Skip to main content

WINTER Charles-David

Photographe, (PI) (★ Strasbourg, 16.6.1821 † Strasbourg 7.2.1904). Fils de David Winter, sommelier-restaurateur, et de Madeleine Sophie Heintz. De famille modeste, orphelin très jeune, la photographie a permis à Winter de gravir les échelons de la hiérarchie sociale strasbourgeoise. Grâce à son art, il a pu rejoindre le rang des notables de la ville et son œuvre a acquis aujourd’hui une réputation internationale. En 1839, après un apprentissage pris en charge par la ville de Strasbourg, Winter exerça la profession de lithographe et participa, en 1840, au sein de sa corporation, à la souscription pour l’érection de la statue de Gutenberg. En 1848, il débuta sa carrière de photographe en installant son atelier rue des Veaux, puis peu après rue des Écrivains. Il s’initia à sa nouvelle profession en réalisant de nombreux daguerréotypes, pour la plupart des portraits, qui révèlent une technique aboutie. Après 1851, il utilisa le négatif papier permettant enfin la reproductibilité. Avide de progrès, Winter se tourna très vite vers une nouvelle technique : le négatif au collodion offrant des images d’une plus grande précision. Très tôt, il bénéficia d’une solide réputation dans les cercles d’initiés. Lors de la deuxième et de la troisième exposition de la Société française de photographie à Paris, en 1857 et 1859, il présenta des vues de la cathédrale, au côté de photographes prestigieux comme Bayard, Baldus ou les frères Bisson. Si Winter montra une grande maîtrise dans les techniques photographiques, il savait également faire preuve d’une grande diversité dans les sujets abordés. Il couvrit les évènements de la vie locale comme l’incendie du Gymnase protestant le 29 juin 1860, l’incendie de l’église de Dambach en 1862, le Festival des Sociétés chorales en 1863 ou le débordement du Rhin en 1876. La construction du pont de chemin de fer sur le Rhin de 1857 à 1861 l’inspira également. En effet, il créa une série de photographies composées élégamment par les structures métalliques et témoignant de la progression des travaux. Il suivit aussi les avancées des travaux de construction de l’École de service de santé militaire jusqu’à son achèvement en 1861, ainsi que les travaux de restauration de l’église de Rosheim et de l’église Saint-Georges à Sélestat. À côté de son travail topographique et architectural, Winter n’oublia pas l’activité économique primordiale du photographe au XIXe siècle, c’est à dire celle de portraitiste. Il bénéficia dans le milieu strasbourgeois d’une grande notoriété : ainsi tous les notables de la ville se devaient de passer dans son atelier. De 1863 à 1867, il réalisa plus de 4500 portraits. En 1868, son succès lui permit d’ouvrir une succursale, passage de la Pomme-de-pin, et de s’associer à Émile Schweitzer de 1870 à 1873. La reproduction d’œuvres d’art intéressa également Winter En 1854, il photographia de manière exemplaire des sculptures de Landolin Ohmacht © en utilisant un papier salé velouté qui lui permit de rendre la plastique de ces statues. Il reproduisit également des œuvres sur papier, des tableaux ainsi que des pièces d’orfèvrerie toujours avec la même volonté de restituer les matières. En 1870, après avoir durant de longues années photographié les transformations de sa ville, Winter sillonna Strasbourg défigurée par les bombardements et créa une série d’images témoignant du désastre et exprimant ce sentiment de désolation. À partir de ce travail, il sélectionna 80 photographies qu’il réunit dans un album intitulé Belagerung von Strassburg. Animé par un désir de diffusion, il réalisa durant sa carrière plusieurs albums traitant de thèmes très différents, Frises de la cathédrale en 1859 ou Château impérial en 1867. À la fin des années 1870, cet intérêt l’amena à se pencher sur les nouveaux procédés photomécaniques et à expérimenter la photoglyptie en créant par exemple de très belles images de Schoppenwihr. Il cessa son activité en 1884 et Jules Fuchs reprit son atelier. Winter laisse une œuvre importante autant par son aspect documentaire que par ses grandes qualités techniques et esthétiques.

Charles Winter photographe, un pionnier strasbourgeois, 1821-1904, éd. des Musées de Strasbourg, 1985 ; S. Morand, Chr. Kempf, Le temps suspendu, le daguerréotype en Alsace au XIXe siècle, Strasbourg, 1989 ; A. Veccheider, Charles Winter photographe strasbourgeois, 1821-1904, mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1993.

Thierry Laps (2002)