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WEILL Alexandre, dit Alex

Juriste, doyen de la faculté de Droit de Strasbourg, (I, puis C) (★ Strasbourg 28.12.1912 † Strasbourg 8.12.1979). Fils d’Arthur Weill, originaire de Westhoffen, pharmacien de l’officine du « Cerf » à Strasbourg, et de Léonie Weil, de Bâle. ∞ 5.9.1946 à La Bastide, Lozère, Gabrielle Becqué, fille d’Émile Becqué, doyen de la faculté de Droit de Montpellier, et de Denise Couderc, d’une famille dont la branche paternelle était protestante ; 1 fille. Après une scolarité primaire et secondaire au lycée Fustel de Coulanges à Strasbourg, Weill s’orienta vers le droit et fit toutes ses études à Strasbourg. Licencié dès 1932, il devança l’appel et servit dans les blindés, puis dans l’infanterie. Libéré avec le grade de lieutenant en 1934, il se consacra aussitôt à la préparation de sa thèse sur La relativité des conventions en droit privé, œuvre qui lui valut en 1938 les plus hautes mentions et qui fit autorité dans le monde scientifique. Parallèlement, Weill s’était également distingué dans une toute autre discipline, le tennis, où il fut sacré champion d’Alsace (tête de 2e série). Rappelé au 23e régiment d’Infanterie de forteresse en août 1939, le lieutenant Weill fut fait prisonnier le 2 5juin 1940 à Remiremont. Commencèrent pour lui cinq années de souffrances: un an au camp de Nienburg, un autre à Colditz et trois ans au camp de Lübeck. Déjà sa vocation de professeur s’affirmait puisqu’il dispensa des cours de droit à ses compagnons d’infortune, tout en préparant l’agrégation des facultés de Droit qu’il présenta dès sa libération et où il rencontra la sœur de son collègue de concours, Jacques Becqué, qui devint son épouse. Il fut aussitôt reçu premier à ce prestigieux concours. Son attachement à l’Alsace, à sa ville natale et à « sa » faculté, qu’il ne quitta jamais, le fit choisir Strasbourg pour son premier poste, en qualité de titulaire de la chaire de droit maritime et fluvial (1946). Passé à la chaire de droit civil approfondi et comparé en 1951, il y enseigna, jusqu’à la fin le droit civil et le droit international privé. « Ses éminentes qualités scientifiques correspondaient à sa personnalité: un homme profondément juste et bon, un esprit de finesse dans l’analyse des situations individuelles et un talent inné pour trouver la solution favorable, de la suggérer avec délicatesse et le constant souci de veiller, avec une discrétion extrême et le plus souvent à l’insu des intéressés, à un aboutissement heureux ». Ajuste titre, ses amis et collaborateurs ont souligné les aspects véritablement charismatiques de sa personne et sa puissance d’intuition. L’estime que lui portaient ses collègues se concrétisa tout d’abord par le choix de le porter au décanat en 1953, une charge assumée en cinq mandats successifs jusqu’en 1969. Lors des événements de 1968, ce fut grâce à ses qualités de diplomatie et de compréhension que «… le climat de la faculté de Droit demeure, malgré certaines outrances verbales, relativement calme par rapport à celui des facultés voisines » (J. P. Jacqué). Tout aussi révélatrice fut l’élection, au plan national, au Comité consultatif des Universités où, cas exceptionnel, il fut le seul élu au premier tour, sans oublier les solutions qu’il sut trouver à d’épineux conflits collectifs du travail en tant que médiateur. Les réalisations à mettre à l’actif du doyen Weill sont à la mesure du personnage. Ayant conçu l’ensemble du développement futur de sa faculté, sa puissance de séduction et son rayonnement furent tels qu’il sut en poser les jalons à tous les niveaux et trouver les financements. Il fut dès lors un habitué du train vers Paris, plusieurs fois par semaine, tout en assurant sans faille l’ensemble de sa charge d’enseignement à Strasbourg, ainsi que le suivi des projets sur le terrain, jusque dans les moindres détails. Dès 1953 fut créé l’Institut de droit et d’économie comparée et le premier tome des Annales de la Faculté publié. Suivirent, en 1954, l’Institut des sciences criminelles; en 1955 l’Institut du travail; en 1959 le Centre de recherches sur l’Union
soviétique et les pays de l’Est ; en 1960 l’Institut d’études judiciaires, et un Centre de langues. La même année fut mis en place un enseignement de terminologie et de traduction juridique français allemand ; en 1962 il obtint pour Strasbourg et sa Faculté d’accueillir régulièrement les sessions de la Faculté internationale de droit comparé ; 1963 vit la mise en place d’un Centre d’études internationales de la propriété industrielle et en 1965 celle du Centre d’études internationales ainsi que du Centre d’études juridiques allemandes. Parallèlement, des liens étroits furent noués avec le Conseil de l’Europe. L’œuvre maîtresse et le couronnement de cette croissance aussi rapide que systématique fut l’édification de la nouvelle faculté à
l’Esplanade (1960-1962). Quelle que fût sa proverbiale modestie on percevait lorsqu’il présentait ou commentait cette réalisation, la légitime fierté d’avoir pu l’offrir à Strasbourg. Affrontant presque quotidiennement la boue du chantier, grimpant les échelles et se faufilant au travers des étais, il avait tout prévu et réglé, du choix des matériaux au moindre détail de l’ameublement. Même le marbre blanc de l’aula qui distingue cette construction de toute autre en France c’est lui, dans la mesure où il a su convaincre un ministère d’offrir à sa faculté « l’amende en nature » due à l’État pour une affaire de corruption africaine.

Des publications attestent qu’il a su mener de front une activité scientifique de tout premier plan. Chargé un temps (1952-1953) du Juris-Classeur Fonds de Commerce, il en entreprit la refonte, de même qu’il renouvela le grand classique Les Grands arrêts de la jurisprudence civile de Henri Capitant, dont il assura, de 1964 à 1976, quatre éditions successives en collaboration avec Julliot de la Morandière, puis avec François Terré. Bientôt on lui confia la responsabilité de ce vade-mecum des juristes qu’est le Juris-Classeur Civil. Il le dirigea à partir de 1961 et l’alimenta par une quantité d’articles jusqu’à l’extrême limite de ses forces lorsqu’en novembre 1979 il le confia à son disciple strasbourgeois Philippe Simler ©. François Terré, qui cosignait avec lui ses principaux ouvrages après avoir été son collègue à Strasbourg, put apprécier au quotidien les caractéristiques de son talent: un sens aigu pour débusquer les besoins de la pratique et un don d’analyse qui non seulement débouche sur des solutions adaptées aux évolutions de la société, mais qui pressent et annonce les réformes avant qu’elles ne se réalisent, car « le grand juriste, précisément, c’est celui qui sait poser les questions, trouver les réponses et dégager les problèmes. Tel était Alex Weill » (F. Terré). La 4e édition, profondément remaniée et augmentée de l’Introduction générale au droit civil à laquelle il avouait avoir longuement travaillé et qui parut deux ou trois jours après sa mort en est sans doute l’illustration exemplaire. Pour les praticiens comme pour les étudiants, il élabora – en collaboration avec F. Terré – les éditions successives des Précis Dalloz de droit civil qui sont autant de traités et dont les nombreuses rééditions attestent la permanence du succès. Docteur honoris causa des universités de Lausanne et de Liège, Weill, déchargé des fonctions décanales, avait ensuite accédé aux charges les plus prestigieuses que la République peut confier à un juriste, sans pour autant céder aux sirènes qui voulaient le détacher de sa province : élection au Comité consultatif des universités, au Comité national du CNRS, présidence du Comité international de droit privé, présidence du concours d’agrégation de droit privé, membre du Conseil supérieur de la magistrature. Officier de la Légion d’honneur ; commandeur dans l’ordre des Palmes académiques ; « commandatore » de l’ordre italien du Mérite ; haute décoration yougoslave ; commandeur avec couronne de l’ordre luxembourgeois de Mérite civil et militaire Adolphe de Nassau.

Outre les titres cités, la liste des principaux travaux a été publiée dans les Mélanges Alex Weill, 1983, p. IX à XV.

« In memoriam », Paroles prononcées par M. le président J.-M. Bischoff en l’église Saint-Maurice le 13 décembre 1979, Mélanges Alex Weill, p. 1 et 2 ; allocutions prononcées lors de la cérémonie d’hommage du 8 février 1980 par M. le doyen J.-P.
Jacqué, M. le professeur F. Babinet, M. le professeur F. Terre, ibidem, p. 2-18 ; Allocutions prononcées lors de la cérémonie de remise des Mélanges dédiés à Alex Weill le 27 mai 1983, Strasbourg, 1983 par R. Kovar, président de l’Université Strasbourg III, p. 5-7 ; P. Durieux, président directeur général des Éditions techniques, p. 11 à 13 ; G. Wiederkehr, p. 17-20.

† Marcel Thomann (2002)