Missionnaire, vicaire apostolique, (C) (★ Marlenheim 3.12.1870 † Yaoundé, Cameroun, 4.3.1943). Fils de Jean Vogt, boucher, et de Marie Amélie Ley. Le jeune Vogt s’apprêtait à faire ses humanités chez les Jésuites lorsqu’un religieux recruteur de la congrégation du Saint-Esprit passant dans le village le gagna à son institut missionnaire. Le petit scolastique apprit le français dans le collège spiritain de Beauvais (1885-1887), puis poursuivit ses études dans les écoles apostoliques de la congrégation à Langonnet, Morbihan (1887-1889), et à Castelnaudary, Aude (1889-1893). Après avoir passé avec succès le baccalauréat ès sciences, il suivit des cours de sciences à la Sorbonne à Paris (1893-1895) puis étudia la théologie au grand scolasticat de Chevilly, Val-de-Marne (1895-1896 et 1898-1900). Après son noviciat, il fut admis dans la congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie par la profession religieuse, le 2 janvier 1898, et fut ordonné prêtre le 28 octobre 1899. Le jeune prêtre fut nommé professeur de sciences au collège spiritain d’Épinal, Vosges. En 1902, les autorités françaises constatèrent qu’il avait gardé la nationalité allemande et lui interdirent d’enseigner. Vogt résolut de revenir dans l’Empire allemand où il fut affecté à la maison de Knechtsteden, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, comme économe, maître des novices frères et assistant provincial. Le 25 juillet 1906 le Saint-Siège le nomma évêque titulaire de Célenderis et vicaire apostolique de Bagamoyo, Deutsch Ost Afrika, aujourd’hui Tanzanie. La consécration épiscopale eut lieu à Knechsteden le 14 octobre 1906 en présence de Mgr A. Fritzen ©, évêque de Strasbourg et de Mgr J.-M. Adam ©, vicaire apostolique du Gabon. Après avoir rendu visite à l’empereur et au chancelier impérial à Berlin, Mgr Vogt embarqua à destination de son vicariat. Sur place, il visita tous les postes missionnaires, rencontrant chacun des 30 prêtres et 20 frères européens expatriés.
Après la subdivision de la circonscription ecclésiastique et l’érection du vicariat du Kilimandjaro, confié à Mgr M. J. A. Munsch © en 1910, l’évêque pouvait encore compter sur 71 collaborateurs européens (25 prêtres, 19 frères et 27 religieuses) à la veille de la Première Guerre mondiale. En 1918, leur nombre était tombé à 45 car la plupart des frères furent mobilisés dans l’armée allemande et une partie des prêtres, allemands et alsaciens, avaient été déportés en Inde à partir de 1916 par l’armée britannique. Bien que l’Armistice eût rendu de facto la nationalité française à Mgr Vogt, celui-ci devint persona non grata aux yeux de l’administration anglaise qui avait remplacé les colonisateurs allemands depuis 1916. Après avoir subi de nombreuses vexations, il retourna en France en 1921. L’ancienne colonie allemande du Cameroun ayant été placée sous mandat français après la guerre, Mgr Vogt fut nommé administrateur du vicariat apostolique de Yaoundé en avril 1922. Le Saint-Siège entérina cette affectation en le nommant vicaire apostolique le 19 mai 1923. Les missionnaires allemands ayant été expulsés, l’évêque dut faire face à un manque cruel de personnel et relever les œuvres abandonnées. Face à ces besoins urgents, il préconisa l’africanisation des cadres, l’autonomie financière de l’église locale et l’approfondissement de la foi des baptisés. Mgr Vogt favorisa les langues vernaculaires. Il exigeait des missionnaires une bonne connaissance des dialectes locaux sous peine de les renvoyer en Europe. À l’usage des écoles, il composa un Petit syllabaire ewondo-français (1925). D’autres ouvrages parurent en ewondo : des grammaires, un recueil de cantiques, un catéchisme (traduit en bassa et en douala, autres langues importantes du vicariat) et un missel contenant les textes de l’année liturgique. Mgr Vogt fonda aussi un hebdomadaire en langue ewondo Nleh Bekristen. Sous son épiscopat fut généralisée l’œuvre des « Sixas », commencée par son prédécesseur. Les jeunes filles promises au mariage passaient quelques semaines dans une mission où une religieuse leur donnait des cours de couture, de cuisine et de puériculture. La lutte de l’évêque contre la polygamie et la libération de la femme fit évoluer la législation mise en place par le législateur: désormais la validité légale du mariage dépendait du libre consentement des époux. Pour toucher les villages dispersés dans son immense vicariat, il multiplia les postes secondaires d’évangélisation confiés à des catéchistes. En 1923, un petit séminaire fut ouvert à Mvolyé, Yaoundé. Durant son épiscopat, Mgr Vogt ordonna 41 prêtres camerounais. Il fit appel à des religieuses pour créer des dispensaires et des écoles pour les jeunes filles. Aux sœurs missionnaires du Saint-Esprit, installées à Mvolyé en 1924, s’ajoutèrent, respectivement en 1936 et 1938, les sœurs du Très-Saint-Sauveur, dont la maison mère est située à Oberbronn, et les sœurs de la Croix, de Strasbourg. Parallèlement, furent fondées deux congrégations camerounaises : les « Frères du Saint-Esprit » en 1923 et les « Filles de Marie de Yaoundé » en 1930. Sous son épiscopat, les relations entre l’Église et les représentants du pouvoir colonial furent souvent houleuses; ces derniers craignaient des troubles dans le protectorat lorsque l’évêque, au nom de la doctrine chrétienne, remettait en cause le travail forcé ou la place de la femme dans la société. Par ailleurs, l’Église locale acquit un début d’autonomie financière par la création d’un denier du culte payé par les baptisés et l’exploitation de plantations au profit des missions. Les historiens considèrent qu’à cette époque eut lieu au Cameroun une véritable « ruée vers Dieu » et parlent volontiers des « foules de Yaoundé ». En 1920, 57 000 catholiques vivaient au sud- Cameroun. En 1945, on recensait dans le vicariat apostolique de Yaoundé (amputé de 120 000 catholiques regroupés dans le vicariat de Douala érigé en 1931) 235 000 baptisés. En 1922, Mgr Vogt pouvait compter sur 17 collaborateurs européens. En 1945, dans le seul vicariat de Yaoundé, vivaient 82 prêtres (dont 22 Camerounais), 30 frères (dont 19 Camerounais) et 80 religieuses (dont 43 Camerounaises). Aux neuf missions existant en 1922, s’ajoutèrent 41 nouvelles paroisses. Mgr Vogt était chanoine d’honneur de la cathédrale de Strasbourg et assistant au trône pontifical. Son souvenir est toujours vivant au Cameroun. À Yaoundé, un grand collège porte le nom de celui qui est entré dans la légende des pères fondateurs du Cameroun d’aujourd’hui.
Comme vicaire épiscopal, il fit paraître plusieurs ouvrages: Directoire de la mission. Vicariat apostolique de Bagamoyo, Bagamoyo, 1909 ; Kalara ntgi Bisob wan, asu meluk Bekaiara be mf Tara Pop, asu Kommunion Bongo-asu mfi ya mban Kommunion, 1930. Mgr Vogt est l’auteur d’articles sur les missions catholiques d’Afrique de l’Est : « Die Erziehungsfrage im Apostolischen Vikariate Bagamoyo », Die katholischen Missionen (Fribourg en Brisgau), 40, 1911-1912, p. 108-110 ; « Kriegsfolgen im Apostolischen Vikariat Bagamoyo », Echo aus den Missionen (Knechtsteden), 18, 1917, p. 106-108 ; à l’intention des bienfaiteurs européens de ses œuvres, Mgr Vogt publia des informations dans plusieurs revues missionnaires : Echo aus Knechtsteden (Knechsteden), 8, 1906-1907 ; 9, 1907-1908 ; 10, 1908-1909 ; 11, 1909-1910 ; 13, 1911-1912 ; 14,1913 ; 15, 1914 ; 19, 1918 ; 23, 1932 ; Missions catholiques (Lyon), 39, 1907 ; 46, 1914 ; 59, 1927 ; 67, 1935 ; Le Missioni cattoliche (Milan), 36, 1907 ; 53, 1924 ; Annales apostoliques (Paris), 23, 1907 ; 38, 1922 ; 43, 1927 ; 52, 1936 ; 53, 1937 ; Echo aus Africa (Salzburg), 19, 1907 ; 20, 1908 ; 21, 1909 ; 22,1910,26, 1914 ; 33, 1921 ; 37,1925 ; 44, 1932 ; 51, 1939 ; Bulletin des Pères du Saint-Esprit (Pointe Gatineau), 4, 1931 ; Le Messager du Saint-Esprit (Gentinnes), 22, 1930 ; Bode von dem H. Geest (Lier), 20,1928-1929 ; Bode von dem H. Geest (Weert), 19, 1923 ; 33, 1927 ; Echo aus den Missionen (Neufgrange), 6, 1926 ; 8, 1928 ; Écho des Missions (Neufgrange), 2, 1925-1926 ; 3, 1926-1927 ; Le Lis de Saint-Joseph (Grenoble), 19, 1908 ; 29, 1918 ; 33, 1922 ; 34, 1924 43, 1936 ; Le Papillon (Fribourg), 14, 1936.
Bulletin de la Congrégation du Saint Esprit (Paris), 23, 1905-1906, p. 786-789 ; 35, 1931-1932, p. 945-946 ; Le Lys de Saint-Joseph (Grenoble), 17, 1906, p. 273-274 ; Annales apostoliques (Paris), 22, 1906, p. 270-272 ; 38, 1922, p. 81-82 ; 48, 1932, p. 73-76 ; F. Reinheimer, Elsässische Bischöfe, Oberginingen, 1914, p. 62-65 ; Echo aus den Missionen (Knechtsteden), 32, 1931, p. 334-336 ; Echo aus den Missionen (Neufgrange), 2, 1922, p. 246-248 ; 12, 1932, p. 11-12 ; Écho des Missions (Neufgrange), 8, 1931-1932, p. 179 ; Missions catholiques (Lyon), 75, 1945, p. 79 ; Guida delle Missioni cattoliche (Rome), 1935, p. 256 ; Amtsblatt der Diozese Strassburg, 1943, p. 16 ; Missions catholiques (Lyon), 74, 1944, p. 79 ; A. Braun, « Monseigneur F. X. Vogt Apostolischer Vikar von Yaoundé », Almanach des pères du Saint-Esprit, 17, 1947, p. 16-26 ; « Monseigneur François-Xavier Vogt », Bulletin de la Congrégation du Saint-Esprit, (Paris), t. 42, 1951-1952, et tiré à part, s.l., 1951 ; R. Streit, J. Dindinger, Bibliotheca missionum, t. 18, Fribourg, 1953, p. 992, 993, 1171, 1172, 1173 ; R. Dussercle, Du Kilima-Ndjaro au Cameroun. Mgr F.-X Vogt (1870-1943), Paris, 1954 ; F. Reibel, « Un grand missionnaire alsacien. Mgr François-Xavier Vogt (1870-1943) », Bulletin ecclésiastique du diocèse de Strasbourg 73, 1954, p. 721-728 ; G. Knittel, Évêques missionnaires d’Alsace, Strasbourg, 1965, p. 49-51 ; A. Grach, « Un grand missionnaire alsacien, Mgr F.-X. Vogt », Revue de Saint-Joseph, 1970-1971 ; G. Fritsch, « Les ancêtres de Monseigneur François Xavier Vogt (1870-1943) », Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 13, 1971, n° 1-2, p. 1-12 ; J. I. Tabi, L’Église au Cameroun de 1884 à 1935, mémoire de maîtrise, Lyon, 1971 ; A. Chapeau, F. Combaluzier, Épiscopologe français des temps modernes 1592-1973, Paris, 1976, n° 3137 ; J. T. Rath, Zur Geschichte der deutschen Provinz der Kongregation von Hl. Geist. Die Kenchtstedener Provinz (1895-1948), Knechsteden, 1973 ; idem, Mortuarium der deutschen Provinz der Kongregation vom HL Geist (1857-1975), Knechtsteden, 1976, p. 154, n° 372 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, 1986, p. 7630-7631 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 442-445 ; J.-P. Blatz, Le clergé séculier et régulier du diocèse de Strasbourg (1801-1918), thèse d’histoire, Strasbourg, 1993, p. 880, 887, 1955, 3197, 3216, 4105, 4109, 4690, 4691.
Jean-Paul Blatz (2002)