Cantatrice, (C) (★ Strasbourg 15.12.1756 † Barnes-Terrace, Angleterre, 22.7.1812). Fille de Pierre Clavel Raici, musicien, et de Claude-Antoinette Pariset. ∞ I 10.9.1775 à Berlin Philippe Croisilles de Saint-Huberty, régisseur du théâtre français de la Cour, ∞ II 29.12.1790 à Castel San Pietro (Tessin) Emmanuel de Launay, comte d’Antraigues ; 1 fils. Formée par son père, elle chanta dès l’âge de 12 ans et fit ses débuts au Théâtre de Strasbourg. Après avoir décliné, à la demande des parents, des offres d’engagement des théâtres de Bordeaux et de Lyon, elle secoua le joug familial et se rendit à Berlin en compagnie de Croisilles de Saint-Huberty qui se faisait passer pour le directeur général des menus plaisirs du roi de Prusse. Cédant aux instances de son impresario, « beau diseur aux paroles dorées » (Ed. de Goncourt), elle finit par l’épouser à l’église Sainte- Hedwige de Berlin (1775). Dès l’année suivante, elle remporta un franc succès à Varsovie dans Zémire et Azor, une comédie-ballet de Grétry. Gênée et humiliée par les frasques de son époux dépensier et indélicat, elle s’installa seule à Paris où Gluck l’accueillit à bras ouverts. En septembre 1777, elle créa le rôle de Melissa dans l’Armide de son protecteur. De 1781 à 1790, elle fut premier soprano de l’Opéra, créant entre autres Didon de Piccinni (1783), Chimène de Sacchini (1783), les Danaïdes de Salieri (1784). Elle se produisit également en province, notamment à Marseille et à Strasbourg. Le jeune lieutenant Bonaparte eut l’occasion de l’admirer dans le rôle de Didon et de lui dédier un huitain enthousiaste. Ayant recouvré sa liberté après l’annulation de son mariage (1781), elle se lia avec le comte d’Antraigues, homme politique et agent secret français, l’auteur des fameux Mémoire sur les États généraux (1788). Chassés par la Révolution, ils se marièrent en Suisse (1790). Au service des Bourbons et des Russes, le comte et sa femme errèrent de pays en pays pour se réfugier finalement dans la banlieue de Londres. C’est là que le couple fut assassiné en 1812 par un domestique qui venait d’être congédié. Certains auteurs pensent néanmoins à un assassinat politique, car Fouché n’avait jamais pardonné au comte d’Antraigues son pamphlet contre Bonaparte intitulé Fragment du XVIIIe livre de Polybe.
Ed. de Goncourt, La Saint-Huberty d’après sa correspondance et ses papiers de famille, Paris, 1882 ; K. J. Kutsch, L. Riemens, Grosses Sängerlexikon, vol. 2, Berne, 1987, p. 2561 ; M. Benot, Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1992, p. 628 ; Théodore Rieger, Françoise Thary, Philippe Jung, Destins de femmes -100 portraits d’Alsaciennes célèbres. Éditions le Verger, 1996, p. 55-56 ; M. Mourre, Dictionnaire encyclopédique d’histoire, nouvelle édition, 1996, p. 338.
Théodore Rieger (1998)