Professeur de médecine (★ Strasbourg 1.2.1809 † 22.9.1881). Frère de Georges Frédéric Schutzenberger ©. ∞ 12.6.1833 à Strasbourg Adèle Mélanie Laemmermann, encore mineure, fille orpheline de Philippe Jacques Laemmermann, avocat, et de Marie Keith, pupille de Georges Frédéric Schutzenberger ©. Après des études au Gymnase et au collège royal, Sch. s’inscrivit à l’École de santé militaire en 1829, en démissionna en 1831 et passa le concours de l’internat la même année. Il passe sa thèse avec: Paralysie du poumon. Considérations physiologiques sur le poumon appliquées à quelques lésions dynamiques de cet organe (1832). Il fit un voyage d’études à Vienne et à Paris. En 1835, il fut nommé agrégé et chef de clinique. Il fut l’adjoint d’Ehrmann, de Lobstein, de Forget et de Stoeber. Le ministre de l’Instruction publique décida en 1837 la création d’un cours complémentaire de maladies syphilitiques et cutanées. Schutzenberger fut chargé de cet enseignement pendant quatre ans. En 1840, alors qu’il venait de passer quelques jours auprès de ses parents, en villégiature dans le Haut-Rhin, sa diligence fut accidentée aux environs de Sélestat. Schutzenberger, projeté sur un tas de pierres, fut atteint d’une fracture de la colonne vertébrale avec paraplégie. À la suite de cet accident, Schutzenberger ne marcha plus que difficilement à l’aide de deux cannes. Pourtant, il se dévoua inlassablement à son enseignement et à ses malades. Ce fut d’abord un vénérologue, avant la lettre. Grâce à ses observations, il fut convaincu que les accidents de la syphilis secondaire sont contagieux, ce que longtemps Ricord (1800-1889) ne voulut pas admettre. En 1844, il fut appelé à occuper la chaire de clinique interne puis, nouvellement créée, la chaire de clinique et de pathologie internes à partir de 1845. En clinique interne, un des premiers, il avait reconnu ce que le laboratoire, le microscope et les études anatomo-pathologiques pouvaient apporter au médecin. Il remit à l’honneur l’usage du thermomètre qui était tombé en désuétude. C’est sur son instigation que Spielmann © entreprit l’étude de la température dans différentes affections. À la clinique, le spiromètre fut employé pour la première fois. Les premières publications sur l’embolie sortirent de ses services; mais Schutzenberger en fournit surtout la première description anatomo-clinique, complétant les divers aspects que peuvent revêtir les embolies pulmonaires. En 1861, il fit paraître dans la Gazette médicale de Strasbourg: «Notes sur un cas de cyanose. Rétrécissement de l’artère pulmonaire par soudure des valvules sigmoïdes. Ouverture contre nature de la cloison inter ventriculaire». C’est la première description complète et rigoureuse de la plus fréquente des cardiopathies cyanogènes (« maladie bleue »). Pendant le siège de 1870 eurent lieu les premières transfusions sanguines à Strasbourg. Depuis la Renaissance, la transfusion sanguine avait hanté l’esprit de quelques médecins. On avait même essayé des transfusions de sang animal. En 1864, un médecin de Heidelberg, Belina, fit une centaine de transfusions avec très peu de complications. Pendant la guerre de 1870-1871, quelques médecins strasbourgeois y eurent recours avec le sang défibriné au préalable et il semble que les accidents d’incompatibilité furent rares. Hecht précisa à la Société de médecine de Strasbourg (1871) qu’il s’agissait d’une thérapeutique de grande valeur « jusqu’ici négligée en France ». Schutzenberger y ajouta le rôle qu’elle pouvait jouer dans les maladies internes (1871). Après la reddition de Strasbourg, Schutzenberger reprit son enseignement et avec plusieurs collègues, il créa l’École libre de médecine dont il assuma aussi la direction (mai 1871 au 30 septembre 1872). Les Allemands lui proposèrent une chaire à la nouvelle université allemande. Il déclina l’offre. Lorsque parut en France le décret stipulant le transfert de la faculté de Strasbourg à Nancy (1er octobre 1872), il renonça à sa chaire. L’administration de l’hôpital réussit à sauver de l’emprise de l’université allemande plusieurs services (médecine, chirurgie, service de retraités – « d’Pfründ »), Schutzenberger accepta le titre de médecin chef des services municipaux des Hospices civils et son activité ne fut en principe qu’hospitalière. En 1875, il quitta sa fonction de médecin chef, après avoir partagé son service entre les docteurs Reibel et Gustave Levy (deux services de médecine hommes et femmes) et il confia les pensionnaires au professeur Strohl. L’administration le nomma médecin honoraire. Il prit part à la vie associative médicale, particulièrement à la Société de médecine de Strasbourg fondée en 1842 (la Société médicale des hôpitaux de Paris date de 1849). Il accepta et présida une commission chargée, sur la demande du ministre, d’élaborer un projet de réformes des facultés de médecine, réformes qui étaient pour lui une préoccupation constante. Un texte important fut balayé par la Révolution de 1848. Il joua aussi un rôle dans les décisions concernant la prévoyance et les secours aux médecins et pharmaciens qui ont abouti à l’actuelle Association de prévoyance médicale. Ses élèves lui firent ériger un monument discret dans la cour à l’entrée de l’Hôpital (6 juillet 1882). Malheureusement, le buste qui le surmonte n’est guère ressemblant. Il a néanmoins été coulé selon un modèle en plâtre (1854) par le statuaire strasbourgeois Philippe Grass © (1801-1876). Des portraits sont conservés à l’Hôpital.
Auteur de nombreuses publications, il a lui-même réuni, en 1879, une partie de ses écrits en deux volumes importants ; Fragments de philosophie médicale et Fragments d’études pathologiques et cliniques. Toute sa vie, il a été préoccupé par des questions de méthodologie et de pédagogie médicale. Il souhaitait plus d’indépendance et d’autonomie pour les universités. Les polémiques au sujet de la théorie cellulaire expliquent cette attitude. Buste érigé le 6 juillet 1882 dans l’enceinte de l’hôpital.
Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, IV, n° 6, p. 32; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 741; J.-L. Tondeur, Charles Schutzenberger (1809-1881), un professeur de médecine dans l’Alsace du XIXe siècle, thèse de doctorat en médecine, multigr., Strasbourg, 1989.
† Georges Foessel (1999)