Generalmajor (général de brigade), gouverneur militaire de Strasbourg, (C) (★ Thionville, Moselle, 24.4.1890 † Bad Krotzingen, Bade, 28.2.1969). Fils d’Auguste Vatterodt, Major (commandant) au service des fortifications et de Mathilde Schmidt. ∞ 8.7.1918 avec Félicitas Bade (★ Hambourg 7.1.1899) ; 2 filles. Passa une partie de sa jeunesse et de sa scolarité à Strasbourg. En 1902, la famille quitta Strasbourg pour Fribourg en Brisgau. En 1909, Vatterodt entra à l’armée comme élève officier au 2e IR de Basse Alsace n° 137 de Haguenau. Sous- lieutenant en 1911, lieutenant en 1915, capitaine en 1918. En 1919, maintenu à la Reichswehr comme commandant de compagnie au régiment n° 8. Entra à la gendarmerie badoise comme commandant en 1920, puis devint lieutenant-colonel et colonel. Reprit le 1er octobre 1935 du service dans la Wehrmacht comme lieutenant-colonel, commandant le régiment territorial n° 56, prit part au passage du Rhin en 1940 à Neuf-Brisach. Generalmajor (général de brigade) le 1er mars 1941 et gouverneur militaire de Strasbourg le 12 mars 1941. Durant les années qui suivirent et jusqu’au 23 novembre 1944, Vatterodt ne se fit guère remarquer, se contentant de représenter la Wehrmacht aux manifestations du Parti. Dès sa nomination au poste de gouverneur, Vatterodt passa auprès de ses anciens camarades du service actif et de 1914-1918 pour un Allemand plutôt bienveillant pour les Alsaciens, les mettant en garde contre le système nazi à diverses reprises et essayant de les préserver contre les mauvaises surprises. Il intercéda plusieurs fois pour des Alsaciens pris dans les embûches du nouveau système, essayant de faire prévaloir l’attitude courageuse des intéressés pendant la guerre de 1914-1918.
Vatterodt passait pour pointilleux, même hors du service. Un témoin cite l’anecdote suivante: les étudiants considéraient comme un sport le fait de sauter du tram avant les arrêts. L’un d’eux fut prit sur le fait par Vatterodt. Ce dernier, en civil, lui
demanda ses papiers en déclinant son identité et son grade. L’étudiant, en uniforme, lui répondit que lui-même était « l’empereur de Chine » avant de filer. Outré par la réponse, Vatterodt fit com- paraître presque trois compagnies de soldats et, passant dans les rangs, essaya en vain d’identifier le coupable.
Il semble également avéré que Vatterodt. déclara, en 1943, « quand ils [les Alliés] arriveront, je ne me défendrai pas ». Les 22, 23, 24 et 25 novembre 1944, il prouva par son comportement qu’il avait décidé d’ignorer l’ordre spécial de Hitler qui l’aurait obligé, comme tout supérieur, en cas de mouvement inopiné du front et des forces ennemies, de se défendre jusqu’à épuisement de ses moyens en faisant abstraction de tout scrupules humanitaires. Le 23 novembre, Vatterodt se replia au Fort Ney (forêt de la Robertsau), avec tout son état-major, ainsi que 600 soldats provenant des différentes casernes de la garnison de Strasbourg, Gottfried Hartmann a décrit l’ambiance qui régnait à l’intérieur du fort. Le colonel Girod de Langlade de la 2e DB, commandant le secteur, demanda aux Américains un important renfort d’artillerie et menaçait de détruire le fort si la garnison ne se rendait pas. Ce n’est que le 25 novembre que Vatterodt fit sa reddition après qu’un obus de gros calibre avait traversé une bouche d’aération et avait éclaté dans la grande cuisine faisant plusieurs morts. Dès que Vatterodt fut assuré du nombre et de la qualité militaire de ses adversaires, il se rendit au colonel Langlade et, selon J. Granier, avant d’être reçu par Leclerc au Palais du Rhin, il fit remettre au capitaine Alfred Betz ©, officier interprète de la 2e DB un document contenant le plan détaillé des emplacements des batteries allemandes de la rive droite du Rhin, ainsi qu’un croquis des champs de mines. Vatterodt a préservé, grâce à son attentisme et à son honneur de soldat, la population et la ville des conséquences d’une guerre totale et suicidaire prônée par les dirigeants du IIIe Reich. Le général Vatterodt fut condamné à mort par contumace par un tribunal spécial mis en place par Himmler, commandant en Bade, pour « lâcheté devant l’ennemi », en réalité pour non-exécution des ordres. Prisonnier de guerre d’abord à Lunéville, puis dans un camp au Sud de la France, il fut libéré le 25 août 1947. Croix de Fer 2e et 1ère classe ; chevalier de l’ordre de la maison des Hohenzollern avec épées.
Archives municipales de Strasbourg, déclarations domiciliaires – Staatshandbuch für Elsass-Lothringen, 1914 ; Bundesmilitärarchiv, liste des généraux de la Seconde Guerre mondiale, p. 211 ; Strassburger Neueste Nachrichten des 6.4.1941, 14.1 et 4.2.1944 (photo) et article du 20.5.1943 (sous sa signature) ; J. Granier, Et Leclerc prit Strasbourg, Strasbourg, 1970 ; F. L’Huillier, Libération de l’Alsace, Paris, 1975 ; G. Hartmann, Das Recht des Anderen. Lebenserinnerung aus bewegten Zeiten 1920-1993, Marburg, 1993 (traduction partielle dactyl. aux Archives municipales de Strasbourg).
† Edmond Ponsing et Louis Ludes (2002)