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ULMANN Hans

Instigateur du Bundschuh de 1493 (★ v. 1435 ? † exécuté à Bâle, entre le 20 et le 25.5.1493). ∞ Clara/Clor Hag(in), vivante encore en 1501 ; 2 enfants: Clara, 1 fils, Diebold (★ v. 1460 † probablement après 1506). Arrêté à Bâle, où il s’était réfugié au milieu du mois d’avril 1493, l’ancien Stettmeister (ou Burgermeister) de Sélestat Ulmann fut considéré comme le chef politique de l’insurrection paysanne du Bundschuh, en février-mars précédent. Le 23 mars, il présida, aux côtés du Schultheiss de Blienschwiller, Jacob Hanser ©, la réunion secrète de l’Ungersberg, un sommet situé au-dessus de Reichsfeld. Les conjurés, au nombre de trente-quatre, étaient issus de neuf localités du vignoble de moyenne Alsace: leur programme révolutionnaire tenait en trois points qui visaient aussi bien l’Église, par la contestation des tribunaux ecclésiastiques que le pouvoir civil, par la critique du tribunal impérial de Rottweil, ou les juifs, accusés de pratiquer l’usure. Il semblerait que Ulmann ait été partisan d’une solution négociée, bien que l’insurrection prévue ait eu pour objectif de s’emparer de Sélestat et d’y procéder à des exécutions: en dehors de quatre autres Sélestadiens dont les noms sont connus, il aurait disposé de 2 à 300 partisans. La genèse d’un soulèvement placé sous la bannière du soulier à lacets de la paysannerie est généralement interprétée comme une réponse aux malheurs du temps et à l’endettement des campagnes, sur un fond de millénarisme. La personnalité d’Ulmann permet de s’interroger sur d’autres motivations et sur des ramifications plus lointaines. Boucher de profession — et peut-être marchand de bestiaux en liaison avec le marché du Burner Kreuz (près de Scherwiller) —, il possède une bonne implantation locale, tant dans le vignoble — sa femme est elle-même de Blienschwiller et probablement la sœur de l’archiprêtre d’Andlau, Andréas Hag —, qu’à Sélestat où il est un notable, membre du conseil municipal depuis 1479. C’est probablement sa connaissance des affaires de la ville qui l’avait qualifié pour diriger le contingent de cinquante soldats envoyés par les Sélestadiens au secours du roi Maximilien Ier, pris en otage par les bourgeois de Bruges, au printemps 1488, puis pour prendre la tête de l’ensemble du contingent envoyé par les villes impériales d’Alsace et par les Strasbourgeois. L’importance de cette mission lointaine, qui renoue avec les opérations menées par la Basse Union à l’époque des guerres de Bourgogne, suggère une expérience militaire déjà ancienne. À l’instar de ses compatriotes, Ulmann possédait casque et cuirasse sur la valeur desquels il avait fondé une messe d’anniversaire. L’expédition des Flandres, aussi longue (17 semaines) qu’inutile, s’avéra fort coûteuse (les deux tiers des dépenses annuelles de Sélestat). Pour Ulmann, elle se traduisit par des manipulations financières qui lui furent reprochées, notamment l’emprunt de 400 florins à un bourgeois d’Ammerschwihr, et lui valurent peut-être d’être relevé de son commandement, au profit de son second, le capitaine haguenovien Hans Wagner dès le mois de juin. Toutefois, de retour à Sélestat, il ne paraît pas avoir été sanctionné. Au début de l’automne 1488, il fit partie des quatre Stettmeister trimestriels (ou Burgermeister) désignés pour l’année suivante. Le renouvellement du 5 octobre 1491 le signala toujours comme conseiller (aux côtés de Steffan Wimpheling, un parent du célèbre humaniste et du père de Beatus Rhenanus, lui aussi boucher). Disposant d’un bon réseau de relations entre Bâle et Strasbourg, apparemment bien au fait des pratiques judiciaires de son temps (vers 1490, on fait état de trois procès en cours, pour des
affaires privées), Ulmann calque son comportement sur celui des élites dirigeantes. Dès 1485, il appartint à l’importante confrérie du Rosaire de Colmar, sous la houlette des Dominicains de la ville, et fit partie, à la même date, de la confrérie Saint-Jean de Sélestat. Lors de son arrestation, il affirma s’être rendu à Bâle sur la route du pèlerinage d’Einsiedeln. Son implication dans le complot du Bundschuh est-elle liée à une conjoncture locale ? Entre 1489 et 1493, Sélestat est constamment sollicitée par l’Empire, mais Ulmann ne paraît pas jouer de rôle de premier plan. Il n’est pas exclu, cependant, que le complot du Bundschuh ait profité de la proximité de Maximilien Ier, salué par les contemporains comme le restaurateur de la puissance de l’Empire. Ses préparatifs, qui remontent à la fin de l’année 1492, semblent s’être précisés en février suivant pour aboutir à la réunion du 23 mars à l’Ungersberg. Ils furent éventés début avril : le nombre de comploteurs identifiés était alors de 80, sur un total évalué alors à 1500. Dans une lettre adressée de Bâle à son avocat strasbourgeois Hans Muller, le 10 avril, Ulmann évoquait son implication en la mettant sur le compte de Hanser et en insistant sur son rôle de modérateur. Son arrestation fut suivie d’un interrogatoire par les autorités bâloises, le 20 avril, puis de sa condamnation à mort.

Informations transmises par Olivia Wickersheim et Guillaume Douté.

A. Rosenkranz, Der Bundschuh. Die Erhehungen des südwestdeutschen Bauemstandes in den Jahren 1493-1517, Heidelberg, 2 vol., 1927 ; F. Rapp, Réformes et Réformation à Strasbourg. Église et société dans le diocèse de Strasbourg (1450-1525), Strasbourg, 1974.

Georges Bischoff (2001)