MPédecin ophtalmologiste, professeur à la faculté de Médecine, (PI) (★ Strasbourg 27 pluviose XI (13.2.1803) † Strasbourg 5.6.1871). Fils d’Élie Louis Stoeber ©. Cousin germain du poète Ehrenfried Stoeber ©. ∞ I 14.4.1831 à Strasbourg Caroline Émilie Ubersaal (★ Strasbourg 10.9.1812 † Strasbourg 13.4.1845) ; 2 filles, ∞ II Adèle Windesheim, veuve Monoyer ; 1 fils. Veuf, Stoeber adopta aussi le fils de sa seconde épouse, Ferdinand Monoyer (★ Lyon 1836 † Lyon 1912 ), plus tard professeur d’ophtalmologie à Strasbourg (1870-1872), Nancy (1872-1876), puis Lyon; ce dernier épousa Jeanne Stoeber, fille aînée de Stoeber. Pour son activité médicale comme pour ses travaux scientifiques et son rôle dans la réorganisation de la faculté de Médecine et de l’hôpital, Stoeber peut être considéré comme l’un des médecins les plus importants du XIXe siècle en France. Il fit des études à Strasbourg de 1820 à 1824, puis passa un an et demi à Paris. En 1826, il séjourna quelques mois à Londres, et prit conscience au contact de Wardrop et Lawrence des retards accusés par la France en matière d’enseignement et de pratique ophtalmologique : il décida dès lors de se consacrer à cette discipline, et poursuivit ses voyages de formation à Berlin et surtout à Vienne, auprès des professeurs Rosas et Jaeger ; il ne rentra à Strasbourg qu’en octobre 1827, où il ouvrit un cabinet médical tout en préparant son agrégation, puis en donnant des cours d’ophtalmologie. En 1834, il publia un manuel d’ophtalmologie, le plus complet du genre jamais écrit en France. Toutefois, il ne fut nommé professeur à la faculté de Médecine qu’en 1845. Il créa, à l’hôpital, la première clinique spécifiquement destinée aux maladies des yeux, et mit en place un enseignement universitaire de l’ophtalmologie, tout en développant aussi l’enseignement « clinique » des spécialités, c’est-à-dire auprès des malades dans des services hospitaliers, ce qui constituait une nouveauté pour l’époque. Il plaida de même pour la modernisation des services de l’hôpital, et apporta de nombreuses améliorations à ces derniers, notamment en pédiatrie et en dermato-vénérologie, services qu’il dirigea parallèlement à ses autres activités médicales, avant de ne plus s’occuper que d’ophtalmologie à partir de 1853. Profitant de son expérience acquise lors de ses voyages — il ne cessa de participer à de nombreux congrès à travers l’Europe durant toute sa vie —, il apparaît bien comme le « réformateur » de l’hôpital au milieu du siècle, et contribua à ouvrir ce dernier aux progrès réalisés à l’étranger, principalement dans le monde germanique. En 1835, il avait fondé avec quelques confrères les Archives médicales de Strasbourg, premier journal médical publié dans la région, avant de devenir à partir de 1841, l’un des rédacteurs les plus féconds de la Gazette médicale de Strasbourg, qui parut jusqu’en 1914. Parallèlement, Stoeber est aussi l’un des pères de la « santé publique » et de l’épidémiologie dans la région : à l’image des médecins de son temps, il s’intéressa à tous les facteurs, de l’hydrologie au climat en passant par l’alimentation ou le mode de vie, susceptibles d’influer sur l’état de santé des populations. Ses travaux lui valurent d’être choisi par le préfet Migneret © pour rédiger la partie « médicale » de la Description du département du Bas-Rhin. Mais l’étude qu’il rédigea dans ce cadre, en collaboration avec son ami Gabriel Tourdes © était si volumineuse qu’elle fit l’objet d’une publication séparée : la Topographie et histoire médicale de Strasbourg et du département du Bas-Rhin (Strasbourg et Paris, 1864), décrit en 618 pages le cadre de vie, les conditions d’hygiène et de vie des habitants, et passe en revue toutes les affections dont ils souffrent, avec une méthodologie et une précision statistique jamais égalée jusqu’alors. L’ouvrage étudie aussi l’ensemble des institutions médicales et sanitaires concourant à la santé, et constitue, pour toutes ces raisons, l’une des publications majeures de l’histoire médicale alsacienne. Au titre de ses nombreuses fonctions publiques, Stoeber contribua à améliorer l’hygiène et les structures sanitaires du département et se préoccupa de la situation de la profession médicale elle-même, en participant à la création de l’Association générale de prévoyance des médecins du Bas-Rhin, dont il fut aussi le président. Il était membre correspondant des principales académies médicales d’Europe et fut par ailleurs brièvement conseiller municipal de Strasbourg en 1858.
Outre plus d’une soixantaine d’articles et de mémoires concernant l’ophtalmologie, Stoeber laisse d’importants travaux en matière d’organisation médicale et hospitalière, et de nombreux rapports périodiques sur ces questions, souvent publiés dans la Gazette médicale de Strasbourg, au même titre que ses comptes-rendus de voyages, notamment en Allemagne et dans l’empire d’Autriche. Deux ans avant la parution de la Topographie médicale, il écrivit, toujours avec Tourdes, une Hydrographie médicale de Strasbourg et du département du Bas-Rhin. Il rédigea une courte notice autobiographique vers la fin de sa vie (À mes enfants, v. 1867), ainsi que son « journal » écrit lors du siège de 1870.
Bibliographie sommaire: Courrier du Bas-Rhin du 20.6.1871 (nécrologie) ; Strassburger Zeitung du 21.6.1871 (nécrologie) ; G. Tourdes, Discours prononcé en hommage à Victor Stoeber, Paris-Strasbourg 1871 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 832-833 ; G. Weill, « Victor Stoeber et l’enseignement de l’ophtalmologie », Deux siècles d’Alsace française, Strasbourg, 1948, p. 351-379 ; Hirsch, Biographisches Lexikon der hervorragenden Aerzte aller Zeiten und Völker, V, 1962, p. 434-435 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, p. 7017 ; D. Durand de Bousingen, « Un médecin strasbourgeois à Vienne : le voyage de Victor Stoeber en 1856 », Études danubiennes 111/1, 1987, p. 17-29 ; M. Anger, Victor Stoeber, 1803-1871 – Esquisse d’une biographie, thèse pour le doctorat en médecine, Strasbourg, 1989 ; François Igersheim, Politique et administration dans le Bas-Rhin (1848-1870), Strasbourg, 1993 (index) ; Héran J. et Mantz J.-M., dir., Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, 1997, p. 789 passim.
Denis Durand de Bousingen (2000)