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ROTHÉ Jean-Pierre

Sismologue (★ Nancy 16.11.1906 † Montpellier 6.3.1991). Fils d’Edmond Rothé ©. Rothé a fait ses premières classes au lycée Poincaré à Nancy. La guerre venue, Nancy fut bombardée et évacuée et la famille Rothé s’installa à Paris en 1915. Études secondaires au lycée Henri IV, puis à la faculté des Sciences de Strasbourg, et enfin à Paris où il a soutenu en 1937 une thèse de doctorat ès sciences intitulée
Contribution à l’étude des anomalies du champ magnétique terrestre. Rothé y analyse et interprète diverses anomalies magnétiques créées par des gisements de roches éruptives ou des accidents géologiques en terrain sédimentaire et l’anomalie magnétique du bassin de Paris. Son deuxième sujet de thèse concerne la géologie et la morphologie du Groenland au voisinage du Scoresby Sund. Nommé assistant en 1928 à la faculté des Sciences de Strasbourg, Rothé a participé, dans le cadre de la deuxième Année polaire internationale (1932-1933), à une expédition scientifique au Groenland, à Scoresby Sund où il a été chargé de l’étude du magnétisme terrestre, des courants telluriques et de recherches géologiques. C’est à Rothé et à ses camarades Alexandre Dauvillier (aurores polaires, champ électrique et ionisation de l’air) et Paul Tchernia (biologie et océanographie) que l’on doit le premier hivernage français dans l’Arctique. En fait, l’œuvre scientifique de Rothé intéresse surtout la sismologie qui, au fil des années, est devenu le sujet essentiel de ses recherches et de son travail. À la mort de son père en 1942, Rothé a été chargé, à titre intérimaire, des fonctions de secrétaire général de l’Association internationale de séismologie et de directeur du Bureau central international de sismologie (BCIS), alors transféré à Clermont-Ferrand. Nommé professeur en 1945 à la faculté des Sciences de Strasbourg et directeur de l’Institut de Physique du Globe de cette même université, il a été confirmé dans ses fonctions de secrétaire général et de directeur du BCIS au cours de l’assemblée générale de l’Association à Oslo en 1948. C’est avec le Dr R. Stoneley, alors président, qu’il a entrepris la tâche de réorganiser l’association qui est devenue en 1951, lors de l’assemblée générale de Bruxelles, l’Association internationale de sismologie et de physique de l’intérieur de la Terre (AISPIT). Au cours de cette même période il assuma, en tant que directeur de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg, la direction du Bureau central séismologique français (BCSF). Comme secrétaire de l’AISPIT et directeur du BCIS, jusqu’en 1975, Rothé a constitué une imposante documentation sismologique. Comme directeur du BCSF, Rothé a rassemblé de toutes les données instrumentales ou macrosismiques des séismes survenus sur le territoire national. Il a déterminé les paramètres hypocentraux, effectué les enquêtes sur les événements ressentis et rédigé de nombreuses chroniques. Malgré la précision insuffisante des déterminations de l’époque, liée principalement au manque de stations d’observation dans les régions sismiques, Rothé a toujours cherché, lorsque cela était possible, à établir des liens entre la sismicité observée et l’existence d’accidents tectoniques locaux. Ainsi, il est à l’origine des études pour les sites de la plupart des centrales nucléaires françaises. Ses chroniques régionales sur les séismes ressentis en France, ainsi que la liste des principaux séismes qu’il a établie et classée en 18 provinces tectoniques, ont servi de base à la détermination des régions françaises concernées par l’application des règles de construction parasismique dites « Règles PS69 ». Les données sismologiques systématiquement recueillies et minutieusement analysées ont permis à Rothé, avant même l’avènement de la tectonique des plaques, de démontrer l’excellente coïncidence des épicentres de tremblements de terre sous-marins avec l’axe médian des dorsales médio-océaniques. Il établit ainsi, dès 1954, dans un article paru dans les comptes rendus de la Royal Astronomical Society de Londres, la continuité du système de dorsales sud-atlantique et sud-ouest-indien. La même année il établissait, pour un séisme du sud de l’Espagne, la possibilité d’un foyer situé à grande profondeur (600 km), résultat qui jusqu’alors caractérisait essentiellement les séismes du pourtour du Pacifique. En 1966, et pour répondre à une demande de l’UNESCO, Rothé a accepté et mené à bien la tâche ardue que représente la compilation critique de la sismicité du globe et de la sismotectonique pour la période de 1953 à 1965. Ce travail, publié par l’UNESCO, constitue une suite à l’ouvrage classique de B. Gutenberg et C. F. Richter, intitulé Seismicity of the Earth. Entre 1960 et 1980, Rothé s’est intéressé à la sismicité induite par l’activité humaine qu’il identifie sous le vocable de sismicité artificielle. De même, s’appuyant sur l’absence d’activité sismique antérieure dans l’avant-pays pyrénéen, il attribuait la sismicité de la région de Lacq, dans les Pyrénées Atlantiques, à l’exploitation du gisement de gaz et de pétrole et plus précisément à l’injection de fluide résiduel dans le sous-sol. C’est en fait les séismes recensés à proximité des barrages hydrauliques qui attirèrent le plus son attention. Outre le séisme de 1963 dans la région du barrage de Grandval dans le Massif Central, il a analysé en détail les événements de Monteynard, dans les Alpes, en 1963 et de Vouglans, dans le Jura, en 1971. Les secousses sismiques se sont produites au moment où le remplissage des lacs réservoirs atteignait leurs premiers maximums. Rothé a formulé en 1970 une règle générale suivant laquelle une hauteur d’eau minimale de 100 mètres était nécessaire pour déclencher un séisme. Cette règle est en fait contredite depuis par de nombreux exemples qu’il a d’ailleurs relevés lui-même dans un compte rendu à l’Académie des Sciences en 1981 sur le séisme de 1978, près du barrage d’Alésani en Corse. Si les interprétations sismotectoniques ou l’analyse des documents historiques faites par Rothé ont parfois suscité des critiques — le temps lui était compté et il était pratiquement seul à s’occuper de ces problèmes —, sa contribution à l’enrichissement des connaissances de la sismicité de la France est reconnue comme essentielle. Rothé a été l’un des premiers sismologues à demander avec force la prise en compte du risque sismique pour les grands ouvrages et constructions publics. Il a, à ce titre, assumé pendant de nombreuses années auprès de l’UNESCO des fonctions d’expert sismologue. Excellent skieur, il s’est occupé du Ski-club alpin du Bas-Rhin dont il a été longtemps président. Enfin, en 1944, il a fait partie du maquis de Haute-Lozère, puis de la brigade du Languedoc comme officier de transmission. Il a participé aux combats du Mont Mouchet et de Chaudes Aigues. Chevalier de la Légion d’honneur ; médaille de la Jeunesse et des Sports.
Principales contributions de Rothé : Les tremblements de terre en France de 1929 à 1977 », Annales de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg, 1930-1983 ; « La zone sismique médiane indo-atlantique (1954) », Proc. Roy. Soc. (Londres) 222, 1954, p. 387-397 ; (avec J. Mary et E. Peterschmitt), « Le séisme profond du 29 mars 1954 en Espagne », Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 238, 1954, p. 1530-1531 ; « Le tremblement de terre d’Orléansville et la sismicité de l’Algérie », La nature, 1955, p. 1-9 ; Cartes de sismicité de la France, Atlas de France, Comité national de géographie, 1957, (29e édition, 13 planches) ; « Le tragique bilan des séismes de 1960 incombe en majeure partie à la mauvaise qualité des constructions », La nature, 1960, p. 378-387 ; « Le séisme d’Agadir et la sismicité du Maroc », Notes et mémoires du Service géologique du Maroc 1543, 1962, p. 7-29 ; (avec G. Schneider), Catalogue des tremblements de terre du Fossé rhénan, Institut de Physique du Globe de Strasbourg et Landeserdbedienst Baden Württemberg, Stuttgart, 1968 ; La sismicité du globe, 1953-1965, édition de l’UNESCO, 1969 ; « Note sur la sismicité de la France métropolitaine et tableau annexe. Liste des secousses ressenties en France avec une intensité au moins égale à VII (1021-1969). Règles parasismiques 1969 (Règles PS69) et Annexes », Société de diffusion des techniques du bâtiment et des travaux publics, annexe A2, 1970, p. 150-168, 3 cartes ; « Séismes artificiels », Tectonophysics 9, 1970, p. 215-238 ; UNESCO Report, working group on seismic phenomena associated with large reservoir, 1972 ; Rapports sur la sismicité des sites de centrales nucléaires françaises en construction ou en projet ; carte d’épicentres à 1/1 000.000 pour la période 1448- 1974, EDF, Paris (1973-1976) ; Géographie sismologique régionale : l’exemple de la France, séismes et volcans, Coll. Que Sais-Je ? n° 217, 1977 ; (avec Y. Labrouste et H. Tazieff), « Séisme et sismologie », Encyclopédia Universalis, V. 14.

Roland Schlich (1998)