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SCHWANDER Rodolphe (Rudolf),

Haut fonctionnaire, maire de Strasbourg (PI) (★ Colmar 23.12.1868 † Oberursel, Taunus, 25.10.1950). Fils d’Anne Barbe Schwander (★ 1848 † 1931), directrice de crèche à Colmar. De notoriété publique, le père était Camille Schlumberger ©, maire de Colmar. ∞ 22.10.1894 à Horbourg Marie Obrecht (★ Horbourg 17.9.1874 † Oberursel 20.6.1953), fille de Jean Obrecht, boulanger à Horbourg; 6 enfants dont Erwin ©. Études primaires à Colmar, puis employé aux écritures à la mairie de Colmar. A partir de 1892, adjoint du président du Bureau de bienfaisance de Colmar, l’avocat libéral Ruland, qui en raison des dons exceptionnels du jeune homme l’encouragea à reprendre des études longues. En 1897, dispensé de l’Abitur, il entra à l’Institut de sciences politiques et sociales de l’Université de Strasbourg, alors dirigé par Georg Friedrich Knapp © et soutint sa thèse dès 1901. Le maire Riegert © le pressentit pour diriger, dans l’administration municipale de Colmar, une division chargée de l’assistance et de la statistique, que le conseil refusa de créer. Le maire de Strasbourg, Back ©, lui confia alors à Strasbourg le secrétariat général de l’Assistance publique. Dès ses années d’études à Strasbourg, Schwander avait adhéré à la Soziale Vereinigung, section locale du Nationalsozialerverein de Naumann. Il y avait cotoyé les frères Wolf ©, le professeur O. Meyer, tous futurs dirigeants du parti démocratique. Schwander continua ultérieurement d’être membre du parti démocrate. Devenu adjoint professionnel en 1902, Schwander régla de nombreux grands dossiers qui dominaient alors la politique municipale : réformes de l’Assistance publique, où il assura la coopération du bénévolat et de l’assistance  professionnelle et introduisit la notion de seuil de pauvreté, protection de l’enfance et réforme des orphelinats municipaux, réforme de l’organisation des services des Hospices civils et extension de l’Hôpital civil et de la faculté de Médecine. En 1903, il transforma le Bureau municipal de statistiques de l’emploi en Bureau municipal de placement, et en décembre 1906, en coopération avec l’Union locale des Syndicats libres (socio-démocratiques), mit en place une assurance-chômage. L’indemnité journalière des chantiers d’hiver de chômeurs fut réévaluée. Schwander mena à bien les études qui permirent en 1905 l’adoption d’un statut des fonctionnaires (Beamte), des employés (Angestellte) et des ouvriers (Arbeiter) municipaux : carrière salariale, avancement par échelons, supplément familial, pensions de retraite, et commissions paritaires. Après la retraite de Back (1906), le conseil municipal de Strasbourg, où les socio-démocrates et les démocrates avaient la majorité, décida de procéder au recrutement d’un maire professionnel. Le concours mit en présence les deux adjoints de Strasbourg Hochapfel © (libéral de droite et Zentrum) et Schwander (démocrate, soutenu par les socialistes). Schwander l’emporta. Malgré une campagne très vive menée contre lui, le gouvernement avalisa le choix du conseil municipal : pour le gouvernement, l’attachement de Schwander à l’Allemagne était totalement sûr, y compris en cas de guerre avec la France. Le mandat du conseil municipal, à majorité démocrate et socialiste, s’acheva en 1908 et, de 1908 à 1914, Schwander administra avec un conseil à majorité libérale et catholique. Schwander mena avec beaucoup d’habilité l’opération de la Grande Percée en liaison avec l’opération de relogement en pavillons-jardins du Stockfeld. Cette percée devait doubler la Grand-rue, du pont Kuss au pont Saint-Nicolas : en 1918, elle était réalisée de Saint-Pierre-le-Vieux jusqu’à la rue des Francs-Bourgeois, sous la direction de Beblo © et Dopff ©. Se fondant sur un adjoint tout aussi exceptionnel, Leoni ©, Schwander redéfinit les relations de la Ville avec l’Électricité de Strasbourg et la Compagnie des transports strasbourgeois, filiales de l’Allgemeine Elektrizitäts Gesellschaft (AEG) ainsi qu’avec le Gaz de Strasbourg. Schwander préconisa un système d’économie mixte, où la Ville était actionnaire, souvent majoritaire, mais laissait à l’entrepreneur privé la conduite de l’entreprise. Il défendit cette forme mixte de l’interventionnisme municipal face aux milieux professionnels de l’administration municipale, majoritairement acquis à la municipalisation totale des entreprises exerçant des fonctions de service public. En 1912, il entra à la chambre haute du Landtag, élu par le conseil municipal, pour y représenter la ville de Strasbourg. À partir d’août 1914, l’ampleur et l’efficacité des mesures prises par Schwander pour l’approvisionnement de la ville permit d’éviter
l’évacuation de la population strasbourgeoise. Schwander créa notamment en 1915 la Laiterie centrale de Strasbourg qui assura une livraison régulière en lait de la ville. L’ensemble de ces dispositifs prirent place dans l’organisation de l’économie de guerre allemande mise en place progressivement. En 1917, il occupa pendant trois mois les fonctions de secrétaire d’État auprès du ministère de l’Intérieur du Reich chargé du Reichswirtschaftsamt. À la fin de 1917, le chancelier Hertling avait procédé à une consultation d’un certain nombre d’instances sur le statut futur de l’Alsace-Lorraine, et Schwander s’était à cette occasion prononcé, comme la majorité de ceux qui avaient répondu (Statthalter, secrétaire d’État pour l’Alsace-Lorraine, etc.) pour l’annexion à la Prusse. C’est donc en qualité d’Alsacien, et à son corps défendant, plus que pour ses positions qui étaient connues, qu’il fut nommé le 14 octobre 1918 comme Statthalter d’Alsace-Lorraine, pour faire de l’Alsace-Lorraine un état autonome, entreprise qu’il estimait trop tardive. Aussi bien la cheville ouvrière de cette ultime tentative pour éviter le retour sans conditions à la France, prévu par les Quatorze points de Wilson, devait être le gouvernement parlementaire de Charles Hauss ©, constitué par le Landtag. Les événements allèrent trop vite pour permettre à ce gouvernement d’avoir une existence réelle : le 11 novembre, Schwander et Hauss remirent leur démission. Schwander avait quitté l’Alsace avant l’entrée des troupes françaises, y laissant sa fille aînée morte de la grippe espagnole le 17 octobre.
Haut fonctionnaire impérial, membre de longue date du parti démocrate, désormais au pouvoir en Allemagne et qui avait largement inspiré le texte de la Constitution de la République de Weimar, Schwander fut nommé dès juin 1919 à un poste en vue : président supérieur de la province de Hesse-Nassau à Kassel. Il participa à la fondation de nombreuses organisations des Alsaciens-Lorrains dans le Reich : l’Association d’Aide (Hilfsbund) en 1919, l’Alt-Elsass-Lothringische Vereinigung en 1923, qui allaient mener campagne pour une indemnisation des expulsés de 1918, objectif qui sera atteint par une loi allemande de 1928. Schwander participa également à la création du Wissenschaftliches Institut der Elsass-Lothringer im Reich (Kassel 1920), qui se fixa à Francfort en 1922. Son parti, la Deutsche Demokratische Partei (DDP), où figurent de nombreux Alsaciens-Lorrains (Alfred Wolf, etc.), Allemands ayant vécu en Alsace-Lorraine (Alexander Dominicus ©, Elly Heuss-Knapp ©) a expressément fait figurer dans son programme l’exigence de la révision du traité de Versailles et le refus de reconnaître le retour de l’Alsace-Lorraine à la France sans plébiscite. Schwander partagea donc au moins jusqu’à Locarno l’irrédentisme des organisations qu’il contribua à diriger. Ainsi le récit par Robert Ernst © de la protestation qu’il émit en octobre 1925, dans le comité directeur de l’organisation des Alsaciens-Lorrains dans le Reich, contre le pacte de Locarno et l’abandon de l’Alsace-Lorraine qu’y consentit l’Allemagne, fut fort vraisemblable. Le DDP n’abandonna la référence explicite à l’Alsace-Lorraine qu’après Locarno, pour adopter la position, qui était aussi celle du président du Wissenschaftliches Institut der Elsass-Lothringer im Reich, Krencker : renonciation à la revendication politique du retour de l’Alsace-Lorraine considérée cependant comme restant culturellement germanique dans ce cadre. Cette position est désormais celle de Schwander, si l’on en croit l’hommage appuyé qu’il dut rendre à Krencker en 1941. Schwander représenta l’État central comme Staatskommissar dans les conseils des Universités de Marburg et de Francfort. Il prit sa retraite en 1930, et se fixa à Francfort, où il assura la présidence du conseil d’administration de la Societäts-Druckerei qui publiait le grand journal libéral Die Frankfurter Zeitung, que les nazis, pour des raisons de politique étrangère toléraient dans une certaine mesure. Schwander prit aussi une part active à la publication de la collection «Das Reichsland Elsass- Lothringen» publiée sous la direction de Georg Wolfram © et où il rédigea la partie consacrée aux gouvernements du Reichsland et à la Constitution (Verfassung und Verwaltung von Elsass-Lothringen, 1938). Ce haut-fonctionnaire retraité, vieux démocrate, qui évidemment n’était pas un nazi, n’a cependant pas réussi à éviter de se faire utiliser dans les opérations de propagande que monta le régime au cours de l’annexion de fait de l’Alsace et de la Moselle: il participa au Congrès solennel des Alsaciens-Lorrains dans le Reich, tenu à Strasbourg le 14 septembre 1941, au cours duquel on rebaptise la place de la Bourse de son nom, de même qu’à la cérémonie de refondation de la nouvelle Reichsuniversität de Strasbourg (23 novembre 1941) dont il fut nommé Ehrensenator. Enfin, il assura la présidence du Wissenschaftliches Institut der Elsass-Lothringer im Reich an der Universität Frankfurt (1941-1945). Schwander, qui n’y était pas revenu depuis 1918, fit quelques séjours en Alsace pendant la guerre, rendant visite aux différents membres de sa famille, à Reichshoffen et à Horbourg. Il se rendit également à Strasbourg, et Ernst s’en souvint pour les audiences qui lui furent accordées à l’Hôtel de la Préfecture et à l’Hôtel de Ville et où il sollicita des grâces pour des Alsaciens condamnés pour concours apporté à l’évasion de prisonniers français. Définitivement retiré à Oberursel. La municipalité de Strasbourg a refusé de lui dédier une rue de la ville, malgré la proposition de la commission compétente en 1998.

En plus de la thèse de doctorat citée, on peut retenir les publications suivantes: « Das Armenrecht in Elsass-Lothringen », Caritasschriften, Fribourg/Br., 1899; « Mechanismus der Lebensmittelverteilung und seine Abhängigkeit von der öffentlichen Bewirtschaftung », Kommunales Jahrbuch, Jena, 1919; Von Gewerkschafts-und Arbeitgeberverbänden in Elsass-Lothringen, Frankfurt-a.-M., 1931; Die reichsländischen Regierungen und die Verfassung, Berlin, 1936 (avec F. Jaffé).
Archives départementales du Bas-Rhin, AL 87 5602; id., série AL, dossier R. Schwander; série D, Conseil municipal de Strasbourg; Archives municipales de Strasbourg, Conseil municipal ; R. Schwander, Verfassung und Verwaltung von Elsass-Lothringen, Francfort, 1936; Rossé, Sturmel, Deiber, Bleicher, Keppi, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, 1936; A. Dominicus, Strassburgs deutsche Bürgermeister Back und S., Francfort/Main, 1939; Prof. Dr. Wentzcke, Gedenkrede für Rudolf Schwander im Rotary-Club, Francfort, 1951; P. Nickler, Les débuts de R. Sschwander à Colmar, Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, n° 2, 1951-1952; R. Ernst, Rechenschaftsbericht eines Elsässers, Berlin, 1954; M. Rehm, « R. Schwander », Der Städtetag, n° 12, 1958 (Stuttgart); L. Kettenacker, Nationalsozialistische Volkstumspolitik im Elsass, Stuttgart, 1971; M. Rehm, Rudolf Schwander und Kurt Blaum, Wegbahner neuzeitlicher Kommunalpolitik aus dem Elsass, Stuttgart, 1974; L. Sittler,Hommes illustres d’Alsace, Colmar, 1976; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981, p. 292; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, IV (index); K. Nohlen, Baupolitik im Reichsland Elsass-Lothringen 1871-1918, Berlin, 1982; I. Grünwald, Die Elsass-Lothringer im Reich 1918-1933, Francfort, 1984; H. Hiery, « R. Schwander 1868-1950 », Persönlichkeiten der Verwaltung, Biographien zur deutschen Verwaltungsgeschichte 1648-1945, Stuttgart, 1991; A-M. Schwander, « Rodolphe Schwander (1868- 1950), maire de Strasbourg de 1906 à 1918 », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1993-94, p. 109-135; Chr. Baechler, Gustav Stresemann. De l’impérialisme à la sécurité collective, Strasbourg, 1996; Chr. Huberty, Le libéralisme à Strasbourg au tournant du siècle (1898-1901), Chantiers historiques en Alsace, I, Strasbourg, 1998.

François Igersheim (1999)