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ROHAN Louis René Édouard de,

Prince-évêque de Strasbourg et cardinal, (C) (★ Paris 25.9.1734 † Ettenheim 16.2.1803). Fils d’Hercule Mériadec de Rohan, duc de Montbazon, et de Louise Gabrielle Julie de Rohan. Neveu de Louis Constantin de Rohan ©. Destiné à l’Église, il obtint tout jeune de nombreux bénéfices dont l’abbaye de La Chaise-Dieu. Le 22 novembre 1759 il devint le coadjuteur de son oncle avec le titre d’évêque de Canople. L’année suivante, il fut reçu à l’Académie française. Le 7 mai 1770 il accueillit sur le sol français la dauphine Marie-Antoinette, fille de l’impératrice Marie-Thérèse. Aussi, la désignation de Louis René de Rohan en 1771 comme ambassadeur extraordinaire du roi de France auprès de l’impératrice apparut-elle un bon choix. Parlant l’allemand, entouré de gentilshommes alsaciens qui ne manquaient ni de parents ni de relations à Vienne, Louis René de Rohan semblait dans une situation particulièrement favorable pour réussir. C’était compter sans le goût du faste et le comportement fort peu ecclésiastique du prélat qui heurtèrent la très dévote Marie-Thérèse. Surtout, c’était oublier qu’un futur évêque de Strasbourg en tant que prince du Saint-Empire pouvait, certes, être reçu facilement dans les cercles les plus fermés mais n’avait guère de liberté d’action à l’égard de la cour de Vienne, puisque vassal ou futur vassal de l’empereur. En s’écartant des principes de prudence et de réserve qui avaient toujours été ceux de ses prédécesseurs, le prince Louis échoua dans sa mission. Il suscita en plus le mécontentement de la cour de Vienne et de celle de Versailles. Son rappel, en 1774, ne mit pas fin au mauvais effet produit. Sans se soucier des causes de son échec, Louis René de Rohan songea surtout à rentrer en grâce auprès du nouveau roi Louis XVI et de sa jeune épouse qui, mise en garde par sa mère, se méfiait du prélat. Ce dernier parvint quand même, grâce aux soutiens dont il disposait dans le monde, à se faire nommer grand aumônier de France (1777) et à obtenir le chapeau de cardinal (1er juin 1778). Le 20 avril 1779 il devint, après le décès de son oncle, évêque titulaire de Strasbourg. Placé à la tête du plus riche évêché de France, Louis René de Rohan se montra surtout soucieux de tenir son rang et de faire valoir sa qualité de prince du Saint-Empire. La reprise de ses fiefs qu’il fit faire par des plénipotentiaires se déroula avec un tel faste qu’elle constitua un véritable spectacle pour les habitants de Vienne. Le 8 septembre 1779 son château de Saverne brûla. Ce fut l’occasion pour lui d’en élever un nouveau, plus imposant encore et destiné non seulement à souffrir la comparaison avec les résidences des princes rhénans, ses voisins, mais à l’emporter sur eux. « Cet endroit a l’air d’une maison royale » déclara, en 1782, un voyageur émerveillé devant le palais encore inachevé. En attendant sa reconstruction — qui n’était même pas terminée en 1790 — le cardinal résidait, lors de ses passages en Alsace, au palais épiscopal de Strasbourg. Ce fut là que le rencontra, à plusieurs reprises en 1780 et 1781, la baronne d’Oberkirch ©. Elle a laissé, dans ses Mémoires, le souvenir de la cour brillante qui l’entourait, des fêtes somptueuses qu’il donnait, du luxe qu’il déployait. Elle constata aussi, pour s’en étonner d’abord et ensuite s’en scandaliser, la présence d’un aventurier, Cagliostro, qui prétendait détenir des pouvoirs thaumaturgiques exceptionnels et qui avait une emprise considérable sur Louis René de Rohan. Bientôt le nom de celui-ci et celui du mage apparurent dans toutes les gazettes aux côtés de ceux de personnages encore plus troubles. L’affaire du collier de la reine éclata. Trompé par une aventurière, Madame de La Motte, encore plus victime de son ambition qui était d’obtenir grâce à la reine une place dominante à la Cour, Louis René de Rohan mêla, bien involontairement, le nom de la reine à une gigantesque escroquerie portant sur un collier de diamants d’une somme considérable. Arrêté le 15 août 1785 alors qu’il s’apprêtait à célébrer la messe du vœu de Louis XIII dans la chapelle du château de Versailles, le cardinal fut aussitôt conduit à la Bastille. L’émotion, dans toute la France, fut à son comble. Un conseiller au parlement de Paris résuma bien la situation en s’écriant: « Un cardinal escroc, la Reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et sur le sceptre ! » En fait, au cours du procès, on assista à un revirement de l’opinion en faveur de Louis René de Rohan Celui-ci fit de plus en plus figure de victime. Lorsqu’au terme de longs débats il fut acquitté, il fut ovationné par la foule (31 mai 1786). Il n’empêche qu’il avait contribué, par son inconséquence, à déclencher une grave crise politique qui avait, encore un peu plus, affaibli la monarchie. Exilé par le roi dans son abbaye de La Chaise-Dieu, Rohan ne fut autorisé à rentrer dans son diocèse qu’aux premiers jours de 1789. Il fut accueilli à Saverne par une foule en liesse et des feux de joie. Dès l’ouverture des États généraux de 1789, le cardinal se trouva aux prises avec de nouvelles difficultés. Les premières manifestations de la Révolution à Strasbourg, à Saverne et dans les campagnes alsaciennes l’inquiétèrent. Le décret de l’Assemblée constituante du 2 novembre 1789 ordonnait « la mise à la disposition de la Nation » des biens ecclésiastiques. Leur vente, comme « biens nationaux » commença en mars 1790. La protestation de Louis René de Rohan assortie d’un appel à la Diète de Ratisbonne pour violation des traités de Westphalie n’eut aucun effet. Si bien qu’avant même le vote par l’Assemblée de la Constitution civile du clergé, le 12 juillet 1790, le cardinal passait le Rhin et s’installait dans la partie de son diocèse qui se trouvait dans l’Empire (juin 1790). Dès lors, ce grand prince fastueux devait se contenter de la maison d’un bailli de village, à Ettenheim. De là il mena le combat contre la politique religieuse de la Constituante. Il publia une Déclaration…. sur la Constitution civile du Clergé, 20 novembre 1790, suivie d’une Instruction pastorale. Mais il rencontra des difficultés pour les diffuser en Alsace. À Strasbourg, un évêque constitutionnel, François-Antoine Brendel, fut élu le 6 mai 1791. La juridiction de Louis René de Rohan se trouva réduite, dans les faits, aux trois doyennés d’Ottersweyer, d’Offenburg et de Lahr situés sur la rive droite du Rhin. Il semble toutefois que, dans l’adversité, s’éveilla le souci pastoral du prélat. Aidé par son vicaire général, Jean-Jacques Lantz ©, il établit sur le petit territoire qui lui restait les principales institutions diocésaines. Auprès de lui, à Ettenheim, se trouvait un « consistoire » où ne tarda pas à prendre une place prépondérante l’abbé François-Régis Weinborn ©. À Offenburg, furent installés le Grand-Chapitre et les prêtres du Grand-Choeur. Dans le couvent des Prémontrés d’Allerheiligen enfin était établi le séminaire. Certains professeurs de Strasbourg retrouvèrent, dans ces lieux, une partie de leur ancien auditoire. Peu à peu des hommes nouveaux apparurent, tel Bruno-François Léopold Liebermann, qui marquèrent de leur influence le jeune clergé. Louis René de Rohan dut aussi faire face à l’arrivée de très nombreux ecclésiastiques venus de la partie alsacienne de son ancien diocèse. Le plus grand nombre des 580 prêtres de Basse Alsace qui émigrèrent passèrent, au moins quelques semaines, dans les doyennés d’Outre-Rhin. Il fallait pourvoir à leur hébergement, à leur entretien, à leur affectation dans les paroisses ou tenter de leur trouver un établissement dans les diocèses voisins. La proximité de la frontière ne rendait pas l’asile de Louis René de Rohan très sûr. En 1796, il dut fuir en Suisse ; en 1799, il se réfugia à Ratisbonne. Au fur et à mesure que les années s’écoulaient l’espoir d’un retour à Strasbourg devenait plus faible. Autour du cardinal, les rangs s’éclaircissaient du fait de la mort ou des départs. Les princes allemands, d’abord fort obligeants, commençaient à mal supporter cette enclave datant d’un autre temps. Le Concordat de 1801 signé par Bonaparte et le pape Pie VII, puis l’acte de démission demandé par ce dernier aux anciens évêques (6 novembre 1801) mirent fin, sans espoir de retour, à l’ancienne situation. Le 29 avril 1802, un nouvel évêque de Strasbourg, Jean-Pierre Saurine ©, fut nommé. Son diocèse était complètement remodelé. Le Rhin en constituait désormais la limite orientale. Néanmoins, le cardinal de Rohan continua à administrer la partie droite du fleuve jusqu’à sa mort survenue le 16 février 1803. Il fut inhumé dans le chœur de l’église paroissiale d’Ettenheim. Riche en événements dont certains se mêlent étroitement à l’histoire de France, l’épiscopat de Louis René de Rohan ne fut pas des plus féconds pour son Église si l’on met à part ses dernières années où, d’une certaine façon, le prélat a contribué à la préparation d’un nouveau clergé de qualité.

Baronne d’Oberkirch, Mémoires sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789, Paris 1970 ; Ph.-A. Grandidier, Œuvres historiques inédites, Colmar 1867, t. V, p. 40-43 ; Fr. Funck-Brentano, L’affaire du collier, Paris 1901 ; idem, La mort de la reine (Les suites de l’affaire du collier), Paris 1901 ; Al. Wollbrett, « Le château de Saverne », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, numéro spécial, Saverne 1969 ; R. Epp, « Bruno François Léopold Liebermann », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs, 1975, p. 91-97 ; G. Livet, L’équilibre européen de la fin du XVe à la fin du XVIIIe siècle, Paris 1976, p. 117-121 ; J.-D. Ludmann, Le palais Rohan de Strasbourg, 2 vol., Strasbourg 1979-1980 ; J. Sieger, « Louis René Édouard prince de Rohan-Guéméné und Ettenheim. Schicksal einer ungleichen Beziehung », St. Bartholomäus Ettenheim, Hrsg. von D. Weis, Munich-Zurich 1982, p.236-255 ; idem, Kardinal im Schatten der Revolution. Der letzte Fürstbischof von Strassburg in den Wirren der Französischen Revolution am Oberrhein, Strasbourg-Bâle 1986 ; L. Châtellier, « Les évêques de Strasbourg et la cour de Vienne au XVIIIe siècle », L’Europe, l’Alsace et la France. Études réunies en l’honneur du doyen Georges Livet, Strasbourg 1986, p. 282-289 ; H. Schmid, « Der überrheinische Teil der Diözese Strassburg nach der grossen Revolution (1791-1827) », Archives de l’Église d’Alsace, 46, 1987, p. 172-198 ; E. Gatz (Hrsg), Die Bischöfe des Heiligen Römischen Reiches 1648 bis 1803, Berlin 1990, p. 392-394 (Louis Châtellier).

Louis Châtellier (1998)