Poète de langue allemande et dialectal, écrivain, (PI) (★ Strasbourg 9.3.1779 † Strasbourg 28.12.1835, inhumé au cimetière Saint-Gall). Fils de Jean Daniel Stoeber, notaire, et de Marie Salomé Ziegenhagen. ∞ I 11.11.1804 Sophie Storck († 13.2.1805). ∞ II 11.10.1807 Louise Dorothée Küss (★ 2.3.1784 † 25.1.1846), fille d’un pasteur ; 2 fils, Auguste © 5 et Adolf © 6. Très jeune il témoigna de son talent littéraire. Alors qu’il était élève de seconde au Gymnase protestant, il composa une pièce de théâtre intitulée Das Butterbrod oder der kleine Wohltäter (La beurrée ou le petit bienfaiteur). Quelque temps plus tard il rédigea Die Geschichte eines alten Schäfers (L’histoire d’un vieux berger), dans laquelle il fête le triomphe de la Révolution, puis un spectacle nommé Der Einsiedler, mais qu’il n’acheva pas. Il fut encouragé sur la voie poétique par Euloge Schneider ©. Lors d’une visite du conventionnel Dentzel ©, il tint un discours au nom de ses camarades de classe. Puis, il fut incorporé dans le bataillon des « Enfants de la Patrie », constitué d’enfants de 12 à 14 ans et dont le but était d’éveiller leur patriotisme et leur attachement aux idées de la Révolution. Dès le Gymnase, il se lia d’amitié avec de nombreuses personnes qui devinrent célèbres, telles que Georges Daniel Arnold © et Jean-Jacques Rieder ©. Toute sa vie il cultiva un vaste et riche réseau d’amis, que ce soit en Alsace, de l’autre côté du Rhin ou de l’autre côté des Vosges. Le 23 mars 1794 (3 germinal an II) il s’inscrivit à la faculté de Droit afin de succéder un jour à son père. La même année l’Université, considérée comme « une hydre du germanisme », fut fermée par décision du gouvernement. En 1797-1798, il devint membre actif de la « Literarische Gesellschaft alsatischer Freunde », fondée par François Henri Redslob ©. Le 7 avril 1801 il quitta Strasbourg, avec son frère et Georges Daniel Arnold, pour continuer ses études de droit à Erlangen. Pendant son séjour dans cette ville, il rencontra de nombreux poètes et écrivains. En 1802, il revint à Strasbourg, puis se rendit à Paris de 1803 à 1806 pour y achever sa formation juridique. À Strasbourg, il fit partie de la loge maçonnique « La Concorde » dont il fut l’orateur à partir de 1803. En 1806, il soutint son mémoire sur Les testaments d’après la législation du code civil qui lui permit de devenir notaire. Pendant l’invasion des Alliés, il fut commandant d’une légion de la garde nationale. En 1821, il devint avocat, profession qui lui convenait mieux.
Stoeber publia de très nombreux ouvrages en langue allemande, en dialecte strasbourgeois, et en langue française. Amoureux de l’Alsace, il considérait l’Allemagne comme sa mère nourricière sur le plan culturel, alors que la France était sa patrie politique. C’est ce qu’il exprime dans un poème célèbre, symbolique de la construction en cours du particularisme alsacien : Meine Leierist deutsch/sie klinget von deutschen Gesängen/liebend den gallischen Hahn/treu ist franzäsisch mein Schwert/Mag es über den Rhein und über/den Wasgau ertönen : /Elsass heisset mein Land/Elsass dir pochet mein Herz » /(« Ma lyre est allemande/elle résonne de chants allemands/Aimant le coq gaulois/mon épée est fidèlement française./Que cela résonne par-dessus le Rhin/et par-dessus les Vosges :/Alsace, c’est ainsi que s’appelle mon pays/Alsace, c’est pour toi que bat mon cœur. »). Toute sa vie il chanta l’amour de sa province. Il défendit l’originalité de la culture et des dialectes alsaciens, tout en se nourrissant aux sources allemandes et françaises. Comme Georges Daniel Arnold, qui fit paraître en 1816, Der Pfingstmontag, il fut celui qui redécouvrit le dialecte comme mode d’expression poétique. Il mit sa plume féconde au service de cette cause qui lui paraissait essentielle et devint l’une des figures les plus originales du vieux Strasbourg. En 1806-1808, il publia Alsatische Taschenbücher, aidé par de nombreux amis, puis en 1817 la revue Alsa. En 1818, il participa à la création du Casino littéraire. Il fréquenta et tint des relations épistolaires avec des personnalités importantes: Benjamin Constant ©, le général Foy ©, Odilon Barrot, le général La Fayette © du parti libéral, ainsi que Christian Maurice Engelhardt © ; avec les poètes allemands Johann Peter Hebel, Voss, Tieck, Jakob Grimm qui lui rendit visite à plusieurs reprises. En 1817, il tint un discours devant les écoliers de Saint-Pierre-le-Vieux, qui parut sous la forme d’un poème: Strassburgs Jubelfeier der Reformation. Soucieux de faire connaître la littérature française en Alsace, il traduisit en allemand Les Templiers de F. J. Raynouard (1805), Pygmalion de Rousseau (1806), ainsi que trois romans de Chateaubriand. Il fonda en 1824 une société littéraire Gesellschaft der Frühlingsblüten qui se fixait pour objectif une meilleure connaissance des textes d’auteurs français. Il s’intéressa à l’histoire de la littérature allemande et publia un ouvrage qui fut une référence, Eine kurze Geschichte und Charakteristik der schönen Literatur der Deutschen, en 1826. Bibliophile, il acheta de nombreux livres dans leur édition originale et des collections complètes. Il correspondit avec de nombreux journaux dont l’Allgemeine Zeitung, le Morgenblatt, L’Abendzeitung, avec Pilote, L’Encyclopédie des gens du monde, la Revue germanique. Il écrivit des articles juridiques et rédigea des pièces de théâtre.
Ami du pasteur Jean Frédéric Oberlin ©, de ses deux filles Louise et Frédérique, il en fut un des premiers biographes, faisant paraître en 1831 : Vie de J. F. Oberlin, pasteur à Waldbach, au Ban-de-la-Roche. Vers la fin de sa vie, il se débattit dans de graves difficultés matérielles. En mars 1833 il envoya son épouse et sa fille Adelheid chez sa sœur, veuve, Salomé Concorde Hautry, qui habitait à Oberbronn. Il vendit la maison paternelle « Zum Drescher », place du Vieux Marché aux Vins, où fut édifié le monument Stoeber, et se retira dans une chambre meublée au « Cheval d’or », faubourg National. Peu de temps avant sa mort, il édita le Neujahrbüchlein für 1836. Lors de son enterrement, le recteur de l’Académie de Strasbourg, M. Cotta, déposa une couronne de lauriers sur son cercueil. En août 1836, fut inauguré, sur sa tombe, par ses amis le monument funéraire dû au sculpteur A. Friederich ©.
Éloge de Jérémie Jacques Oberlin, 17 mars 1807, Strasbourg, 1807; Lyrische Gedichte, Strasbourg, 1811 (1815, deuxième édition, Bâle, 1821, troisième édition, Stuttgart) ; Klage bei dem Tode des edeln Lezay von Marnezia, Präfekt des Nieder-rheinischen Departements, Strasbourg, 1814 ; Bemerkungen über das Elsass, veranlasst durch deutsche Zeitungenartikel, Strasbourg, 1814 ; Am Jubelfeste des würdigen Lehrers J. F. Lichtenberger, Strasbourg, 1816 ; Eine Blume auf das Grab des Biedermannes Benjamin Roederer, Strasbourg, 1817 ; sous le pseudonyme de Daniel Vetter : Neujahrsbüchlein in Elsässer Mundart, Strasbourg, 1818 ; Relation des fêtes données au générai Foy lors de son séjour à Strasbourg, Bâle, 1821 ; Die Heimkehr, Strasbourg, 1822 ; Daniel oder der Strassburger auf der Probe, Strasbourg, 1823 ; Le général Foy en Alsace. Les obsèques du général Foy, Paris-Strasbourg, 1825 ; Du prosélytisme et de l’incapacité des mineurs de changer de religion, Strasbourg, 1825 ; Kurze Geschichte und Charakteristik der schönen Literatur der Deutschen, Paris-Strasbourg, 1826 ; Liederkranz für Kinder und ihre Freunde, Strasbourg, 1827 ; Feodor Potsky oder eine Nacht in Polens Wäldern, Strasbourg, 1828, (Mulhouse, 1872) ; Zum besten der Abgebrannten von Gertweiler-Gedichte und kleine prosaïsche Aufsätze in elsässer Mundart, Strasbourg, 1829 ; Steinthäler Gedichte, Strasbourg, 1830 ; Vie de J. F. Oberlin, pasteur à Waldbach au ban de la Roche, Paris-Strasbourg-Londres, 1831 ; Sämtliche Gedichte und kleine prosaïsche Schriften, tomes I et II, Strasbourg, 1835 (le tome III ayant paru en 1836, à titre posthume, édité par les soins de J. Leser) ; Die Feuersbrunst zu Grendelbruch, Strasbourg, 1836 ; Meinem Eduard, Strasbourg, s. d. ; Gradaus, eine Volksschrift in Gesprächen, Strasbourg, s. d. ; Dem Andenken des verehrenswürdigen Johannes Schweighaeuser, Strasbourg, s. d. ; Der Sommerabend auf dem Münster zu Strassburg, Lyrische Szene, Strasbourg, s. d. ; Nationalgesang, Strasbourg, s. d.
J. Leser, « Vorwort », in Sämtliche Gedichte und kleine prosaische Schriften, III, Strasbourg, 1836, p. I-XXX ; F. Otte, « Ehrenfried Stöber », in Elsässisches Neujahrsbtatt, 1846, p. 1-28 ; A. Stoeber, « Anregungen aus Ehrenfried Stöber’s Schriften », in Aus alten Zeiten, 1872, p. 185 ; L. Spach, Moderne Culturzustände im Elsass, Strasbourg, 1873, I, p. 75-86; G. Muhl, « Die Gebrüder Stoeber », in Illustrierte Zeitung, n° 1839, 28.9.1878, p. 225-226 ; H. Ehrismann, Notice dans le Bulletin du Musée historique de Mulhouse, 1886, p. 6 ; Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, I, n° 38, p. 209 (portrait) ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 830 ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, III, 159, 249, IV, 509 ; D.-E. Stoeber, « La correspondance d’Ehrenfried Stoeber », La Vie en Alsace, 1934, p. 136-168, 192 ; E.
Stoeber, « Daniel Ehrenfried Stoeber vu par son arrière-petit-fils », ibidem, p. 11-16, 43-48, 69-72 ; L. Schwab, Stoeber et son épouse, Strasbourg, 1937 ; K. Walter, Die Brüder Stoeber. Colmar, 1941, p. 18-34 ; G. Holderith, Poètes et prosateurs d’Alsace, Strasbourg, 1978, p. 73-74 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1982, p. 7016 ; A. Wackenheim, « Daniel Ehrenfried Stoeber », in La littérature dialectale alsacienne, I, Paris, 1993, p. 85-117.
Gérard Leser (2000)