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STROHL Henri Adolphe

Pasteur, historien et théologien, (PI) (★ Brumath 26.10.1874 † Strasbourg 24.2.1959). Fils d’Alexandre Strohl, pharmacien, et de Cécile Ihlé. ∞ 17.6.1920 Geneviève Hoff (★ 1894 † 1971) ; 1 fille, Christiane (★ 26.1.1922) qui fit à son tour des études de théologie, exerça le ministère pastoral, puis les fonctions d’aumônier à l’Hôpital civil de Strasbourg, puis à l’hôpital psychiatrique de Stephansfeld, avant de s’établir comme psychanalyste à Strasbourg. Études au Gymnase Jean Sturm. Études de théologie à Strasbourg (1893-1895, 1896-1897), où il suivit notamment les cours de J. Ficker, à Berlin (semestre d’hiver 1895-1896) et à Genève (semestre d’hiver 1897-1898). Vicaire à Wissembourg (1898-1899), pasteur-administrateur à Ingwiller (1899-1902), pasteur à Benfeld (1902-1905), puis à Colmar (1906-1919), où ilcréa l’œuvre d’évangélisation du Grillenbreit et s’intéressa à l’histoire de la paroisse. Durant la Première Guerre mondiale, il exerça de surcroît les fonctions d’aumônier de l’hôpital militaire des contagieux. Nommé, en octobre 1919, maître de conférences à la faculté de Théologie protestante réorganisée par Paul Lobstein ©, alors qu’il n’avait pas de grade académique, Strohl acquit la licence (= ancien doctorat) dès 1922 (thèse sur L’évolution religieuse de Luther jusqu’en 1515), et le doctorat (= ancienne habilitation) dès 1924 (L’épanouissement de la pensée religieuse de Luther de 1515 à 1520). Nommé professeur en 1928, Strohl enseigna à la faculté jusqu’en octobre 1945, date à laquelle il prit sa retraite. Ses cours portaient sur l’ensemble de l’histoire du christianisme, tandis que ses conférences (= séminaires) traitaient principalement les grands réformateurs (Luther, Calvin, Bucer et Zwingli) et le protestantisme alsacien. Doyen de la faculté de janvier 1928 à octobre 1945. Poursuivit la politique d’ouverture, initiée par son prédécesseur Ehrhardt, de la faculté sur l’Europe scandinave, centrale et orientale (de 1928 à 1939, les étrangers représentaient entre le tiers et près de la moitié des effectifs étudiants). Résolument francophile, et soucieux avant tout de préserver la faculté des attaques de la presse ultra-nationaliste et des critiques des autorités politiques, il se heurta à plusieurs reprises, entre 1926 et 1939, aux étudiants autonomistes des Verbindungen Argentina et — plus rarement — Wilhelmitana. Engagements sociaux: secrétaire de la section strasbourgeoise de la Fédération abolitionniste internationale, et membre actif du mouvement « Pro Familia », association luttant notamment pour la fermeture des maisons de prostitution. Strohl joua un rôle capital dans la vie de la faculté repliée, avec le reste de l’Université de Strasbourg, à Clermont-Ferrand (1939-1945) : il s’occupa de l’hébergement des étudiants (location d’un appartement baptisé « foyer Bucer »), et en tant que membre de la commission des œuvres, pourvut à leurs besoins. Arrêté lors de la rafle du 25 novembre 1943, Strohl fut relâché. De retour à Strasbourg, Strohl assura l’intérim de la direction du Séminaire protestant (Stift) (1945-1946), jusqu’à la nomination de Rodolphe Peter ©. Docteur honoris causa des universités d’Upsal, de Lausanne et de Debreczen. Officier de la Légion d’honneur.

À ses débuts, l’œuvre scientifique de Strohl s’inscrit dans le renouveau des études luthériennes (Johannes Ficker, Karl Holl) et répond à la diffusion, en France, des thèses de H. Denifle, Luther und das Luthertum, 1904-1909 (moine relâché, Luther aurait forgé une doctrine conforme à sa morale, et ce n’est que prétendument qu’il aurait redécouvert la justification par la foi seule: cette dernière est attestée chez maints théologiens médiévaux ; pour Denifle, Luther aurait donc été sinon un menteur, du moins un ignorant) : dans son ouvrage de 1922, Strohl démontre, d’une manière qui continue d’emporter l’adhésion des luthérologues, l’authenticité des expériences religieuses de Luther. Dans sa seconde thèse, il analyse en détails des passages majeurs du commentaire de Luther sur Romains, ainsi que les grands écrits de 1520, et situe le réformateur par rapport à Augustin, l’école d’Occam, la mystique de Tauler et la théologie germanique — autant de pistes de recherche que la Lutherforschung a creusées depuis lors. Ces deux volumes, fondus en 1962 sous le titre Luther jusqu’en 1520, ont influencé l’ouvrage célèbre de Lucien Febvre © (Un destin : Martin Luther, 1928). Luther, sa vie et sa pensée (1933) est davantage destiné au grand public. Cette biographie se concentre sur Luther jusqu’en 1525, et ne traite guère l’ecclésiologie et l’eschatologie du réformateur ; au reste, au contraire de Febvre, Strohl s’y intéresse principalement au fait religieux, presque coupé de son contexte socio-économique. Outre plusieurs opuscules (De Marguerite de Navarre à Louise Scheppler, 1926 ; Études sur Oberlin, 1926 ; Bucer, humaniste chrétien (recueil d’articles), 1939, Strohl a rédigé encore deux importantes synthèses: Le protestantisme en Alsace (Strasbourg, 1950, réédition aux éditions Oberlin, 2000) et La pensée de la Réforme (Neuchâtel et Paris), 1951.

Ch. Hauter, « Hommage au Doyen Henri Strohl pour son 80e anniversaire », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 34, 1954, p. 193-197 ; idem, « In Memoriam Henri Strohl », ibidem 39, 1959, p. 205-207 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, p. 7161 s. ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 5137 (p. 537s.) ; Ph. G. Wolf, Das neuere Französische Lutherbild, Wiesbaden, 1974 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, 1987, p. 427-429 ; M. Arnold, La Faculté de Théologie protestante de l’Université de Strasbourg de 1919 à 1945, 1990, Strasbourg ; idem, « Entre la France et l’Allemagne : la Faculté de Théologie protestante de Strasbourg de 1919 à 1945. Aperçus complémentaires », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 72, 1992/4, p. 391-411 ; idem. « L’après Clermont-Ferrand : La Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg, automne 1944-1946 », ibidem 76, 1996/2, p. 195-210 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine : Les Protestants, Paris, 1993, p. 470-471.

Matthieu Arnold (2000)