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THOMAS (dit de COLMAR) Charles Xavier

Inventeur, fondateur et dirigeant de compagnies d’assurances, (C) (★ Colmar 5.5.1785 † Paris, VIIIe, 12.3.1870), fils de Joseph Antoine Thomas, médecin, conseiller municipal de Rouffach, et de Françoise Entzlen (ou Anselin), ∞ à Séville Frasquita Garcia de Ampudia Alvarez ; 10 enfants. Issu d’une famille bourguignonne installée en Alsace depuis le XVIIe siècle, Thomas commença sa carrière dans l’administration de la Régie, puis quitta définitivement l’Alsace. Il participa, de 1810 à 1813, à la campagne d’Espagne comme officier d’administration : garde-magasin des vivres à Séville de l’armée du Midi à partir de décembre 1810, il fut fait prisonnier en août 1812, mais réussit à s’évader en juillet 1813 des prisons de Cadix et rejoignit l’armée à Madrid ; il retrouva son poste, exerça même pendant deux mois des fonctions d’inspecteur, puis démissionna en janvier 1814 à l’issue de la retraite. C’est en Espagne qu’il conçut l’arithmomètre, breveté en novembre 1820, une machine à calculer capable de faire les quatre opérations, y compris avec des décimales, pour des nombres allant jusqu’à 20 chiffres. Sans concurrente pendant un demi-siècle, capable de soutenir la concurrence au cours du demi-siècle suivant, c’est-à-dire jusqu’en 1920, ce fut la première machine commercialisée sur une grande échelle ; elle créa le marché de la calculatrice de bureau et peut être considérée comme une étape essentielle dans l’histoire du calcul artificiel qui conduit à l’ordinateur. C’est pour cette invention que Thomas fut nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1821 (puis officier en août 1857), mais il sollicita en vain des lettres de noblesse en mars 1825 ; il reçut également la grande médaille d’or de la Société d’encouragement en 1851. La ville de Colmar donna son nom à une rue en 1912 et lui éleva un monument orné d’un buste de Clésinger à la suite d’une proposition faite en 1931 au Congrès national de comptabilité.

Thomas fut également un pionnier des assurances après en avoir assimilé les principes en Angleterre. Il fonda, à Paris, en mai 1819, avec le Suisse Jacob Dupan, une des premières compagnies françaises d’assurances contre l’incendie, la Compagnie française du Phénix. Il en devint directeur général, mais en démissionna dès le 2 février 1820 à la suite d’un désaccord avec le conseil d’administration. En décembre 1829, il fonda la Compagnie du Soleil, souscrivit un quart du capital et en assura la direction générale jusqu’à sa mort. Il mit en place de nombreuses innovations qui firent souvent école dans le métier de l’assurance: contrat à durée illimitée avec clause de tacite reconduction, assurance catastrophe gratuite (puis payante à partir de 1840), système d’assurés participants qui pouvaient selon les cas être mis à contribution ou intéressés aux bénéfices, création de comités locaux chargés du démarchage, etc. En 1847, Thomas prit le contrôle de l’Aigle et constitua un groupe d’assurances qui occupait le premier rang en France dans le domaine de l’assurance incendie sous le Second Empire. Il y casa sa famille qui conserva le contrôle de l’affaire jusqu’en 1894 : son frère Henri Louis, d’abord, qui l’accompagnait depuis l’Espagne; ses fils, Joseph Thomas d’Alvarès et Louis, duc de Bojano, son gendre, Pierre-Albert de Dalmas (1822-1891), secrétaire de Napoléon III ©, député d’Ille-et-Vilaine. Le groupe Soleil-Aigle fut un des pôles constitutifs du GAN en 1968. Thomas constitua une immense fortune, de l’ordre de 20 millions de francs à son décès, qui lui permit d’acquérir trois châteaux : Champfleury à Carrières-sous- Poissy, Maisons-Laffitte, acheté en 1850 à la princesse de la Moskowa, fille de Jacques Laffitte, et Mairé, dans la Creuse, avec un domaine de plus de 1000 hectares.

Dossier personnel, Service historique de l’Armée de Terre, officiers d’administration, carton 327 ; inventaire après décès, 21.3.1870, et liquidation, 11.4.1870, Archives nationales, MC CIX-1218 et 1219 ; V. Senes, Les origines des compagnies d’assurances fondées en France depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours, 1900, p. 252-292 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, 871-872 (sous Thomas Louis); Compagnie d’assurances Le Soleil, 1829-1929, 1929 ; France de l’Est du 9.5.1930 ; J. Joly, « Un grand inventeur alsacien, Charles-Xavier Thomas », La Vie en Alsace, 1932, p. 129-136 (portraits) ; P. J. Richard, Histoire des institutions d’assurances en France, 1956 ; M. Daumas, Histoire générale des techniques, t. III, 1968, p. 185-187 ; G. Ifrah, Histoire universelle des chiffres, 1994, t. Il, p. 500-501 et passim ; J.-L. Vonau, Contribution à l’histoire de l’assurance en France: l’assurance-incendie en Alsace, XIXe-XXe siècles, Grenoble, 1979, p. 428-429; L’assurance, de la Royale au GAN, l’histoire de tous les projets, 1816-1992, 1992; Dernières Nouvelles d’Alsace, édition de Colmar, des 18, 19 et 21.1.1970, 10, 12 et 16.7.1986, 4.5.1994 (portraits) ; J. Marguin, Histoire des instruments et machines à calculer, Paris, 1994, p. 105-115; L’Alsace du 24.4.1994; G. Thuillier, « Les machines à calculer et les bureaux en France au XIXe siècle », Études et documents, IX, 1997, p. 231-240; J.-M. Schmitt, « La réhabilitation du monument colmarien à Charles Xavier Thomas », Mémoire Colmarienne n° 76, décembre 1999, p. 3-4.

Nicolas Stoskopf (2001)