Général d’armée aérienne, député, vice-président de l’Assemblée Nationale, (C) (★ Hochfelden 11.8.1907 † Paris 22.6.1975). Fils de Guillaume Louis Stehlin, chef de gare, et de Marie Eugénie Vidal. ∞ 1.10.1951 Anne Marie Schwob ; 1 fils. Après des études aux lycées de Thionville, Colmar et Sarreguemines, Stehlin fut admis en 1923 au Prytanée militaire de La Flèche. En 1926, il entra à Saint-Cyr. Affecté dans la toute nouvelle Armée de l’Air, il obtint son brevet de pilote de chasse en juin 1929. Stehlin fut affecté à Strasbourg au 2e régiment d’Aviation de chasse, où il resta jusqu’en septembre 1933. Il suivit pendant cette période l’enseignement du Centre des études germaniques, dont il obtint le diplôme. En octobre 1933, il rejoignit le 2e bureau de l’État-Major général de l’Armée de l’Air à Paris. Promu capitaine en 1935, il fut nommé, fin 1935, adjoint de l’attaché de l’Air auprès de l’ambassade de France à Berlin. Il resta en poste à Berlin jusqu’à la déclaration de guerre et rentra en France par le dernier train diplomatique. Il fut ensuite en mission de renseignement à Copenhague, puis se rendit en Finlande via Londres, Perth, Stavanger et Stockholm, en mission auprès de l’État-Major finlandais en guerre contre l’Union soviétique, et y resta jusqu’après l’armistice du 13 mars 1940. De Helsinki, il rejoignit directement Namsos en Norvège, pour le débarquement des alliés franco-anglais, le 20 avril 1940. L’évacuation de la Norvège l’amena à Londres le 8 mai suivant, d’où il revint à Paris le 12. Pendant l’offensive allemande, il se fit affecter comme second au groupe de chasse III/6 (Roussillon), dont il devint, après la mort de son chef, le commandant en titre. À la fin de la campagne de France, le groupe fut affecté en Afrique du Nord. Après quelques mois passés à Vichy, d’octobre 1940 à mai 1941, il obtint d’être muté à Dakar, au groupe de chasse 1/4. Après le débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942, Stehlin fut affecté au groupe de chasse La Fayette à Casablanca avec lequel il fit campagne en Tunisie, jusqu’à sa nomination d’officier de liaison auprès du commandement aérien allié à Alger à l’été 1943, où il prit une part active à la reconstitution opérationnelle de notre aviation. Il assura le commandement des groupes de chasse français du commandement allié en Méditerranée, avec lesquels il combattit en Corse, en Italie, et atterrit en août 1944 dans le sud de la France. À la fin 1944, il retourna à Londres, pour entrer comme stagiaire dans le Royal Air Force Staff College, où il présenta un mémoire remarqué sur Les conditions d’une coopération de la France et de la Grande-Bretagne, non seulement d’ordre technique et industriel, mais aussi en vue d’un emploi solidaire des moyens au service d’une défense commune. À l’issue de son stage, Stehlin resta à Londres en qualité de conseiller militaire d’organismes chargés de l’élaboration des traités avec les pays ennemis vaincus. Nommé général de brigade, il devint en 1947 attaché de l’Air auprès de l’ambassade de France à Londres, où il poursuivit ses travaux sur la coopération franco-britannique. Persuadé qu’une action pour la défense limitée à la Grande-Bretagne et la France n’était plus suffisante pour la sécurité des nations alliées, Stehlin devint un européen et un atlantiste convaincu. En novembre 1950, le général Stehlin fut appelé à l’État-Major particulier de René Pleven, ministre de la Défense, avant d’être nommé, en juillet 1953, adjoint au chef de la délégation française au groupe militaire permanent de l’Alliance atlantique, à Washington. Le 1er septembre 1956, Stehlin fut promu général de division aérienne. Le mois suivant, il prit le commandement du 1er CATAC en Allemagne. Le 1er juillet 1958, il fut nommé général de corps aérien et prit le commandement de la 4e ATAF (Allied Tactical Air Force) en RFA. En avril 1959, Stehlin fut nommé major général de l’Armée de l’Air et fut promu général d’armée aérienne le 1er octobre 1959. En mars 1960, Stehlin fut nommé chef d’État-Major de l’Armée de l’Air. Il occupa ce poste jusqu’en septembre 1963. En août 1962, Stehlin avait encore été nommé conseiller d’État. Lorsque Stehlin quitta le service il avait accompli 5800 heures de vol, avait été blessé trois fois dont une en combat aérien. Il avait fait la campagne en Finlande, Norvège, France (1940), Tunisie, Italie, France (1944). Décoré de la croix de Guerre, cité six fois à l’ordre du jour dont une fois à celui de la RAF (Victoria Cross) et deux fois à celui de l’US Air Force. Il se lança ensuite dans les affaires, mettant à profit ses connaissances linguistiques, techniques, aéronautiques, et son immense réseau de relations. En 1965, il devint vice-président directeur général de la Société des automobiles Bugatti, et, en 1968, président directeur général d’Algeco, une entreprise dépendant de la banque de Suez, du groupe Preussag, de la banque Samuel Montagu et de l’Omnium français des pétroles. Administrateur de plusieurs autres sociétés, il avait également accepté de 1964 à 1968 la vice-présidence en France de la société américaine aéronautique Hugues Aircraft International Service Corporation. Il aurait aussi exercé des fonctions chez Thomson-CSF. En 1968, « devant la dégradation de la situation de notre pays, notamment sur le plan international », Stehlin décida de se lancer dans la vie publique et de se présenter aux élections législatives comme candidat à la députation. Opposé à la conception gaulliste de la défense, il fut élu député de la 21e circonscription de Paris, seul élu non gaulliste de la capitale. Il s’inscrivit au groupe « Progrès et démocratie moderne » et fit campagne aux présidentielles de 1969 pour Alain Poher, contre Georges Pompidou. En octobre 1972, il adhéra au Centre démocrate. En mars 1973, il fut réélu sous l’étiquette « Réformateur » et devint, le 9 juillet 1974, vice-président de l’Assemblée Nationale. Partisan convaincu de l’atlantisme, Stehlin ne manquait pas une occasion à la tribune de l’Assemblée, d’exposer ses convictions et d’attaquer la politique de défense du gouvernement. Son cheminement intellectuel et politique ressort de ses livres : Témoignage pour l’histoire paru en 1964, examine, au travers de son propre cursus, les événements de l’histoire mondiale de 1936 jusqu’à l’unification de l’Europe. Retour à zéro traite de la construction et de la défense de l’Europe ; La force d’illusion, paru en 1973, est un examen de la réalité et de l’efficacité de notre défense nationale. Dans une note d’une trentaine de pages, datée du 17 septembre 1974, adressée au président de la République, à quelques ministres, mais aussi à quelques « personnalités qui s’intéressent à l’Alliance atlantique », Stehlin souleva une immense émotion dans les milieux politiques et industriels français en déclarant que le Mirage F1 de Marcel Dassault était inférieur en qualité aux avions US Y16 de General Dynamics et Y17 de Northrop Corporation. Il donna pour arguments le programme d’essais en vol de ces avions, le retard technologique français, des constructions en série trop réduites pour compenser les coûts des études et recherches, la méthodologie même du développement, le Mirage F1 découlant des Mirage qui l’ont précédé, tandis que les avions US seraient des appareils nouveaux, différents les uns des autres. La note de Stehlin se trouva rapidement sur de nombreux bureaux d’élus de plusieurs pays européens et dans la presse. Elle fut révélée par le Figaro en novembre 1974. Or on était à quelques semaines de la décision que devaient prendre quatre pays européens (Belgique, Danemark, Norvège, Pays-Bas), appelés à remplacer leurs « F104 » par des avions plus modernes, pour lesquels la firme Dassault était sur les rangs. Le marché potentiel représentait une douzaine de milliards de francs (1974). « Le coup porté à l’intérêt national » obligea Stehlin à abandonner la vice-présidence de l’Assemblée — tout en restant député — et à quitter le groupe « Réformateur », pour ne pas gêner ses amis politiques. Le 13 novembre 1974 il fut encore rayé des cadres de réserve et mis à la retraite d’office. Le général répondit à ses accusateurs et détracteurs dans un livre intitulé La France désarmée, attaquant vivement la politique militaire française et prônant une collaboration étroite entre l’Europe et les États-Unis dans le domaine des armements. Le 6 juin 1975, une sous-commission d’enquête du Sénat américain sur les activités des sociétés multinationales, publia un rapport révélant que depuis 1964 Stehlin était régulièrement appointé au niveau de 6 à 7000 $ par an, à titre de « consultant » de la firme Northrop, qui, en 1974, était dans la course au « marché du siècle » . Le président de Northrop indiqua toutefois que le rôle de Stehlin se bornait à fournir des analyses sur la situation politico-militaire en Europe et à alerter Northrop sur les possibilités du marché européen dans le domaine de l’aviation. Ce même jour, quelques heures plus tard, avenue de l’Opéra, à Paris, le général Stehlin était renversé par un autobus en traversant la chaussée. Selon les témoins il ne fait aucun doute qu’il s’est agi d’un accident, et l’hypothèse d’une tentative de suicide motivée par les révélations faites à Washington est à écarter formellement. Le général Stehlin est mort des suites de cet accident. Grand-croix de la Légion d’honneur.
Autre ouvrage : Alsace. La route du vin.
Nouveau dictionnaire national des contemporains, 1961-1962, p. 787 (portrait) ; Who’s who in France, 1965-1966, p. 2558-2559, 1971-1972, p. 1462 ; Alphonse Halter, Dictionnaire biographique des maréchaux et généraux alsaciens et des maréchaux et généraux morts en Alsace de l’Ancien Régime à nos jours, Colmar, 1994, p. 303.
† Jean-Paul Bailliard (2000)