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ROUGET DE LISLE Claude Joseph

Officier du génie, auteur de la Marseillaise, (C) (★ Lons-le-Saunier 10.5.1760 † Choisy-le-Roi 26.6.1836). Fils de Claude Ignace Rouget, avocat au parlement, jouissant de privilèges de noblesse, et de Jeanne Gaillande. Célibataire. Après le collège de Lons-le-Saunier, il entra en 1776 à l’école militaire de Metz. À cette occasion, il ajouta le nom d’une terre familiale (Lisle ou l’Isle) à son patronyme. Sorti officier du génie, il gravit les échelons successifs et était capitaine quand il fut affecté à Strasbourg en mai 1791. Poète, musicien, compositeur, et monarchiste constitutionnel, il fréquenta les milieux cultivés et libéraux de Strasbourg, et fut admis dans la société du maire Frédéric de Dietrich ©. Il s’y lia avec Pleyel ©, qui mit en musique son Hymne à la liberté, écrit à la demande du maire et spectaculairement exécuté sur la place d’Armes, le 25 septembre 1791, lors de la fête de la Proclamation de l’acte constitutionnel. Le 25 avril 1792, jour où la nouvelle de la déclaration de guerre parvint à Strasbourg, après le dîner auquel il avait été convié, Rouget fut pressenti par le maire Dietrich pour composer un chant patriotique à la hauteur de la circonstance. Il y travailla toute la nuit, et le 26, au soir, dans les salons du maire Dietrich, en présence d’une assistance d’amis enthousiastes, fut alors entonné le Chant de guerre pour l’armée du Rhin dédié au maréchal Luckner, en six couplets. Selon une lettre de madame de Dietrich à son frère, le maire l’aurait chanté alors qu’elle l’accompagnait au clavecin. « C’est du Gluck en mieux, plus vif et plus alerte » ajouta-t-elle. Des controverses se sont élevées sur les sources d’inspiration de Rouget. Pour certains, il aurait utilisé une mélodie d’un chef militaire de Saint-Omer ou encore du chef de musique du régiment d’artillerie de Strasbourg. Mais une attribution à Pleyel doit être écartée, puisque le compositeur était alors à Londres. Il est cependant certain que les paroles sont directement liées à l’atmosphère patriotique fébrile provoquée par la déclaration de guerre. Le chant fut exécuté la première fois en public le 29 avril 1792 sur la place d’Armes de Strasbourg par la musique de la garde nationale. L’imprimeur strasbourgeois Philippe Jacques Dannbach publia en mai les paroles et la musique. De Strasbourg, le chant passa à Montpellier, puis à Marseille, pour aboutir à Paris en juillet 1792 sous le nom d’Hymne des Marseillais, et devenir le chant révolutionnaire par excellence, puis, après une longue éclipse, l’hymne national de la France depuis le 14 février 1879. Il fut traduit en allemand en octobre 1792 par Euloge Schneider © sous le titre Kriegslied der Marseiller. Rouget écrivit encore à Strasbourg le texte et la musique d’un troisième hymne patriotique, intitulé Roland à Roncevaux. En mai 1792, Rouget fut muté à Huningue, chargé de la réparation des fortifications. Refusant d’adhérer à la Révolution du 10 août, il fut destitué le 25 août 1792. Il se rendit à Paris, où il fut arrêté comme suspect par ordre du Comité de salut public et incarcéré le 18 septembre 1793, pour n’être libéré qu’après le 9 thermidor. Réintégré dans l’armée le 30 ventôse III (20 mars 1795), il prit part comme aide de camp du général Hoche à l’expédition de Quiberon (juillet 1795) et y fut blessé. Désigné pour être employé à l’armée du Rhin comme administrateur des vivres, il fut nommé chef de bataillon, mais démissionna de l’armée le 9 germinal IV (29 mars 1796). Il vécut alors dans l’isolement, publiant quelques chants patriotiques qui passèrent inaperçus. Il resta oublié sous le Consulat et l’Empire. En 1811, il était retourné dans la propriété familiale de Montaigu (un hameau de Lons-le-Saunier). Il y resta jusqu’en 1818, après que fut intervenue la vente aux enchères du domaine. Il retourna à Paris, mais victime de l’ostracisme infligé à l’auteur de l’infâme Marseillaise, vécut dans le dénuement complet. En 1826, il fut même enfermé pour dette à Sainte-Pélagie. Cependant quelques amis fidèles, dont surtout le chansonnier Béranger, le soutinrent, et le général Blein lui offrit l’hospitalité dans sa demeure à Choisy-le-Roi, qu’il ne quitta plus. Après la Révolution de 1830, Louis-Philippe lui accorda une pension et lui décerna la Légion d’honneur. Le 14 juillet 1915, ses cendres furent transférées sous la coupole des Invalides. David d’Angers sculpta le médaillon qui orne son ancienne tombe à Choisy-le-Roi, et Brun exécuta sa statue en relief sur l’arc de triomphe de l’Étoile. Lons-le-Saunier possède un monument en son honneur, réalisé par Bartholdi ©. Plaque sur les murs de la Banque de France à Strasbourg.
Les Archives municipales de Strasbourg conservent une copie manuscrite du Chant de guerre des Marseillois, datant de 1792, sous la cote AST 102 ; J. Tiersot, Rouget de Lisle. Son œuvre, sa vie, Paris, 1892 ; A. Leconte, Rouget de Lisle. Sa vie, ses œuvres, la Marseillaise, Paris, 1892 (donnent la liste de ses œuvres) ; G. Honegger, Sur la trace des musiciens célèbres à Strasbourg, Strasbourg 1988, p. 47-49, 123-124 ; G. Livet, « À Strasbourg aux origines de la Marseillaise. Le Chant de Guerre de l’Armée du Rhin (1792) », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1992, p. 57-75.

Claude Betzinger (1998)