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STURM (von STURMECK) Jacob

Stettmeistre de Strasbourg, (PI) (★ Strasbourg 10.8.1489 † Strasbourg 30.10.1553). Sturm, le personnage politique le plus important de son époque, était le second fils de Martin Sturm († 1521) et d’Ottilie von Köllen († 1519). Les Sturm, qui résidaient à Strasbourg depuis environ 1250, avaient fréquemment servi la ville comme membre du Conseil (Rat) ou comme Stettmeister. Ils étaient nobles et tenaient des fiefs de l’empereur, de l’électeur palatin, de l’évêque de Strasbourg et d’autres seigneurs ; Martin Sturm et ses frères possédaient la seigneurie et le château de Breuschwickersheim. La mère de Sturm était une petite fille de Peter Schott l’ancien ©. Sturm était destiné à une carrière cléricale. Pour s’y préparer il eut comme précepteur l’humaniste Jacob Wimpheling © et s’inscrivit à la faculté des Lettres de Heidelberg (1501-1504) et à celle de Théologie à Fribourg-en-Brisgau (1509). Au cours des années 1510, il fit partie de la sodalité des humanistes de Strasbourg dirigée par Wimpheling et Sebastian Brant ©, et de 1517 à 1522 servit, comme secrétaire du prévôt du chapitre de la cathédrale, le comte palatin Heinrich ©. En 1514, Erasme © fit l’éloge de Sturm, « cet incomparable jeune homme », et les Epistoiae virorum obscurorum le comptèrent parmi les partisans des studia humanitatis. Les liens entre Sturm et l’humanisme se confirment par un texte écrit en 1522 sur la réforme des études de Heidelberg. Au cours de l’automne 1523, alors que le mouvement évangélique était bien développé à Strasbourg, Sturm abandonna son statut clérical et entra au Conseil de la ville au mois de janvier suivant. Il se convertit au protestantisme, comme il l’a dit plus tard, parce que « j’ai lu les écrits des deux côtés et je fus persuadé par ceux de notre côté ». À Wimpheling, qui l’accusait d’hétérodoxie, Sturm répliqua que « si je suis hérétique, c’est vous qui m’avez rendu ainsi ». Aux environs de 1524, Sturm épousa une fille du Stettmeister Hans Bock von Gerstheim († 1542). Elle mourut en 1529 et Sturm déménagea dans une maison de la rue Brûlée avec (ou chez) ses frères et sœurs célibataires, Friedrich († 1562), Peter († 1563) et Veronika († 1581). La lignée des Sturm se continua par son cousin germain Stephan Sturm († 1578), mais s’éteignit en 1640.

Sturm s’éleva rapidement et accéda aux Conseils restreints des XV et des XIII qui dirigeaient respectivement les affaires intérieures et étrangères et, en 1525, il fut témoin de la guerre des Paysans dans la Souabe supérieure et dans la vallée du Neckar en tant qu’agent du conseil gouvernemental de l’Empire (Reichsregiment) et comme agent de Strasbourg en Basse Alsace et dans l’Ortenau. En 1526, après que Sturm eut représenté Strasbourg à la diète impériale de Spire, il fut élu Stettmeister le 21 décembre 1526. Il ne tarda pas à devenir et à rester le principal concepteur de la politique étrangère de Strasbourg. C’est à Sturm que Strasbourg dut sa politique étrangère protestante d’alliance avec les états luthériens (Stände) dirigés par le landgrave Philippe de Hesse (1504-1567) et les électeurs Johann (1468-1532) et Hans Friedrich (1504-1554) de Saxe. S’étant initialement engagée à être solidaire dans la défense de la foi évangélique à Spire en avril 1529, l’alliance, en dépit des retards entraînés par la querelle entre Luther et Zwingli devint effective en février 1531. Cette Ligue de Smalkalde avait comme objectif la défense de la foi telle qu’elle se trouvait définie par la Confession d’Augsbourg (1530) que Strasbourg signa en 1532, mais que Zurich, Bâle et Berne refusèrent de signer, mettant fin à la longue association entre Strasbourg et les villes suisses. Des membres de la Ligue de Smalkalde prirent part à la conquête des duchés de Wurtemberg (1534) et de Brunswick-Wolfenbüttel (1542). Sturm, qui assista à chacune des 26 diètes de la Ligue de Smalkalde entre 1531 et 1546, collaborait depuis 1529 avec le réformateur Martin Bucer © pour servir de médiateur entre les partis évangéliques, et cette politique fut couronnée de succès dans le Concordat de Wittemberg de 1536. Sturm dirigea aussi les relations avec les protestants français et la royauté française. De celle-ci il n’avait aucune expérience personnelle — n’ayant pas visité la France et ne lisant pas le français — et il ne lui accordait pas beaucoup de confiance. « Ceux qui connaissent les Français, déclara-t-il, ne se fient pas beaucoup à eux ». Sturm fut aussi l’homme politique des villes libres le plus important de sa génération dans l’Empire. Il représenta Strasbourg à chaque diète impériale : de Spire en 1526 à Augsbourg en 1551, ainsi que dans de nombreuses autres assemblées, effectuant en tout, dit-on, 91 missions diplomatiques. Ce service l’obligea à passer une grande partie de sa vie en mission bien qu’il fût souvent en mauvaise santé, ses collègues se reposant beaucoup sur lui. Sturm se plaignit de ce fardeau à plusieurs reprises, notamment en 1545 lorsqu’il mit en garde ses collègues du Magistrat : « Vous devriez vous demander si c’est une bonne chose de tout avoir dans une seule tête ».

Le rôle de Sturm dans les affaires intérieures de Strasbourg fut tout aussi décisif. Son attitude initiale fut conciliante et il s’opposa à la suppression de la messe catholique, qui fut abolie en 1529. Avec Bucer, il combattit les anabaptistes et d’autres dissidents qui se rassemblaient à Strasbourg en grand nombre autour de 1530. Il présida le synode de 1533 au cours duquel lui et Bucer préparèrent la fin des dissidents, et il rédigea l’ordonnance ecclésiale de 1534 qui les bannit. En tant que disciple d’Erasme, Sturm n’aimait pas la coercition en matière de religion. « Les lois font des hypocrites » écrivit-il en 1534, mais il était également partisan d’une règle uniforme pour l’exercice public de la foi sous la surveillance du Magistrat. L’œuvre la plus durable de Sturm pour Strasbourg concerne les écoles. Il présida la commission scolaire composée de trois membres (les scholarques) depuis sa création (1526) et jusqu’à sa mort. Sous sa direction, on réforma les écoles élémentaires, on institua un collège (collegium praedicatorum) pour former des pasteurs et on fonda l’École latine, qui sous son recteur fondateur Johann Sturm ©, devint l’une des écoles protestantes les plus influentes en Europe.

La crise la plus grave de la carrière de Sturm fut provoquée par la guerre de Smalkalde de 1546- 1547 dans laquelle la Ligue de Smalkalde fut défaite (Mühlberg, avril 1547) par les forces de Charles Quint. Après cela, Sturm s’employa à préserver la religion établie à Strasbourg et à restaurer les relations de la ville avec l’empereur. La résistance des tribus de métiers et du clergé arriva à son point culminant en août 1548 lorsque Sturm recommanda l’acceptation par Strasbourg de l’Intérim, le règlement religieux de Charles Quint. Devant cette crise politique, la plus sérieuse de l’époque, Sturm persuada les autorités d’accepter l’Intérim, et l’empereur de permettre que les conditions soient négociées avec l’évêque de Strasbourg. En plus de la restauration du catholicisme, l’évêque exigea et obtint le bannissement de Bucer et de Paul Fagius ©. Ils se rendirent en Angleterre d’où Bucer s’en prit amèrement à Sturm pour avoir sacrifié l’évangile aux intérêts des riches (« accumulandi mammonae »).

Durant les dernières années de sa vie les activités de Sturm furent limitées par sa santé chancelante. Il contracta une fièvre en octobre 1553 et, le pasteur Johann Marbach © à ses côtés, il mourut à l’aube du 30. Dans son panégyrique devant le Magistrat, Johann Sturm compara Sturm — son ami et protecteur, mais non pas son parent — aux grands hommes d’État de la Grèce et de la Rome anciennes. Grâce à Sturm, dit ce maître, « vous avez votre religion ; vous avez votre liberté ; vos citoyens sont sains et saufs ». En la personne de Sturm, les courants principaux de l’époque ont convergé et se sont mélangés. C’était un homme de la fin du Moyen Âge en politique, de la Réforme en religion, et de la Renaissance dans le domaine culturel. En politique, Sturm représentait un dernier fleuron de la grande tradition des villes libres, mais il reconnaissait aussi que Strasbourg vivait maintenant dans un monde dominé par de grands États, notamment la France. Dans le domaine religieux, il avait tendance à être tolérant pour ce qui est de la conscience, mais promouvait une politique autoritaire d’uniformité pour ce qui est de la pratique religieuse publique. Dans le domaine culturel, il était l’héritier de la culture vernaculaire vivante des villes allemandes du Sud à la fin du Moyen Âge (Brant et Geiler étaient des amis de sa famille), mais dans les écoles il promouvait la nouvelle culture italianisante de l’humanisme. Ses réalisations locales pour  pour l’Église et les écoles de Strasbourg ont perduré. Ce ne fut pas le cas de sa plus grande création politique, la Ligue de Smalkalde.

Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, I, n° 46, p. 255 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 849-850 ; G. Livet, « Jacques Sturm, Stettmeister de Strasbourg. Formation et idées politiques, 1482-1532 », Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle, Hommage à Lucien Febvre, Strasbourg, Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, 1977, p. 207-241 (portrait en couleur) ; Th. A. Brady, Jr, Protestant Politics: Jacob Sturm (1489-1553) and the german Reformation, New Jersey, 1995, 449 p. ; idem, The politics ofthe Reformation in Germany : Jacob Sturm (1489-1553) of Strasbourg, New Jersey, 1997.

Thomas Brady (2000)