Trésorier impérial (★ Sélestat, v. 1470-1480 ; † Fribourg/Br. 1529 ?). ∞ Ursula Adler, fille du banquier Philipp Adler, d’Augsbourg; 1 fils : Carl, conseiller impérial sous Charles Quint. Sans doute issu d’un milieu modeste, Villinger étudia à l’école latine de la ville et prit du service à la cour impériale, probablement dans l’entourage de la reine Bianca Maria. Il participa aux opérations de la guerre de Succession palatine en 1504, ce qui lui valut d’être fait chevalier. Maître des finances (Schatzmeister) à partir de 1507, il parvint à financer les entreprises de Maximilien grâce à ses liens avec les milieux d’affaires d’Augsbourg, en anticipant sur les subsides votés par le Reichstag et en hypothéquant le patrimoine de la dynastie autrichienne. En 1513, il organisa la campagne contre le roi de France, notamment lors de l’expédition de Dijon. Deux ans plus tard, il fut l’homme clé du Congrès de Vienne au cours duquel l’empereur Maximilien tenta de fédérer autour de lui les royaumes de Pologne, de Bohème et de Hongrie et prépara sa succession à grand renfort de propagande. À partir de 1517, bénéficiant de la confiance de l’archiduchesse Marguerite d’Autriche, Villinger fut associé à tous les préparatifs de l’accession de Charles de Bourgogne à la tête de l’Empire et reçut pour ce faire trois instructions successives. L’enjeu était de garantir une succession héréditaire au profit du petit-fils du souverain, déjà roi d’Espagne depuis 1516, en obtenant d’abord l’adhésion des sujets et des vassaux de la Maison d’Autriche (états généraux réunis à cet effet en 1518), puis en échafaudant des combinaisons plus complexes à l’échelle de l’Empire et de l’Europe tout entière. À l’instar de son compatriote Paul d’Armsdorf, « faiseur de roi » suivant l’historien Paul Kalkoff, et véritable artisan de l’élection de Charles-Quint, il s’efforça de maintenir l’axe politique Autriche-Bourgogne voulu par Maximilien Ier en y ajoutant la dimension espagnole issue du mariage de l’archiduc Philippe le Beau et de l’infante Jeanne d’Espagne: cette construction, dirigée contre le roi de France, faisait de l’Alsace l’une des pièces essentielles dans le jeu diplomatique de l’Europe. C’est pourquoi, il s’assura du maintien de la Reichslandvogtei de Haguenau dans l’orbite des Habsbourg qui l’avaient confisquée aux comtes palatins à la suite de la guerre de 1504. Son succès le plus éclatant fut le prêt accordé par les Fugger d’Augsbourg pour circonvenir les princes électeurs au printemps 1519 : il alla jusqu’à avancer 20 000 florins de sa propre cassette. Ses fonctions de trésorier prirent fin en 1523. Enraciné à Fribourg en Brisgau, mais voyageant continuellement entre Vienne, Innsbruck, Bruxelles ou Malines, Villinger tira de grands bénéfices de son rôle politique. Anobli de facto depuis 1504 — ses armoiries parlantes représentent un poulain (Fullin) —, il obtint de relever le nom des Schoenenberg (ou Belmont), une famille noble du Jura éteinte aux alentours de 1500 et fut élevé au rang de baron. Dès 1507, il prit pied dans la région de Colmar, rachetant la seigneurie de Sainte-Croix-en-Plaine à ses différents ayants-droit (notamment à l’évêque de Strasbourg), acquérant un hôtel à Colmar (actuelle maison de retraite de la rue Berthe Molly), exploitant plus rationnellement ses droits seigneuriaux et ses domaines fonciers, notamment autour de Nambsheim. À en juger par les inventaires réalisés au moment de sa vente à la ville de Colmar, en 1536, le château de Sainte-Croix peut être considéré comme une des premières grandes constructions de la
Renaissance en Alsace. Il fut mené à bien par une équipe de maçons « welsches » venus du sud des Alpes. Il est hautement possible qu’il ait été en relation avec le milieu artistique de son temps, notamment Mathis Grünewald ©, présent à Issenheim entre 1512 et 1516 et, peut-être à ses côtés à Vienne en 1515. Proche des humanistes de la Société littéraire de Sélestat, il fut le dédicataire d’une édition de Pic de la Mirandole publiée par son compatriote Jacob Spiegel © ainsi que de l’opuscule de Hieronymus Gebwiler © intitulé Libertas Germaniae publié à l’occasion de l’élection impériale de 1519. En 1523, en compagnie de son épouse, il se rendit au pèlerinage de son patron, à Saint-Jacques de Compostelle et fit réaliser un vitrail commémoratif à la cathédrale de Fribourg où il apparaît en tant que donateur.
Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 921 ; G. von Pölnitz, Jacob Fugger, Tübingen, 2 vol., 1949-1951 ; C. Bauer, « Jakob Villinger, Großschatzmeister Kaiser Maximilians », Syntagma Friburgense. Historische Studien Hermann Aubin dargebracht, Lindau-Constance, 1956 ; H. Wiesflecker, Kaiser Maximilian I. Das Reich, Osterreich und Europa an der Wende zur Neuzeit, Munich, 6 vol., 1971-1986. G. Bischoff, « Une enquête : la noblesse austro-bourguignonne sous le règne de Maximilien Ier », Les pays de l’Entre-Deux au Moyen Âge, Paris, CTHS, 1990, p. 123-138 (Actes du 113e Congrès des Sociétés savantes, Strasbourg, 1988) ; idem, « Le château du ministre alsacien. Jacques Villinger, seigneur de Sainte-Croix-en-Plaine », Revue d’Alsace, 1.122, 1996, p. 221-236 ; C. Labeye, « Autour du Concert des anges du retable d’Issenheim », Revue d’Alsace, 1.126, 2000.
Georges Bischoff (2002)