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STEIB

Lignée de notables ruraux, fermiers colongers de la maison Palatinat-Deux Ponts et exploitants agricoles à Wihr-en-Plaine, qui compte parmi ses membres un prévôt au XVIIe siècle, un député à la Convention en 1793 et des dirigeants agricoles au XXe siècle.

  1. Mathias,

prévôt (★ vers 1540 † 11.2.1618). Issu d’une famille immigrée du Wurtemberg (au plus tard à la fin du XVe siècle ?) et passée au protestantisme. ∞ Richardis Schneider d’Ebersheim. Devint Schultheiss (prévôt) vers 1576 à la suite d’un certain Jörg Steub (l’un et l’autre représentant deux branches de la même famille ?). Steib se fit représenter — chose assez rare en milieu rural — en armes et en compagnie de sa femme sur un vitrail de 1616, longtemps conservé dans la ferme familiale avant d’être cédé à la Société Schongauer et déposé au musée d’Unterlinden de Colmar. Outre son rôle d’identification et de représentation, renforcé par la présence d’armoiries familiales, ce vitrail a une valeur documentaire (costumes d’époque, scènes de la vie rurale — labours et vendanges, dans le haut, sentence religieuse dans le bas).

  1. Mathias,

député, maire (★ Wihr-en-Plaine 18.1.1747 † Wihr-en-Plaine 1.12.1821). Fils de Jean Steib, laboureur, et de Catherine Steib. ∞ Wihr-en-Plaine 24.9.1767 Marie-Madeleine Steib. Occupa à Wihr d’importantes fonctions municipales avant (Bürgermeister et échevin) et après 1789 (syndic, puis maire). Premier maire de Wihr-en-Plaine, il fut élu député à la Convention après le 10 août 1793. Il s’était par ailleurs forgé une réputation de pionnier des progrès agricoles, en semant le premier, en 1772, du trèfle sur la sole de jachère et en introduisant une variété (Fleischklee) susceptible de donner deux récoltes successives, en plantant des arbres fruitiers et en suscitant la création d’une école d’arboriculture à Colmar, enfin en fondant, en 1804, les « Comices agricoles ». Proche du préfet Félix Desportes ©, il fut décoré de la croix de la Légion d’honneur © par Napoléon.

  1. Charles,

exploitant et dirigeant agricole, maire de Wihr-en-Plaine, président de la Chambre d’agriculture du Haut-Rhin (★ Wihr-en-Plaine 8.3.1871 † Wihr-en-Plaine 28.2.1946). ∞ Wihr-en-Plaine 16.9.1898 Jeanne Oberlin, de Wihr-en-Plaine. À Colmar, lors d’une réunion de notables, vraisemblablement inspirée par la Kreisdirektion, en date du 31 octobre 1918, il défendit le projet d’une Alsace neutre, plus avantageuse pour les paysans, selon lui, que le rattachement à la France : il garda de cette expérience imprudente une solide méfiance pour l’engagement politique et refusa par la suite toutes les offres de candidature à la Chambre des députés ou au Sénat. Reprit l’exploitation familiale en l’orientant essentiellement vers l’élevage des chevaux et des bovins (présentés à différents concours), vers la production de céréales (sélection des semences) et celle des pommes de terre (voyage d’études en Bretagne en 1930). Dès avant 1914, il expérimenta les engrais chimiques et coopéra avec la station d’expérimentation de Colmar. Son activité de novateur et les résultats obtenus lui valurent un diplôme d’honneur lors de l’exposition Pasteur à Strasbourg en 1923. Il devint l’un des dirigeants agricoles alsaciens les plus en vue : membre, dès 1898, du Landwirtschaftticher Kreisverein de Colmar qu’il présida en 1917 ; président du Journal agricole d’Alsace et de Lorraine en 1932 ; vice-président de l’Union agricole de l’Est en 1935. Il a largement participé au puissant mouvement coopératif de crédit rural s’appuyant sur le système Raiffeisen : président du conseil de surveillance de la Caisse mutuelle de prêts de Wihr dès 1911 ; vice-président de la Banque rurale en 1935. Il s’intéressa aux assurances, à la coordination route-rail (membre du Conseil supérieur des chemins de fer de France de 1922 à 1930) et à la commercialisation (exportation du lait et des produits laitiers). Maire de sa commune à partir de 1916, il fut surtout, pendant 15 ans, le premier président de la Chambre d’agriculture du Haut-Rhin, créée en 1927, mais qui avait pris le relais du Conseil d’agriculture d’Alsace-Lorraine aux travaux duquel il avait participé dès 1911. En tant que président du Groupement des comices agricoles et avant de devenir président de la Fédération des groupements agricoles, il fut reçu en 1923 par le président Raymond Poincaré ©. En 1927, il obtint le « Prix d’Ailly » de l’Académie d’agriculture de France dont il devint, en 1932, le correspondant national de la section de grande culture. Le 21 mai 1933, il fut gratifié, dans le cadre du Concours régional de l’Est, de la « prime d’honneur du ministère de l’Agriculture » dont témoigne encore, conservée dans la famille, la sculpture du « Semeur » de Bouchard. Le 5 mars 1938, il refusa solennellement, lors d’un meeting à Colmar, la Gleichschaltung du monde paysan et, par la suite, se prononça clairement contre le Bauernbund de Joseph Bilger. En 1945, il fut chargé par le préfet Fonlupt-Espéraber © de présider le Comité départemental d’action agricole institué pour représenter provisoirement les intérêts de l’agriculture. L’assemblée constitutive de la FDSEA le désigna comme son président d’honneur. Mérite agricole (chevalier en 1923, officier en 1924, commandeur en 1939). Chevalier de la Légion d’honneur (1932).

J. Aloird, « Zwei alte Bauernfamilien aus dem Colmarer Ried », Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, 1967, p. 113-125 ; A. Hertzog, « Geschichte des elsässischen Garten- und Obstbaues », Bull. Soc. hist. nat. de Colmar, 1907 et 1908 ; Dernières Nouvelles de Strasbourg du 24.2.1927 ; A. Scherlen, « Geschichte des Obstbaues zu Colmar », Elsassland, 1928; Elsässer du 22.3.1928 ; Elsässer Kurier du 20.3.1928 ; P. Haeusser et alii, Concours agricole de l’Est, 18-21.5.1933 ; Le Nouvel Alsacien du 3.4.1946 ; H. Sauner, « Charles Steib 1871-1946 », Almanach agricole et viticole du paysan du Haut-Rhin 1972, Colmar, 1971, p. 77-82 ; A. Wahl, Confessions et comportements dans les campagnes, 1980 ; L. Strauss, in : Histoire de l’Alsace rurale, 1983, p. 397-402 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1985, p. 6993.

  1. Jean Georges,

syndicaliste, dirigeant agricole et homme politique (★ Colmar 16.4.1932). Fils de Georges Steib (★ Wihr-en-Plaine 1.5.1902 † Colmar 6.9.1979), exploitant agricole à Wihr, et de Louise Woelfflé. Petit-fils de Charles Steib © 3. ∞ 4.2.1961 à Wihr-en-Plaine Christiane Klinger, d’Andolsheim ; 2 enfants. Après des études au lycée Bartholdi de Colmar, puis, à partir de 1947, à l’École régionale d’agriculture et de viticulture de Rouffach, il est sorti en 1950 major, sur le plan national, du concours inter-écoles et a fréquenté le Conservatoire national des Arts et Métiers au titre de la promotion sociale. Diplômé d’études supérieures d’économie rurale, il a par ailleurs effectué des stages pratiques en Angleterre, au Danemark dans les années 1949 et 1950. Formé en partie à l’école allemande (dans la Mathias Grünewald Schule qu’était alors le lycée Bartholdi) et bénéficiant d’une double culture, il a pu se charger, au début du Marché commun, de nombreuses conférences en Allemagne pour le compte du Centre national des jeunes agriculteurs qui ont contribué à le préparer aux joutes du débat public. Il a géré, à Wihr-en-Plaine, une exploitation agricole, passée de 20 à 35 hectares, qu’il a orientée essentiellement vers la production laitière et céréalière. Cette polyculture traditionnelle a cédé la place à la spécialisation pastorale dans une exploitation de 52 hectares, avec 85 bovins dont 45 vaches laitières, que dirige actuellement son fils, Jean-Daniel, titulaire d’un diplôme d’ingénieur français et allemand, et qui requiert de plus en plus de connaissances économiques et techniques. Grande figure du syndicalisme agricole alsacien, il a été de 1962 à 1965, président du Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA). C’est en raison de ses responsabilités syndicales qu’il a été traduit devant le tribunal correctionnel au titre de la « loi anti-casseurs », avant de bénéficier, en 1974, de l’amnistie présidentielle. Il avait été l’un des instigateurs d’une manifestation de protestation contre les agissements d’un agent immobilier qui œuvrait dans le cadre des opérations de remembrement et de réalisation du tronçon de l’autoroute Mulhouse-Beaune. Il n’a cessé de défendre et de promouvoir le métier d’agriculteur et les valeurs du monde rural. Membre de la Chambre d’agriculture du Haut-Rhin depuis 1964, il a présidé à ses destinées entre 1967 et 1989 et est devenu, de 1979 à 1985, président de la Chambre régionale d’agriculture, avant d’accéder à des responsabilités tant régionales (membre, puis vice-président du CESA de 1973 à 1977) que nationales (secrétaire général adjoint, puis vice-président de l’APCA, Assemblée permanente des chambres d’agriculture, à partir de 1974, membre pendant 15 ans du Conseil économique et social et, de 1970 à 1974, du Conseil de direction du FORMA, le Fonds d’orientation et de régulation des marchés agricoles). Au ministère de l’Agriculture, il a représenté la profession dans des organismes aussi divers que la Commission consultative paritaire nationale des baux ruraux (1983), le conseil d’administration du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (1984), le Conseil du Fonds d’amortissement des charges d’électrification (1985). Décidé à jouer la carte de la modernisation et de la restructuration, il a su donner une impulsion décisive à l’agriculture alsacienne à l’époque où cette dernière effectuait sa grande mutation du XXe siècle en s’adaptant à la conjoncture internationale et à la politique agricole commune (réglementation de Bruxelles, dépendance accrue de l’agriculture, à la fois de l’exportation et de l’industrie de transformation), faisant peser de sérieuses menaces sur les coûts de production (quotas de production et gel de terres) et le niveau des revenus érodés par l’alourdissement des charges. Tout en défendant les exploitations familiales viables, il a mis l’accent sur l’importance de la formation des jeunes agriculteurs dont il importait de faciliter l’installation, sur le rôle primordial de la recherche agronomique (station de recherche de l’INRA à Colmar), sur la nécessité d’une bonne gestion de la réserve des terres (SAFER, Société d’aménagement et d’établissement rural) susceptibles d’investissements collectifs importants (poursuite du remembrement, électrification du réseau d’irrigation), sur les atouts de l’agriculture de montagne par rapport à celle de la plaine et à la viticulture, enfin sur la place du savoir-faire dans la valorisation et la promotion des produits agricoles et alimentaires (céréales, vin, viande lait) d’Alsace (PROMARAL) de plus en plus concurrencés par des produits de substitution. Au total, une politique de modernisation et de recherche de la qualité reposant sur la formation des hommes, la diversification et la sélection des récoltes qui fait de ce témoin de l’agriculture d’hier le promoteur de l’agriculture de demain. Ses prises de position contre la liaison fluviale Rhin-Rhône, dévoreuse d’espace agricole (1981), contre la réintroduction du lynx dans les Vosges (1983), contre l’interdiction, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, de la mise sur le marché des épinards (1986), contre les velléités de transformation du statut local de la chasse (1987) sont restées célèbres. Entré dans la vie publique en 1965 comme adjoint au maire, Jean Steib est devenu, en 1969, maire, puis, après la fusion avec Horbourg dont il a été l’un des initiateurs, maire délégué de Wihr-en-Plaine (1973-1989). Élu conseiller général en 1973, il a représenté jusqu’en 1992 le canton d’Andolsheim au sein de l’assemblée départementale qui l’a désigné comme membre de son bureau dès 1976. Il a présidé au Conseil général, de 1988 à 1992, la Commission des affaires économiques, ce qui ne l’a pas empêché d’être présent sur tous les fronts (politique européenne, contrat de plan et décentralisation, collectivités locales, établissements scolaires). Conseiller régional d’Alsace de 1988 à 1992, il a présidé, au sein de cette instance, la Commission des finances. Tout en se réclamant d’une sensibilité centriste, Jean Steib a pris soin de prendre ses distances vis-à-vis d’une politique partisane, préférant l’efficacité à l’idéologie, le réformisme au bouleversement, le compromis au sectarisme. Tout en faisant partie d’une nouvelle génération d’élus, combatifs, compétents et quelque peu remuants, il a, pendant une trentaine d’années, marqué de son propre style la vie politique haut-rhinoise. Homme de foi et d’action, attaché à son indépendance d’esprit et à sa liberté de parole, il a su cultiver sa différence, voire son anticonformisme. Très remarquées, parfois dérangeantes, ses interventions étaient empreintes de philosophie pratique et de bon sens paysan, de chaleur humaine et d’humour, d’intelligence et de culture. Ce n’est pas le moindre de ses mérites d’avoir eu la sagesse d’abandonner successivement toutes ses fonctions officielles à partir de 1989, pour, dit-il, méditer, mais aussi pour continuer à se cultiver et à agir. Jouant du piano et de la trompette, il est par ailleurs un grand amateur d’opéra. Effectuant un retour à la terre après trente ans de vie publique, il a constitué avec son fils un GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) dans lequel il s’investit pleinement. Il a également rempli des responsabilités régionales dans l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine.

Nombreux articles parus dans L’Alsace, Le Nouvel Alsacien, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Les Dernières Nouvelles du Lundi entre 1979 et 1995 et les News d’Ill, 32 et 33 (juillet 1996) ainsi que l’émission de FR3 Alsace du 17.4.1999 intitulée Témoins
d’un siècle : l’agriculture d’hier.

Jean-Michel Boehler  (2000)

† 5.6.2013

Dernières Nouvelles d’Alsace, 6.6.2013

Philippe Legin (mars 2022)