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WEDEL Karl Leo Julius, prince de

Général, ambassadeur, Statthalter d’Alsace-Lorraine (★ Oldenbourg 5.2.1842 † Stockholm 30.12.1919). Fils du comte Frédéric de Wedel, général hanovrien, et de Berta, baronne de Glaubitz. École des cadets du Hanovre, officier de la cavalerie hanovrienne, participa à la guerre de 1866 qui se termina par la défaite et l’annexion du Hanovre par la Prusse. S’engagea dans l’armée prussienne, et participa à la guerre de 1870-1871 contre la France. À partir de 1876, il fut nommé à l’État-major général. Attaché auprès de l’armée russe pendant la guerre russo-turque de 1877-1878, il fut nommé attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne à Vienne en 1879. Il entra ainsi de plein pied dans le groupe des « officiers politiques » de l’armée allemande, observateurs souvent incontrôlés et agents de la politique de l’État-major général, qui cherchait à les soustraire de toute subordination à l’ambassadeur, chef de poste et au ministre des Affaires étrangères, Bismarck. Il sembla pourtant avoir été un exécutant discipliné de la politique de Bismarck, dans la négociation des volets militaires de l’alliance défensive austro-allemande de 1879. En 1887, il fut rappelé en Allemagne et exerça pendant deux ans des commandements d’unités. En 1889, il fit partie de l’état-major particulier de l’empereur Guillaume II, qui accordait une confiance toute particulière aux anciens attachés militaires en leur confiant des missions pour le compte de sa diplomatie personnelle. Il s’y fit apprécier. Mais Wedel se lia également avec les principaux dirigeants du ministère des Affaires étrangères : Holstein et surtout le secrétaire d’État Bernard de Bulow. Pressenti pour de prestigieuses ambassades, Saint-Petersbourg ou Paris, il dut finalement se contenter de Stockholm (1892). Il y épousa en octobre 1894, Stephanie de Hamilton ©, et établit son foyer au château de son épouse, Stora Sundby (Sudermanland). La règle interdisant à un ambassadeur d’épouser une sujette du souverain auprès de qui il est acccrédité, il dut renoncer à son ambassade, et passa dans le cadre de réserve. Il retrouva en 1899 un poste d’ambassadeur à Rome, et prit une part active à la reconduction de la Triple-alliance, qui fut conclue en 1902, après sa nomination à Vienne. à ce poste, l’un des plus importants de la diplomatie allemande, il défendit une politique de « collaboration des trois puissances impériales : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie ». À la mort du Statthalter Hohenlohe-Langenburg, et parce que l’empereur souhaitait nommer à Strasbourg un général « à poigne », le chancelier Bulow imposa un général « politique » très proche de lui, l’ambassadeur d’Allemagne à Vienne, Wedel, qui prit ses fonctions le 1er novembre 1907. Au bout d’une année, Wedel imposa le changement politique avec le renvoi du puissant secrétaire d’État Koeller © et son remplacement par un Alsacien, le sous-secrétaire à l’Agriculture Hugo Zorn de Bulach © : en fait, Wedel entendait gouverner et pas seulement comme son prédécesseur, régner. Il parvint à persuader l’empereur et le gouvernement impérial de Berlin, dirigé après le départ de Bulow par Bethmann-Hollweg, que la réforme constitutionnelle donnant à l’Alsace- Lorraine un Parlement avec une Chambre élue au suffrage universel représentait une étape capitale vers la normalisation du statut de l’Alsace-Lorraine dans l’Empire allemand et son assimilation. Cette politique fut combattue par les « nationalistes allemands » qui prônèrent la répression et par de nombreux « nationalistes français » qui avaient bien peur que Wedel eut raison. Wedel dut sauter deux obstacles majeurs : celui d’une fraction du Parlement des « notables », le Landesausschuss/Délégation du Pays d’Empire, hostile au suffrage universel et surtout celui de l’armée et des organisations paramilitaires et ultranationalistes allemandes qui l’attaquèrent de façon répétée. L’appui des partis allemands du Zentrum et de la Socialdemocratie, malgré les réticences réelles ou tactiques de leurs sections alsaciennes-lorraines, assura le vote de la Constitution alsacienne de 1911, qui donnait une large autonomie à l’Alsace-Lorraine. Elle consacra l’aboutissement de la politique de cet ancien ambassadeur : se placer au centre d’un système de partis politiques structurés le dotant de possibilités de manœuvres et de combinaisons plus importantes. Cet incontestable suc cès de la politique de Wedel fut pourtant remis en cause par l’arrogance imbécile d’un jeune lieutenant insultant ses recrues alsaciennes et provoquant des incidents quotidiens avec la population que l’armée se résolut en effet de traiter par la manière forte : elle suspendit en pleine paix l’état de siège sur un chef-lieu d’arrondissement alsacien, allant jusqu’à arrêter et placer en détention des magistrats du tribunal (Saverne, novembre 1913). Le refus du chancelier de l’Empire (décembre 1913), puis de l’empereur de sanctionner cette violation grossière de l’État de droit marqua aux yeux de l’opinion allemande l’entrée dans un régime dominé par l’autoritarisme militariste (janvier 1914). Après la démission du gouvernement Zorn de Bulach (janvier 1914), Wedel fut nommé prince et remplacé comme Statthalter d’Alsace-Lorraine par Dallwitz ©. Il se retira en Suède. Pendant la Première Guerre mondiale, il fut chargé de différentes missions de liaison diplomatique.

Archives départementales du Bas-Rhin, Fonds AL, papiers Zorn de Bulach ; K. Stalin, Deutsches Biographisches Jahrbuch, 1917-1918-1919 ; F. Lienhard, Der Türmer, 1924 ; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981 (index).

François Igersheim (2002)