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STUPFEL Jean Pierre

Juriste et diplomate (★ Mutzig 2.6.1725 † Fribourg en Brisgau 27.10.1795). Fils de Jean Michel Stupfel, chirurgien à Mutzig, et de Anne Marie Zoller. ∞ I vers 1750 Anne-Marie Mayenblum; 6 enfants. ∞ II env. 1775 à Bruchsal Marie Élisabeth von Wagner. En 1782, Stupfel se plaignit d’avoir à subvenir aux besoins de 12 enfants). Études à l’Université catholique de Strasbourg (immatriculé en 1744), puis à la faculté de Droit de l’université protestante de la ville. Il y fut inscrit le 4 décembre 1753 et conclut ces études avec le grade de licencié dès le 21 septembre 1754, sans que l’on sache où il séjourna depuis 1746. Il est à supposer qu’il fit des études en France, puisqu’il ne se servit très généralement que de la langue française, avouant être très malhabile en allemand. On le trouva ensuite, pendant quelques années, à Saverne, au service de l’administration épiscopale qu’il quitta fin 1763 pour s’établir comme avocat au Conseil Souverain d’Alsace. En 1765, il fut engagé comme « procureur fiscal » par l’évêque de Spire, le cardinal Franz Christoph von Hutten de l’administration du territoire situé entre Seltz et la Queich (Département in Gallicis) nouvellement installée à Lauterbourg, et nommé conseiller aulique Hofrat en 1769. La Régence (Regierung) de Lauterbourg ayant été supprimée en 1770-1771 pour des raisons de coûts, Stupfel fut muté à l’administration centrale de l’évêché à Bruchsal où il ne s’occupera désormais que des affaires et litiges en rapport avec la France. Les relations avec ses employeurs furent souvent tumultueuses, voire conflictuelles si bien qu’en 1786 le prince-évêque de Spire renonça à ses services. L’évêque reprocha notamment à Stupfel de s’adonner à des activités « privées » et de professer dans ses publications « anonymes » des opinions politiques non conformes à celles de ses supérieurs. Un procès à propos du montant de ses indemnités de licenciement occupa le Conseil Souverain d’Alsace jusqu’à sa dissolution. Les débuts de la Révolution avaient en effet incité Stupfel à se lancer dans une intense activité littéraire aux motivations peu claires. Bien qu’il ait salué l’institution d’une Assemblée Nationale permanente, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’adoption du principe de la séparation des pouvoirs, Stupfel s’éleva bientôt contre les opinions de Rühl ©, de Frédéric de Dietrich © et de C.G. Koch ©.

Il apparaît comme un personnage animé d’une réelle peur idéologique de la Révolution qui menace de détruire un ordre dont il se crut créancier. En effet, ses publications fournirent aux princes d’Empire, au nombre desquels figurait son ancien employeur, le prince-évêque de Spire, les arguments politico-juridiques nécessaires pour se défendre contre les initiatives de la France révolutionnaire dans « l’affaire des princes possessionnés ». Leur souveraineté territoriale, garantie par les traités de paix du XVIIe siècle, posait des problèmes diplomatiques au moment de l’abolition de la féodalité. Dans ce contexte, Stupfel publia à la fin de 1790 deux exposés politico-juridiques destinés à clarifier les arguments des princes: Questions d’État et Archives d’Alsace, dans lesquels il s’institua interprète entre les deux nations, pour l’intelligence de leurs langages juridiques, il discuta l’applicabilité de l’abolition des féodalités en Alsace et prit la défense de son ancien employeur, accusant les membres de l’Assemblée nationale, notamment Mirabeau, de méconnaître le droit germanique. Il prônait le statu quo, énumérant toutes sortes de subtilités juridiques locales. À la fin du volume des Archives d’Alsace figure un opuscule intitulé L’impossibilité de l’exécution du décret de
l’Assemblée nationale du 28 juillet 1790 concernant l’indemnité des princes et états d’Empire possessionnés en Alsace. Il y attaquait Merlin de Douai, qui, au nom du comité de féodalité, avait présenté un rapport dans lequel il ne reconnaissait pas les droits des princes en Alsace. En effet, pour Merlin, cette province était unie à la France non par les traités de paix, mais par la volonté de son peuple, représenté au sein de l’Assemblée nationale ; il avait néanmoins proposé une indemnisation plus large que prévu. Considérant comme juridiquement irrecevable la base sur laquelle les négociations avaient été engagées, Stupfel rejeta le principe d’indemnités versées aux princes : trop difficiles à déterminer, elles ne sauraient être acceptées par des princes allemands, en vertu de la règle fondamentale d’inaliénabilité des parties constituantes de l’Empire. En réfutant les principes rousseauistes de Merlin de Douai, Stupfel considérait l’Alsace comme illégalement rattachée à la France et attaquait davantage les traités de Westphalie que les seules instances révolutionnaires. Une fois le séquestre des princes ordonné par le département du Bas-Rhin le 1er octobre 1792, Stupfel se tourna vers la République, et adressa, à titre personnel, des demandes d’indemnisation à l’administration des Domaines nationaux, estimant les revenus du séquestre des propriétés du prince évêque suffisants pour couvrir ses prétentions. Il n’obtint pas gain de cause et fut porté, avec plusieurs membres de sa famille, sur la liste des émigrés de la commune de Mothern. Stupfel avait rallié Vienne en décembre 1792 convoqué par l’Empereur à titre d’expert dans les affaires « françaises », et notamment des problèmes opposant l’Empire au roi de France en Alsace. En 1794 et en 1795, il était installé à Fribourg-en-Brisgau en tant que conseiller de régence pour l’Autriche antérieure et fut anobli.

Principales publications (presque toutes anonymes mais confirmées par l’auteur lors de divers procédures). Énumération quasi exhaustive par Molz/Hallier, o.c., p. 215-216: Considérations sur les droits particuliers et le véritable intérêt de la Province d’Alsace, Strasbourg, 1789 ; Archives d’Alsace ou recueil des actes publics concernant cette province pour servir de pièces justificatives aux considérations et aux questions d’État sur la même province, avec un discours préliminaire, 1790 ; L’impossibilité de l’exécution du décret de l’Assemblée Nationale du 28 octobre 1790, s.l., 1790 ; Der Deckel von dem Hafen, oder das Elsasser Volksbüchlein – Zur nötigen Belehrung in den gegenwärtigen Zeiten, Strassburg, 1790 ; Questions d’État décisives, résultantes pour la Province d’Alsace des décrets rendus par l’Assemblée Nationale de France depuis le 5 Août 1789 jusqu’au 13 Février 1790 inclusivement ou Conciliation des droits particuliers de cette Province avec lesdits décrets et la Constitution qui en résulte, 1790 ; Die Oberherrschaft und Oberlehnherrlichkeit Kaisers und Reich …in Elsass und Lothringen, Mannheim, 1791.

Une riche documentation d’archives allemandes et autrichiennes est citée dans l’étude Molz/Hallier ; il y a lieu d’y ajouter les sources alsaciennes aux Archives départementales du Bas-Rhin, Q1352, Q1436, Q3042, 5Mi261/8, 5Mi300/2 ; Th. Ludwig, Die deutschen Reichsstände im Elsass und der Ausbruch der Revolutionskriege, Strasbourg, 1898, p. 134 et suiv. ; J. E. Gerock, « Les débuts de la Révolution en Alsace septentrionale et la naissance de l’autonomisme », L’Alsace française, 1927, p. 696 et suiv. et 715 et suiv.; Molz, Chr. Hallier, « Johann Peter Stupfel, ein elsässischer Publizist des Revolutionszeitalters », Elsass-Lotringisches Jahrbuch, 16, 1937, p. 181-216.

Daniel Fischer et † Marcel Thomann (2006)