Conventionnel, surnommé « l’Archange de la mort », (C) (★ Decize, Nièvre, 25.8.1767 † Paris 10 thermidor II = 28.7.1794 (guillotiné)). Fils de Louis Jean Saint-Just, chevalier de Richebourg, capitaine de cavalerie, et de Marie Anne Robinot. Élu député de l’Aisne à la Convention nationale, il entra au Comité de salut public le 30 mai 1793. Dès la chute de Robespierre dans laquelle il fut entraîné, on assimila Saint-Just à la Terreur de l’an II qui s’était abattue sur l’Alsace, au point de lui imputer toute la responsabilité des outrances et dérives de cet épisode. Il convient cependant de nuancer son rôle par un examen plus approfondi de ceux joués par d’autres conventionnels en mission en Alsace, notamment Marc Antoine Baudot et Jean Baptiste Lacoste, qui, eux, survécurent à Thermidor. Après la rupture des lignes de défense de Wissembourg, Saint-Just fut envoyé le 17 octobre 1793 en mission à l’armée du Rhin avec Philippe Lebas © avec pouvoirs de « prendre les mesures de salut public qu’ils jugeront convenables ». Ils arrivèrent en Alsace le 21 octobre repartirent discrètement pour Paris le 2 décembre, retournèrent à Strasbourg le 14 décembre, entrèrent dans Landau débloqué le 28 décembre et quittèrent définitivement l’Alsace le 30 décembre 1793 après un dernier passage à Strasbourg. Le premier soin de Saint-Just fut de restaurer le moral ébranlé de l’armée en lui assurant son approvisionnement et son habillement. Dans ce dessein, il ordonna de multiples réquisitions en dépouillant les Strasbourgeois de leurs draps, manteaux, chemises, souliers, etc., que plus tard on retrouva pourris dans les magasins. Dans la même intention, il imposa aux riches de Strasbourg un énorme emprunt — qui ne fut jamais remboursé — de neuf millions de livres. Voulant rendre confiance aux troupes, il épura le corps des officiers, dont certains furent fusillés pour l’exemple à la tête de leur unité. Ces mesures spectaculaires contribuèrent peut-être à repousser l’ennemi au-delà des frontières, mais elles auraient eu peu d’effet sans le travail inlassable, mais oublié, des autres représentants à l’armée du Rhin, auxquels Saint-Just vouait un orgueilleux mépris. Si sa mission était essentiellement d’ordre militaire, Saint-Just estimait que l’action politique était le complément nécessaire au salut de la République. Se défiant des Alsaciens considérés comme traîtres potentiels, hanté par le souvenir de l’insurrection lyonnaise, il purgea les corps constitués de ses éléments modérés, les envoya dans les prisons de Metz, Châlons et Besançon, et les remplaça par des Jacobins plus enthousiastes. Il fit aussi dresser une liste de suspects et mettre en arrestation les présidents et secrétaires de sections de Strasbourg accusés de fédéralisme. Cependant, les pressions menaçantes qu’il aurait exercées sur le tribunal révolutionnaire ne sont qu’une invention thermidorienne. Il interdit même à Euloge Schneider © de punir Jean-Pierre Mayno © qui n’avait pu satisfaire dans les délais à l’acquittement de sa contribution à l’emprunt forcé, et tança la commission révolutionnaire de Saverne pour avoir agi arbitrairement. Il s’attaqua toutefois aux particularismes germaniques et ordonna la destruction des statues de la cathédrale de Strasbourg. Persuadé de l’existence d’un vaste complot de l’étranger, un mythe partagé avec Robespierre, dès son retour de Paris, il fit mettre en arrestation Euloge Schneider qui, à ses yeux, présentait toutes les caractéristiques de l’étranger stipendié par l’ennemi, se cachant sous un masque d’ultra-révolutionnaire, pour mieux saboter la Révolution.
A. Kuszinski, Dictionnaire des conventionnels, Paris, 1916, p. 548-552 ; A. Soboul, « Sur la mission de Saint-Just à l’armée du Rhin », Annales historiques de la Révolution française, Paris, 1954, p. 193-231 et 298-337 ; J.-P. Gross, Saint-Just : sa politique et ses missions, Paris, 1976 ; B. Vinot, Saint-Just, Paris, 1985 ; N. Hampson, Saint-Just, Oxford, 1991 ; Cl. Betzinger, « L’outrage fait aux Strasbourgeois par les représentants du peuple », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1992, p. 77-81.
Claude Betzinger (1998)