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ROHAN Louis César Constantin de,

Prince-évêque de Strasbourg et cardinal, (C) (★ Paris 24.3.1697 † Paris 11.3.1779).

Fils de Charles de Rohan, prince de Guéméné, duc de Montbazon, pair de France, et de Charlotte-Élisabeth de Cochenille, il était le frère d’Armand-Jules de Rohan, archevêque, duc de Reims et doyen du Grand-Chapitre de Strasbourg. Il n’était pas tout d’abord destiné à l’Église puisqu’il commença une carrière d’officier de marine. Il ne prit la tonsure qu’à 35 ans passés. Il devint alors chanoine du Grand-Chapitre de Strasbourg où il retrouva son frère et son cousin, Armand-Gaston de Rohan ©, le prince-évêque. En 1747, il fut pourvu de la dignité de grand prévôt. La mort à 39 ans du cardinal de Soubise © le conduisit à la tête de l’Église de Strasbourg. En effet, la monarchie française qui ne tenait pas à voir un Allemand évêque de Strasbourg et la maison de Rohan qui ne voulait à aucun prix laisser échapper ce bénéfice considérable poussèrent Louis Constantin de Rohan à accepter la mitre. Les chanoines électeurs ne firent aucun obstacle à la volonté royale et Louis Constantin de Rohan fut choisi, à l’unanimité, par ses confrères, comme évêque de Strasbourg le 23 septembre 1756. Il fut sacré dans la chapelle du séminaire de Saint-Sulpice le 6 mars 1757. Il apparut à tous, et d’abord à l’intéressé lui-même, que la tâche d’un évêque de 60 ans consistait surtout à préparer sa succession. Aussi obtint-il, sans difficulté, du Chapitre l’élection d’un coadjuteur en la personne de son neveu, Louis René Édouard de Rohan-Guéméné ©. En fait, Louis Constantin de Rohan qui, sous des dehors moins avantageux que ses prédécesseurs, était un homme fin et soucieux de remplir avec exactitude ses fonctions, consacra toute son énergie à son diocèse. Il ordonna une visite générale de ce dernier qu’il confia à son vicaire général, Toussaint Duvernin ©. Pour la première fois depuis un siècle, le même homme, à la tête d’une petite équipe, inspectait systématiquement toutes les paroisses situées de part et d’autre du Rhin. Cette visite dura de 1758 à 1763 et permit à l’évêque, par les procès-verbaux qui lui furent transmis, d’acquérir une connaissance précise du territoire qui était confié à ses soins. Les documents qui furent rédigés à cette occasion ou à la suite de cette vaste inspection révèlent la conception qu’avait Louis Constantin de Rohan de sa tâche. Soucieux de pastorale, selon l’esprit du concile de Trente, il veillait soigneusement à ce que l’église paroissiale fût partout le vrai centre de la vie religieuse. Ceci l’amenait à défendre les droits des curés contre les réguliers et aussi les siens propres contre tout ce qui pouvait les affaiblir. Dès le début de son épiscopat, il entra en conflit avec les Jésuites qui depuis près de 80 ans administraient le collège et le séminaire de Strasbourg et avaient tendance à ne pas distinguer les deux institutions. Le séminaire, déclara Louis Constantin de Rohan, doit « appartenir au diocèse pour lequel il a été fondé » et donc être placé sous la seule autorité de l’évêque. Cette ferme mise au point n’impliquait aucune hostilité à rencontre des Jésuites. Ce fut, en grande partie, grâce à Louis Constantin de Rohan que l’ordre de saint Ignace expulsé de France put se maintenir en Alsace jusqu’en 1765. Quelques années plus tard, le cardinal fut conduit à défendre ses droits épiscopaux contre l’empereur. Celui-ci ayant décidé, en 1774, d’imposer un catéchisme identique dans tous ses États, Louis Constantin de Rohan s’opposa vigoureusement à cette mesure qui peut apparaître comme une des premières manifestations du joséphisme. Les trois doyennés d’Outre-Rhin relevant du diocèse de Strasbourg se trouvaient, en effet, concernés. « Vous êtes trop éclairés et trop religieux, écrivit le prélat aux membres de la régence de Fribourg-en-Brisgau, pour ne pas comprendre que l’enseignement de la Religion étant confié aux Évêques exclusivement, c’est à eux seuls à donner des Catéchismes, et à prescrire dans leurs Diocèses et le fond et la forme de tout ce qui concerne l’enseignement ». En s’exprimant ainsi l’évêque de Strasbourg défendait les principes traditionnels de l’Église mais il s’inspirait aussi d’idées plus modernes que l’on regroupe souvent sous le nom d’épiscopalisme. De fait, Louis Constantin de Rohan n’était pas insensible à l’esprit des Lumières. Il le manifesta en encourageant les travaux de son jeune archiviste, l’abbé Philippe André Grandidier ©. Cet érudit qui utilisait les méthodes de la critique historique mises au point par les Bénédictins et aussi par Bayle ou Voltaire, évoque à plusieurs reprises dans ses œuvres le soutien et la protection dont il a bénéficié de la part du cardinal. Celui-ci est-il allé plus loin et a-t-il songé à réaliser, sur un point au moins, l’idéal des Lumières qui était d’œuvrer en vue d’un rapprochement entre catholiques et protestants ? Dans un panégyrique prononcé en l’honneur de sainte Jeanne
de Chantal (1768), il évoquait avec des accents particulièrement chaleureux : « nos Frères que l’erreur a séparés, que les liens de la société nous unissent, et que les mouvements de notre cœur nous rendent si chers ». Il semble aussi qu’il ait eu une part importante dans la levée de l’interdiction des mariages mixtes accordée par
la monarchie en 1774. Mais, il n’est pas impossible qu’aux intentions généreuses exprimées se soient mêlées quelques arrière-pensées de conversions possibles. Louis Constantin de Rohan que tout prédisposait à n’être qu’un évêque de transition s’est révélé être le pasteur qui convenait à l’Église de Strasbourg en cette seconde moitié du XVIIIe siècle. Ferme sur les principes, il n’en était pas moins ouvert aux idées de son temps, celles du siècle des Lumières. Ce fut un diocèse où la communauté catholique était en plein élan qu’il laissa à son successeur.
Ph.-A. Grandidier, Histoire de l’Église et des Évêques-Princes de Strasbourg depuis la fondation de l’Évêché jusqu’à nos jours, 2 vol., Strasbourg 1776-1778 ; Registrum Episcopatus et Dioecesis Argentinensis Anno MDCCLXXVIII : Excerptum praecipue ex Visitationibus Inchoat Anno 1758 et finit 1763, Strasbourg 1778 ; Ph.-A. Grandidier, Œuvres historiques inédites, Colmar 1867, t. V, p. 31-39 ; R. Metz, La monarchie française et la provision des bénéfices ecclésiastiques en Alsace de la paix de Westphalie à la fin de l’Ancien Régime (1648-1789), Strasbourg-Paris, 1947 ; L. Châtellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Paris, 1981, p.354-398, p. 401-410 ; E. Gatz (Hrsg), Die Bischöfe des Heiligen Römischen Reiches 1648 bis 1803, Berlin, 1990, p. 390-391 (Louis Châtellier).

Louis Châtellier (1998)