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WETZEL Heinrich/Henri

Capitaine général de la paysannerie insurgée en1525 (★ dans le Sundgau fin XVe † après 1525). Établi à Spechbach (le Haut ou le Bas ?). Wetzel ne savait vraisemblablement ni lire ni écrire, mais possédait une expérience militaire sans doute acquise sur les champs de bataille en qualité de lansquenet. Il apparaît en tant que chef des paysans insurgés de Haute Alsace à la fin du mois d’avril 1525, moins de 15 jours après le soulèvement général de l’Alsace (16 et 17 avril). Dans le Sundgau, les rassemblements initiaux se produisirent aux abords de la grand route de Bâle, notamment dans les villages de Habsheim et Rixheim ainsi qu’à Eschentzwiller qui semble avoir été l’un des noyaux de l’insurrection. La bande, proprement dite Haufen, se constitua le 27 avril et fit mine d’avancer vers Ensisheim où s’étaient réfugiés la quasi-totalité des nobles et des ecclésiastiques des seigneuries autrichiennes. Contournant Mulhouse, où ils avaient de nombreux partisans, les insurgés s’attaquèrent au couvent dominicain de Schoenensteinbach (29 avril), puis hésitèrent quant à la manœuvre. L’échec d’une tentative de ralliement de Mulhouse (2 mai) fut suivi d’une nouvelle avancée vers Ensisheim, le 4. Wetzel, qui apparaît alors comme le chef suprême, parvint à maintenir l’unité de la bande qui s’établit à l’hôpital Saint-Antoine d’Issenheim, apparemment sans y provoquer de dégâts. C’est là qu’il s’opposa aux envoyés des villes de la Décapole, puis de Bâle et Mulhouse, qui tentèrent de négocier le retour au calme et c’est de là qu’il dirigea les opérations vers les villes du piémont vosgien : Soultz (le 6), Guebwiller (le 8), Cernay (le 13) prêtèrent serment aux XII Articles de la paysannerie. Le 19 mai, depuis Vieux-Thann, Wetzel obtint le ralliement de Thann, Saint-Amarin et Masevaux. À cette date, l’ensemble du comté de Ferrette était passé à l’insurrection, notamment Altkirch; les bandes paysannes de la région de Belfort (qui jura le 23 mai) reconnaissaient l’autorité de la bande du Sundgau dont l’épicentre s’était repositionné sur la Landstrasse, autour de Battenheim. L’écrasement des paysans de Basse Alsace, battus à Lupstein, puis massacrés devant Saverne (17 mai), la défaite ce ceux de l’Alsace centrale, qui succombèrent devant l’armée d’Antoine de Lorraine à Scherwiller, le 20, produisit une situation nouvelle. Reconnu comme capitaine général (obrister hauptmanri) par les rustauds du Haut-Mundat et de l’ensemble des terres autrichiennes, y compris outre-Rhin, Wetzel dirigea un état-major où se détachèrent les personnages de Hans von der Matt, secrétaire de la bande, et le Schultheis de Landser, Hans Pflumly (ou Pflumlin), flanqués de « regenten », suivant la terminologie administrative introduite par l’Autriche, et, au sud des Vosges, Jean André de Chaux. Le 25 mai, du fait de son isolement et du danger d’une nouvelle intervention des princes, Wetzel accepta l’offre de médiation proposée par les Confédérés suisses. Il rencontra les délégués de Zurich, Soleure et Bâle qui faisaient route vers Nancy, et, en signe de bonne volonté, replia ses troupes à Habsheim. Le 7 juin, les insurgés ratifièrent la trêve proposée par la diète confédérale de Baden, suivis en cela par la Régence d’Ensisheim et la noblesse des pays antérieurs (le 10), puis l’évêque de Strasbourg et l’abbé de Murbach. L’ouverture de négociations directes entre les représentants de l’Obrigkeit et la paysannerie fut fixée à Bâle, le 4 juillet; dans l’intervalle, les parties en présence rédigèrent des cahiers de doléances qui furent soumis à l’arbitrage des cantons. Les discussions qui se tinrent entre le 4 et le 14 juillet à l’église des Franciscains (actuel Musée historique, Barfüsserplatz) donnèrent l’occasion à 300 paysans d’exposer leurs revendications face à une poignée de gentilshommes et de robins peu décidés à les accepter. Les XXIV articles sundgoviens (et les cahiers de doléances locaux qui les complètent) sont une adaptation du programme évangélique des XII Articles de la paysannerie allemande adoptés en mars précédent à Memmingen et des demandes exprimées naguère par les villes et les bailliages (Landschaft) de la diète provinciale. Pour la délégation autrichienne, dirigée par le Statthalter Hans Imer von Gilgenberg ©, les concessions minimes arrachées par l’entremise des Confédérés demeurèrent soumises à l’agrément de l’archiduc Ferdinand. Au cours de l’été, dans l’attente de la réaction de celui-ci, la trêve fut reconduite tant bien que mal. Dans les régions périphériques (porte de Bourgogne, Haut-Mundat, principauté de Murbach), les autorités reprirent du terrain progressivement, ce qui permit à la Régence d’Ensisheim, forte de l’arrivée de troupes fraîches, de reprendre les hostilités. Le 23 août, un premier raid autrichien visa le village de Battenheim, mettant fin à une nouvelle tentative de médiation suisse, malgré les appels à l’aide de Wetzel. Le 30, après avoir essuyé un nouveau revers près d’Illzach, la bande paysanne décréta la reprise de l’insurrection. À Bâle et à Soleure, des centaines de volontaires se pressèrent pour lui prêter main forte. Wetzel entreprit alors un mouvement tournant semblable à celui qui avait réussi en mai, tenta de s’emparer de Soultz le 3 septembre, prit Uffholtz et chercha à se rendre maître de la petite ville de Wattwiller. Malgré un siège de trois heures mené par plusieurs milliers d’hommes, celle-ci refusa cependant de se rendre. Du coup, la bande reflua plus au sud, se dispersa aux alentours de Thann pour se reconstituer peu après sur ses bases de Rixheim et Habsheim et pour livrer quelques derniers combats, en ordre dispersé, dans le Sundgau et dans la porte de Bourgogne. Le 4 septembre, puis le 7 septembre, Wetzel avait supplié les Confédérés de lui porter secours en allant jusqu’à leur offrir les territoires insurgés qui auraient donc pu devenir une sorte de protectorat suisse. L’échec de la seconde insurrection s’explique par un climat différent – la plupart des mouvements révolutionnaires du sud de l’Allemagne avaient été réprimés à cette date – et par la défection d’une grande partie des paysans les plus modérés. Le 18 septembre , les Confédérés et le margrave Philippe de Bade réunis à Offenbourg leur proposèrent une capitulation honorable à laquelle l’archiduc donna lui-même son accord. Le 24, ce qui reste de la bande regroupée à Landser finit par déposer les armes. Seuls quelques irréductibles continuèrent à résister jusqu’en novembre 1525 et peut être encore, sporadiquement, pendant l’hiver. Wetzel fit partie des « bandits » recherchés par la Régence : peut-être réfugié à Bâle (dont plusieurs de ses compagnons furent expulsés début 1526), il ne fit pas partie des meneurs jugés et condamnés à Ensisheim entre 1525 et 1528. Il est possible que Heinrich Wetzel de Bernwiller cité en 1535 dans la milice du bailliage de Thann soit un de ses parents.

Aux sources signalées dans La guerre des Paysans 1525. Sous la dir. d’A. Wollbrett, Saverne, 1975, p. 120, ajouter C. Ulbrich, « Geistliche im Widerstand. Versuch einer Quantifizierung am Beispiel des Sundgaus », Zugänge zur bäuerlichen Reformation, sous dir. de P. Blickle, Zurich, 1987, p. 237-264. Sur le soulèvement en Haute Alsace, cf. G. Bischoff, « La Haute Alsace et la guerre des Paysans », La guerre des Paysans et l’Alsace, op. cit., p. 111-120 (carte) ; « Les paysans de Haute Alsace en 1525 », Histoire de l’Alsace rurale sous la dir. de J.-M. Boehler, D. Lerch et J. Vogt, Strasbourg, 1983, p. 129-136 ; Aspects militaires de la guerre des Paysans en Alsace, dans; Violence et contestation au Moyen Age, Paris, CTHS, 1990, p. 249-266 (Actes du 114e Congrès des Sociétés savantes, Paris, 1989).

Georges Bischoff (2002)