallexikon zur deutschen Kunstgeschichte, 4, 1958, p. 186-195 ; P. Martin, Armes et armures de Charlemagne à Louis XIV, Fribourg/Suisse, 1967 ; R. Recht, L’Alsace gothique de 1300 à 1365, Colmar, 1974; W. Hotz, Handbuch der Kunstdenkmäler in Elsass und in Lothringen, Munich-Berlin, 1976 ; H. Reinhardt, « La grande église de Rouffach », Annuaire de la Société d’histoire des régions de Thann-Guebwiller, 1979. M. Fuchs, « L’état de nos connaissances sur la sculpture romane et gothique en Alsace », Ph. Dollinger, F. Levy-Coblenz, R. Recht, Architecture et sculpture médiévales, Strasbourg-Paris, 1983, p. 167-198 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, 1986, p. 7795 ; R. Will, « Le Saint-Sépulcre de la chapelle Sainte-Catherine à la cathédrale de Strasbourg », Bulletin de la Société des amis de la cathédrale de Strasbourg, 19, 1991, p. 25-40; J. Louis, Recherches sur le sculpteur Wölflin de Rouffach (1ère moitié du XIVe siècle), mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1999, avec bibliographie quasi exhaustive.
Victor Beyer (2002)