Donatrice (attestée à Strasbourg au début du XIIIe siècle). Une statue d’apôtre du portail méridional de la cathédrale de Strasbourg portait jadis l’inscription suivante : « Gratia divinae pietatis adesto Savinae — De petra dura per quam sum facta figura », ce que Gérard © a traduit par : « Que la grâce de la miséricorde divine assiste Savine par laquelle de roche dure fut transformée en statue ». Énée Piccolomini, le futur pape Pie II, de passage à Strasbourg en 1432, pensait qu’il s’agissait d’une femme sculpteur. Pendant des siècles, on a cru à cette statuaire dont on fit d’ailleurs la fille du maître Erwin © dit « de Steinbach » sans se soucier des problèmes de patronyme ou de chronologie. La statue qui portait le phylactère avec l’inscription datait de 1220 environ alors que maître Erwin fut en fonction à partir de 1284.
Sans pouvoir rejeter totalement l’hypothèse d’une femme sculpteur, car le Moyen Âge en a connu quelques-unes, les historiens voient aujourd’hui en Sabina une simple donatrice. Elle serait identique à la Sabine fortunée que révèle une charte datée précisément du 29 novembre 1220. Ce document nous apprend que Hugo, frère de Sabine, portier du chapitre Saint-Thomas de Strasbourg, a fait don à sa communauté de la maison en pierre sise dans la « Stadelgasse », rue de la Grange, qu’il avait héritée de sa sœur. Le texte annonce aussi une cérémonie religieuse qui aura lieu « super sepulcrum memorate Sabine ». Statue sur le parvis sud de la cathédrale, par Philippe Grass ©, refaite par Dominique Singer (1988).
Archives municipales de Strasbourg; Urkundenbuch der Stadt Strassburg, I, p. 150 ; L. Schneegans, « La statuaire Sabine », Revue d’Alsace, 1850, p. 252-297 ; Ch. Gérard, Les artistes de l’Alsace pendant le Moyen Age, Colmar, Paris, 1872, t. I, p. 100-117 ; Théodore Rieger, Françoise Thary, Philippe Jung, Destins de femmes -100 portraits d’Alsaciennes célèbres. Éditions le Verger, 1996, p. 28 ; R. Lehni, « Sophie von La Roche et le mythe de Sabine », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, XXII, 1996, p. 43-51.
Théodore Rieger (1998)