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VILLON Pierre (nom de guerre de GINSBURGER Roger Salomon ; autres pseudonymes dans la Résistance : COLBERT, PACAUD)

Architecte, dirigeant communiste, résistant, député, (I) (★ Soultz, Haut-Rhin, 27.8.1901 d. Vallauris, Alpes-Maritimes, 6.11.1980). Fils de Moïse Ginsburger ©, rabbin et historien, et de Coralie Hecker. ∞ I 1929 Doris Niedermann, pianiste, organiste et cantatrice (d. 1939) ; 1 fils, ∞ II 7.11.1949 à Gentilly Marie-Claude Vogel, veuve de Paul Vaillant-Couturier (sa compagne depuis le 9 avril 1940), présidente de la Fédération mondiale démocratique des femmes. Roger Ginsburger parlait alsacien avec ses parents et apprit le français grâce à l’employée de maison de la famille, fille d’un garde champêtre d’Arbois, Jura, arrivée à Soultz en 1907. Il fit des études secondaires au gymnase de Guebwiller, puis à partir de 1915, à celui de Colmar. Il passa I’Abitur, réduit à un simple écrit en novembre 1918. De janvier à mars 1919, il tenta de préparer les concours des grandes écoles au lycée Saint-Louis à Paris, mais y renonça rapidement, car il ne supportait pas la discipline de l’internat et ignorait le vocabulaire mathématique français. II essaya ensuite d’entrer à l’École des Beaux-Arts, mais refusa la pratique du bizutage et un enseignement « archaïque et pompier ». Le jeune homme rentra en Alsace et effectua un stage au bureau municipal d’architecture à Strasbourg. Il partit ensuite pour l’Allemagne, où après un autre stage chez un sculpteur à Stuttgart, il accomplit des études d’architecture à Munich, puis à Dusseldorf (novembre 1919- octobre 1922). De retour en France, il commença son service militaire dans le Génie à Besançon, avant d’être réformé au printemps 1923. Il regagna alors Paris, où il travailla d’abord chez un architecte moderniste, Jean- Charles Moreux, puis s’établit à son compte comme architecte et décorateur en s’inspirant des conceptions « fonctionnelles » de Le Corbusier, du Bauhaus et du Werkbund. Ginsburger créa des meubles transformables, pliables et d’autres en tubes métalliques. À partir de 1929, il collabora à diverses revues artistiques (Das Neue Frankfurt, Die Form) et écrivit quelques ouvrages sur l’architecture française. Il publia aussi des articles sur l’aménagement de l’agglomération parisienne dans Paris-Midi et participa en dressant des projets futuristes au débat sur le Plan régional alors en cours d’élaboration. Son engagement politique date, selon lui, du début des années trente : il participa en mars 1932 à la création de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires et il devint secrétaire de sa section d’architecture. Son adhésion officielle au Parti communiste eut lieu en octobre 1932, il devint aussitôt secrétaire de cellule et, après quelques semaines, secrétaire du « rayon » des Ve et VIe arrondissements. Alors que son cabinet d’architecte recevait de plus en plus de commandes, en 1934, le parti l’envoya comme permanent à l’Internationale des marins et dockers à Anvers (mais, selon Jean Valtin, il avait travaillé dès 1929 pour cette organisation syndicale, « couverture » des services spéciaux du Komintern). En 1935, le siège de cette organisation fut transféré à Paris : dès lors, Ginsburger s’occupa aussi de la Fédération CGTU des ports, docks et transports dirigée par Charles Tillon. En novembre-décembre 1935, il entra au secrétariat administratif du comité central du Parti communiste, puis fut muté avant les élections de 1936 à la section de propagande dirigée par Jacques Duclos. À l’automne 1938, Maurice Thorez l’affecta à la coordination des maisons d’édition communistes et à la direction des Éditions sociales internationales. Après la dissolution du PCF, il quitta son domicile en novembre 1939 et rédigea L’Humanité clandestine jusqu’en juin 1940. Il proposa sans succès à Benoît Frachon de rédiger au début du mois de juin un éditorial appelant à lutter contre l’envahisseur allemand comme après Sedan en 1870. Malade lors de l’entrée de la Wehrmacht à Paris, il prit ensuite la direction des Cahiers du Bolchevisme. Il commença également en septembre 1940 de rencontrer des universitaires proches du PCF. Arrêté par la police française le 8 octobre 1940, il fut emprisonné à la prison de la Santé et fut condamné en décembre à huit mois de prison pour diffusion de tracts et pour vol de papiers d’identité. Le parquet fit appel a minima, mais le verdict fut confirmé en appel en février 1941. Transféré à Fresnes, il devait être libéré le 9 avril 1941, mais la préfecture de police l’envoya au camp d’internement du sanatorium d’Aincourt, Seine-et-Oise. Après l’invasion de l’URSS, il fut transféré à la prison de Rambouillet, Seine-et-Oise, puis au château de
Gaillon, Eure, d’où il s’évada le 17 janvier 1942. Caché à Paris, il succéda à Georges Politzer, arrêté, puis fusillé, à la tête des comités d’intellectuels du Front national de zone nord. Devenu secrétaire général du Front national, mouvement de résistance de masse « indépendant » créé par le PCF, mais ouvert aux non-communistes, et qui prétendait alors encadrer l’ensemble de la Résistance intérieure, il rencontra le colonel Rémy en octobre 1942 et Pierre Brossolette et le colonel Passy, envoyés du général de Gaulle, les 18, 25 et 26  mars1943. Il participait désormais, sous le pseudonyme de « Pierre Villon », aux réunions du Comité de coordination des mouvements de résistance de zone nord. À partir de sa constitution le 27 mai 1943, il siégea au Conseil national de la Résistance, fut également membre de son bureau permanent (créé en septembre), ainsi que du CAD (Comité d’action contre la « déportation » du Service du travail obligatoire). Villon, qui avait proposé dès novembre 1943 un projet de « Charte de la Résistance », fut le principal rédacteur du programme du CNR adopté le 15. Mars 1944. À partir de février 1944, il appartint, comme Kriegel-Valrimont ©, au COMIDAC (Comité militaire d’action) qui prit le 13 mai le nom de COMAC, organisme qui supervisait l’état-major national des Forces françaises de l’Intérieur, et qu’il présida. Il avait réussi en mars, au prix de quelques blessures, à échapper à une arrestation par la Milice. En juin-juillet, il chercha à étendre les pouvoirs de commandement du COMAC sur les FFI, aux dépens de ceux du général Koenig ©. Au cours de l’insurrection parisienne, Villon s’éleva contre la trêve conclue le 20 août avec le général allemand von Choltitz. Le 29 août, il fut reçu par le général de Gaulle qui lui offrit d’entrer avec un important portefeuille ministériel dans le Gouvernement provisoire en échange de la dissolution du COMAC, mais il dut refuser cette offre sur l’ordre du Parti. À partir du 31 août, il fit partie du Comité central du PCF et siégea même officieusement au Bureau politique. Sous sa présidence, le COMAC refusa de se dissoudre et essaya pendant quelques semaines de maintenir l’autonomie des FFI face à l’armée régulière. Le COMAC se transforma ensuite en commission militaire du CNR, puis disparut. Membre de l’Assemblée consultative provisoire, Villon présida sa commission de la Défense nationale jusqu’en juin 1945. Le 25 juin 1945, sa compagne, Marie-Claude Vaillant-Couturier, revint de déportation. Le 21 octobre 1945, Villon (il avait gardé ce nom) fut élu député de l’Allier à la première Assemblée constituante. Il fut réélu le 2 juin 1946 et continua à représenter ce département jusqu’en 1978 (sauf de 1962 à 1967). Cependant, son ascension dans la hiérarchie du Parti s’arrêta là : dès 1945, il avait été écarté de la direction du Front national à la suite de l’échec de la fusion avec le MLN (Mouvement de Libération nationale) et ne siégea plus au Bureau politique. Au Comité central d’octobre 1947, Maurice Thorez critiqua son action dans la Résistance, mais Villon refusa de faire son autocritique. Cité dans l’ouvrage de Jean Valtin comme agent des services secrets soviétiques, il gagna en janvier 1950 un procès en diffamation. En juin 1952, il fut élu secrétaire général de l’ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance), qu’il présida à partir de l’élimination de Tillon en 1954. Il figura au Comité central du PCF jusqu’en février 1970. Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, médaille de la Résistance avec rosette.

(Sous son nom de Roger Ginsburger) : « Construction rationnelle », La Nature, 15.2.1929 ; Frankreich, die Entwicklung der neuen Ideen nach Konstruktion und Form, Vienne, 1930 ; Junge Französische Architektur, Genève, 1930 ; « « Architektur, Kunst, Technische Schönheit, Moderne Bauformen, Stuttgart, juin 1931, p. 265-268 ; (sous la signature de Pierre Villon) ; Unir pour faire la guerre et hâter la victoire, Paris, 1945 ; Pour une armée nationale contre une armée de caste, Paris, 1945 ; Bulletin d’information de la Commission militaire nationale du Conseil national de la Résistance, Paris, 1944-1945 ; « Les problèmes de l’armée », Cahiers du communisme, août 1946 ; Pierre Villon, membre fondateur du CNR, résistant de la première heure, entretien avec Claude Willard, Paris, 1983.

J. Valtin (= Richard Krebs), Sans patrie ni frontière, Paris, 1948, réédition, 1975, p. 183-190 ; colonel Passy, Missions secrètes en France (novembre 1942-juin 1943), Paris, 1951, p. 162-164, 172, 238 ; R. du Jonchay, La Résistance et les communistes, Paris, 1968 ; H. Noguères, Histoire de la Résistance en France, Paris, 5 vol., 1967 (index) ; D. Desanti, Les Staliniens. Une expérience politique 1944-1956, Paris, 1975 (index) ; Ch. Tillon, On chantait rouge, Paris, 1977 ; J. Debû-Bridel, De Gaulle et le Conseil national de la Résistance, Paris, 1978 ; S. Courtois, Le PCF dans la guerre, Paris, 1980 (index) ; R. Bourderon, G. Willard, La France dans la tourmente, Paris, 1980 (index) ; Ch. de Gaulle, Lettres, notes et carnets, juin 1943-mai 1945, Paris, 1983, p. 301 ; F. Crémieux, J. Estager, Sur le Parti 1939-1940, Paris, 1983 (index) ; J. Jérôme, Les clandestins (1940-1944), Paris, 1986 ; Cl. Andrieu, Le programme commun de la Résistance, Paris, 1984 ; A. Tasca, Vichy 1940-1944, Paris-Milan, 1986, p. 311 ; Ph. Robrieux, Histoire intérieure du parti communiste, IV, Paris, 1984, p. 574- 575 ; R. Faligot, R. Kauffer, Les Résistants. De la guerre de l’ombre aux allées du pouvoir, 1944-1989, Paris, 1989 (index) ; J.-Y. Boursier, La politique du PCF 1939-1945. Le Parti communiste français et la question nationale, Paris, 1992, p. 61, 88 ; H. Amouroux, Les règlements de compte, Paris, 1993 (index) ; Maitron, dir., Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 43, 1993, p. 257-258 (et Cd-Rom) ; Ph. Buton, Les lendemains qui déchantent. Le PCF à la Libération, Paris, 1993 (index) ; E. de Chambost, La direction du PCF dans la clandestinité (1941-1944). « Les cyclistes du Hurepoix », Paris-Montréal, 1997, (index) ; A. Guérin, Chronique de la Résistance, Paris, 2000 (index).

Léon Strauss (2002)