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VAUBAN Sébastien LE PRESTRE de

Ingénieur et maréchal de France, (C) (★ Saint-Léger de Fourcherets 1.5.1633 † Paris 30.3.1707). Fils d’Albin Prestre, « escuyer », et d’Edmée Carmignolle. ∞ 1660 Jeanne d’Osnay d’Ehiry ; 2 filles. Éducation classique avec le curé du village et au collège de Saumur, il « y reçut une bonne teinture de mathématiques et de fortification ». Il passa du service de Condé, avec lequel il avait fait ses premières armes, au service du roi. Grièvement blessé au siège de Stenay, il reçut en 1655 le brevet d’ingénieur du roi. Il commanda, sous les ordres du maréchal de La Ferté, une compagnie et pratiqua son noviciat d’ingénieur aux côtés du chevalier de Clerville (1610-1677) alors commissaire général des fortifications. À cette occasion, Vauban fit un séjour en Alsace où il fut chargé du revêtement de Brisach, Bade. Il travailla de concert avec l’intendant Charles Colbert ©. À l’occasion des adjudications et par suite de négligences de l’intendant, il entra dans une affaire d’entrepreneurs dont les rebondissements eurent lieu jusqu’en 1671 et dont, seule, le sortira l’intervention de Louvois, devenu son protecteur. En 1667, le roi l’avait nommé lieutenant aux gardes et, refusant le projet de Clerville, avait accepté son projet pour la citadelle de Lille. Au moment de la guerre de Hollande, Vauban dirigea le siège de Maestricht aux côtés du roi, partisan de la guerre de sièges. À la chute de Maestricht, il reçut une gratification de 80 000 livres et le grade de brigadier des armées du roi. Il devint maréchal de camp deux ans plus tard, en 1678, et succéda à Clerville. En 1683, il fut fait gouverneur de la citadelle de Lille et, en 1688, lieutenant-général, promu au maréchalat en 1703. Soucieux du bien public au même titre que de la défense du pays, bon connaisseur des problèmes de la terre par son éducation dans le Morvan et sa résidence de campagne du château de Bazoches, achetée au duc de Nevers ; toujours à cheval et arpentant chaque année toutes les routes du royaume, désireux de voir revenir les protestants expulsés par Louis XIV (1685) et d’améliorer la condition paysanne, il publia en 1706 un livre percutant, La Dîme royale, traitant du problème fiscal. Le Conseil privé en ordonna, l’année suivante, la mise au pilon. En dehors de l’aspect purement militaire et au sortir de la guerre de Trente ans, l’œuvre de Vauban en Alsace se présente sous deux aspects : améliorations des fortifications existantes, œuvre de la maison d’Autriche, des seigneurs locaux ou des Magistrats comme à Sélestat, création de nouvelles structures de fortifications comme à Strasbourg ou à Fort-Louis. Dans le domaine des améliorations, on peut compter Sélestat, où fut érigé par Tarade une nouvelle enceinte et creusé le canal de Châtenois ; la place fut achevée en 1691 ; Brisach, déjà mentionné, qui resta français jusqu’en 1697 ; en 1674, la « Ville-Neuve » de Brisach fut établie dans l’île des Cadets. Amélioration de châteaux médiévaux, Landskron, La Petite-Pierre, Lichtenberg, Bitche. À Kehl, les anciennes fortifications de terre furent remplacées par un fort carré muni de demi-lunes, en liaison avec Strasbourg. Furent également remaniées Belfort, jusque-là « villotte » avec deux petites agglomérations, haute et basse, Landau, la ville aux quatre sièges, et Bitche, à la puissante forteresse. Fortifications nouvelles à Fort-Louis, Huningue et Neuf-Brisach. La première, commencée en 1687, comprenait un fort bastionné et deux têtes de pont en ouvrages à corne, la seconde destinée à surveiller les Suisses et le pont de Bâle, « une des plus parfaites du royaume », la troisième, construite après que le cours du « grand Rhin » fut devenu frontière entre la France et l’Allemagne (1697), appliquait, selon les spécialistes, le « troisième système de Vauban ». Le canal de Rouffach, mis en service en juin 1699, facilita l’acheminement des matériaux. Rattachée au royaume par la capitulation du 30 septembre 1681, Strasbourg devait représenter à la fois améliorations — celle de l’enceinte due à Specklin © et revue par les ingénieurs suédois —, et constructions nouvelles. Celles-ci comprenaient le barrage
Vauban, destiné, en barrant les eaux de l’III, à provoquer l’inondation par devant les remparts, puis la citadelle, monde à part, destiné à affirmer la présence française à côté de la vieille cité luthérienne et républicaine et à assurer la défense du pont du Rhin, en liaison avec Kehl. Dès avant l’arrivée du roi et de sa suite dans la cité, où était rentré l’évêque et où la cathédrale devait être « réconciliée » en grande pompe, Vauban était présent (3 octobre). Parfait connaisseur du Rhin, de son cours sinueux, de ses îles éphémères, de ses crues et de ses débordements, Vauban connaissait les difficultés de la lutte contre le fleuve. Le 9, le dossier était constitué, le 16 novembre , l’Instruction générale des ouvrages était mise au point. « Du coup et pour de longues années, l’Alsace était transformée en un vaste chantier » (A. Blanchard). Vauban en fut le maître d’œuvre comme il le fut dans le reste de la France.

Archives nationales, Minutier central ; Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert (138 bis) et cabinet d’Hozier; Archives de la Guerre, série Al 1692 ss (correspondance de Louvois et des secrétaires d’État à la guerre : Barbezieux, Voysin, Chamillart…) ; Bibl. du Génie (Traité des sièges sur l’attaque et la déffense des places de guerre, 1704) ; Plans-reliefs (Invalides) ; Archives départementales du Bas-Rhin et Archives départementales du Haut-Rhin (série C, les villes fortifiées) et Archives municipales de Strasbourg (Archives du préteur royal, AA 2149, la citadelle) ; textes imprimés et réunis par Hyrvoix de Landosle (Correspondance avec Puysieulx, 1924), colonel Augoyat (Mémoires inédits…, Paris, 1841, et Oisivetés, Paris, 1842-1845), p. de Foissac (Traité de l’attaque des places…, Paris, an III) ; Dénombrement des feux des bailliages de Ferrette et de Delle et de la baronnie de Montjoie par Vauban en 1697 publié par J.-P. Kintz dans Paroisses et communes de France, Haut-Rhin – Territoire de Belfort, CNRS, 1994 ; G. Zeller, L’organisation défensive des frontières du Nord et de l’Est au XVIIe siècle, Paris, 1928 ; G. Livet, L’Intendance d’Alsace sous Louis XIV, 1956 (réd. PUS 1991) ; P. Truttmann, Fortification, architecture et urbanisme aux XVIIe et XVIIIe siècles…, Thionville, 1976 ; Strasbourg, Metz et Luxembourg… sous Louis XIV, Actes colloque Luxembourg 1977, Metz, 1978 ; A. Blanchard, Les ingénieurs du Roy de Louis XV à Louis XVI. Étude du corps des fortifications, Montpellier, 1979 ; Vauban réformateur, Actes colloque 1983, Paris, Association Vauban, 1983 ; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III (index) ; J. Doise, « Histoire militaire de l’Alsace : la défense du pays », 1re partie : « De la guerre de Trente ans à Napoléon », Saisons d’Alsace, n° 84, 1984, p. 39-61 (« Vauban » et répertoire des cartes et des plans dans Reussner, au Génie et à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg) ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, p. 7537-7538 ; A. Blanchard, Dictionnaire des ingénieurs militaires 1691-1791, Montpellier, 1991; A. Blanchard, Vauban, Paris, 1996 ; J.-P. Haettel, « Vauban aux frontières de l’Est », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, n° 97, 1996-1997 (avec plans et croquis). Monographies sur les différentes villes fortifiées : G. Zeller, « La fortification de Fort-Louis, 1687 », Revue d’Alsace, 1937 ; L. Grodecki, « La documentation sur les places fortes d’Alsace conservée à Paris », Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970 ; G. Livet, « Villes nouvelles, villes fortifiées et problèmes de banlieue sous l’Ancien Régime. L’exemple de Strasbourg et de la Robertsau », Les villes. Cahiers de TAIE n° 16, Reims, 1972 (avec plans de Fort-Louis, Huningue, Neuf-Brisach) ; L. Kiechel, Histoire d’une ancienne forteresse de Vauban, Huningue, 1975 et art. Annuaire de la Société d’histoire de Huningue et de sa région n° 38, 1993, (Noël des Robert, 1656-1721, Revue d’Alsace, 1938) ;Y. Baradel et coll., Histoire de Belfort, Horwarth, 1985, p. 125-130 ; G. Livet, N. Wilsdorf, Le Conseil souverain d’Alsace au XVIIe siècle. Les traités de Westphalie et les lieux de mémoire, publ. Soc. sav. Alsace, 1997, p. 325-383 (« Ville Neuve-Saint-Louis-lès-Brisach », avec plans).

† Georges Livet (2002)