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RIEFFEL Aimé Antoine Richard Jules François

Agronome, publiciste et directeur d’école d’agriculture, (C) (★ Barr 25.12.1806 † Nozay, Loire-lnférieure, 22.11.1886).

Fils d’Antoine-Joseph Rieffel. (★ Rosheim 1781 † Barr 15.3.1816), notaire et maire de Barr de 1808 à 1815, et de Marie-Gabrielle-Marguerite Schaeffer († 1826 ?), originaire de Barr. Cousin de François Xavier Joseph Rieffel ©. ∞ 29.1.1831 Henriette Ducoudray-Bourgault, fille d’Henry Ducoudray-Bourgault, grand négociant, président du tribunal de commerce et de la Chambre de commerce de Nantes, conseiller municipal et conseiller général; 1 fille. Aîné d’une famille de six enfants, mais seul survivant, orphelin de père à 10 ans et de mère à 20 ans, Rieffel fit des études secondaires au collège royal de Strasbourg, puis, suite à une maladie qui l’écarta de la carrière militaire, entra en 1827 à l’école de Roville-devant-Bayon, près de Nancy, la première école d’agriculture en France, ouverte depuis 1825 par Mathieu de Dombasle associé à Bertier de Roville. Après deux années d’apprentissage des meilleures techniques d’agriculture et d’économie rurale de l’époque, il sortit premier de sa promotion et se rendit au Verneuil, en Anjou, chez d’anciens condisciples qui tentèrent de copier le modèle de Roville sur un grand domaine. C’est là qu’il rencontra, le 21 juin 1829, à l’occasion d’un concours de labour, Charles Haentjens, armateur nantais, propriétaire d’un domaine de 500 hectares en landes incultes, à Grand-Jouan en Nozay. Ce dernier cherchait un jeune directeur pour poursuivre les défrichements qu’il avait commencés. Haentjens et Rieffel décidèrent de fonder une société en commandite pour la création d’une ferme-modèle, à laquelle furent attachés un institut d’agriculture et une fabrique d’instruments aratoires. La société fut constituée en novembre 1830 avec un capital de 250 000 F. Mais, dès 1834, se produisit une rupture avec Haentjens. Entre temps, Rieffel qui ne possédait au départ qu’un capital de 21 000 F, s’était marié avec la fille d’un riche commerçant de Nantes qui lui apporta une dot de 60 000 F et lui permit de devenir le principal actionnaire de la société. La société par actions fut d’ailleurs dissoute et la propriété du domaine de Grand-Jouan divisée en quatre lots. Dès 1831, Rieffel lança une fabrique d’instruments aratoires, comme à Roville, ce qui lui permit de fabriquer ses propres instruments, de copier des modèles étrangers, surtout anglais, et de diffuser la fameuse charrue à soc plat mise au point par son maître, la charrue Dombasle. Il fut aussi l’un des premiers à introduire les nouvelles machines à battre dans la région et fit venir en 1833, par Orléans, une machine Hoffmann, constructeur à Nancy. De 1830 à 1837, Rieffel dirigea le défrichement du domaine à l’aide d’une importante main d’œuvre salariée. Cette opération fut très rentable grâce à l’usage de la chaux, des nouveaux assolements, des plantes fourragères (il développa la culture du choux fourrager et introduisit la culture du rutabaga), de l’irrigation (il fit venir des irrigateurs des Vosges), mais surtout grâce à un nouvel engrais commercial, le noir animal, une poudre d’os calcinés utilisée dans les raffineries de sucre, élément indispensable pour rendre productives ces terres de landes qui en étaient particulièrement dépourvues. En 1842, Rieffel fut d’ailleurs choisi par le ministère pour mettre en place un protocole d’essai des différents engrais déjà disponibles. Il s’acquitta de cette tâche avec un véritable esprit scientifique et beaucoup de pragmatisme puisqu’il rechercha « le plus grand bénéfice net » des capitaux investis. Car Rieffel se voulait avant tout économiste et gestionnaire. En 1850, il traduisit en français le cours d’économie rurale enseigné à l’institut de Hohenheim par l’Allemand Göriz. Par ailleurs, il transforma certains de ses journaliers et domestiques en colons, puis en métayers à qui il avança la quasi-totalité du capital d’exploitation. Il fut ainsi à l’origine d’un renouveau du métayage dans l’Ouest qu’il théorisa au cours des années 1840 ; puis il synthétisa son expérience en ce domaine dans un ouvrage, le Manuel du propriétaire de métairies, publié en 1864. Il divisa ainsi le domaine de Grand-Jouan en 17 métairies d’une vingtaine d’hectares. Il conserva cependant en gestion directe une « réserve » de près de 80 ha qui servit de terrain d’exercice et d’expérimentation aux élèves des deux écoles distinctes qu’il avait créées. Dès 1833, Rieffel fonda avec l’aide du Conseil général de Loire-Inférieure, une « école primaire d’agriculture », destinée à des apprentis issus de familles pauvres, dont il voulait faire de futurs employés qualifiés ou des fermiers instruits. En 1842, avec l’appui du ministère du Commerce et de l’Agriculture, il ouvrit un institut agricole, sur le modèle de l’école de Roville, destiné à recevoir des fils de grands propriétaires ou de familles aisées pour former ce qu’il appelait des « propriétaires progressifs ». La fermeture de l’école de Roville l’entraîna à accueillir des élèves en provenance d’Alsace et de Lorraine (neuf en 1846). En 1840, Rieffel fonda une revue Agriculture de l’Ouest de la France qui lui permit de diffuser son expérience et les connaissances de ses collaborateurs auprès des propriétaires de l’Ouest. En 1841, avec le puissant châtelain du canton voisin, M. de la Haye- Jousselin, il fonda l’un des plus importants comices agricoles de la région. En 1843, avec quelques Finistériens et Morbihannais, il fonda l’Association bretonne qui regroupait 400 adhérents dès la première année et dont les objectifs initiaux étaient la diffusion des progrès agricoles dans les cinq départements de la Bretagne. Sa revue devint celle de la nouvelle association. Il en resta le président jusqu’en 1850 puis s’en détacha, car celle-ci, sous la pression des « archéologues » qui étaient aussi le plus souvent de grands propriétaires légitimistes, évolua vers des préoccupations régionalistes, voire provincialistes. C’est la raison pour laquelle Napoléon III l’avait dissoute en 1859. Pendant la révolution de 1848, Rieffel peut être classé parmi les « républicains d’ordre » et les écoles de Grand-Jouan servirent, avec quelques autres, de modèle pour l’organisation officielle de l’enseignement agricole, d’autant que Rieffel était devenu membre du Conseil général d’agriculture depuis 1842. Avec les débuts de la IIIe République, l’école « impériale » devint « nationale ». Grâce au recrutement de professeurs fonctionnaires, elle devint aussi un foyer de républicains laïcs dans une région qui tendait au contraire à se crisper dans une attitude cléricale d’opposition au nouveau régime. La ferme-école fut fermée en 1875. Rieffel prit sa retraite en 1881 et se retira dans sa résidence privée qu’il avait fait construire sur la partie la plus élevée du domaine, près de la butte de Limerdin, et qu’il n’avait pas hésité à baptiser « Rieffelland ». Le patriarche honoré des siens, craint mais apprécié de ses métayers, reconnu par les différents régimes politiques (nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1836, puis officier en 1863), sauf le dernier qui se méfiait de ce vieux notable devenu quelque peu arrogant, acheva son œuvre et, en 1886, il se fit ensevelir dans la petite chapelle de Limerdin, sur son domaine. L’école de Grand-Jouan, transférée à Rennes en 1895, devint l’ENSAR, l’une des grandes écoles actuelles d’ingénieurs agronomes. Et le buste de Rieffel, dressé à Grand-Jouan dès 1887, transféré à Rennes en 1930, placé en haut d’un monument qui célèbre la mémoire d’un Alsacien qu’on a parfois appelé « le père de l’agriculture bretonne », trône toujours dans la cour d’honneur de l’école et dans la mémoire des anciens élèves d’une bonne centaine de promotions d’ingénieurs agronomes français. Son souvenir dans la région de Nozay et en Loire-Atlantique reste vivant : le lycée agricole de Saint-Herblain, près de Nantes, porte son nom.

Archives départementales Loire-Atlantique : 1 M 1964 à 1968, 1985, 1992, 2014 à 2016, 1921 à 1924, 2011, 10 U 90-91, 201, 17 U 2731 ; Archives départementales Ille-et-Vilaine, fonds ENSAR, 7 M 428 à 525 ; Archives départementales Finistère, 7 M 209 ; Archives nationales, F10-1741, 2483-2484 ; Centre d’histoire du travail (ex- CDMOT), Nantes: fonds CDM-Grand-Jouan ; Archives municipales de Barr, Rosheim et Roville-devant-Bayon ; Annales agricoles de Roville 1829, 1832 et 1837 ; Annales de la Société académique de Nantes, 1826-1850 ; Agriculture de l’Ouest de la France, 1840-1848 ; C. Göriz, Cours d’économie rurale professé à l’Institut agricole de Hohenheim par M. Goeritz, traduit du manuscrit allemand par J. Rieffel, Paris, 1850 ; J. Rieffel, Manuel du propriétaire de métairies principalement dans l’Ouest de la France, Paris, 1864 ; Annuaire de l’association amicale des anciens élèves de Grand-Jouan, 1865 à 1895 ; A. Andouard, Les progrès de l’agriculture dans la Loire-Inférieure depuis un siècle, Nantes, 1889 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 575 ; Brochure du centenaire de l’Association des anciens élèves de l’École nationale d’agriculture de Grand- Jouan, Rennes, 1930 ; Y.-L. Bécot, « Étapes de l’agriculture bretonne, monographie de Grand-Jouan », Association bretonne, 1946 ; Notice biographique (anonyme) Jules Rieffel 1806-1886, fondateur de l’École nationale d’agriculture de Grand-Jouan-Rennes et de l’Association bretonne, Labenne (Landes), 1957 ; Bianchin, Duboy et Lemancq, La création d’un paysage agricole en Bretagne au XIXe siècle, CERMA, dactyl., Nantes, vers 1980 ; J. Boulaine, Histoire de l’Agronomie en France, Paris, 1992 ; Annales d’histoire des enseignements agricoles, Dijon, 1986 ; J.-M. Wantz, Mathieu de Dombasle et la ferme de Roville, mémoire de maîtrise d’histoire, Nancy, 1971 ; J. Gleizes-Bobin, Rosheim nous conte…, 1972 ; R. Chiappini, Les maires de la ville de Barr 1790-1989, mémoire dactyl, 1989 ; R. Bourrigaud, Le développement agricole au XIXe siècle en Loire-Atlantique, essai sur l’histoire des techniques et des institutions, thèse, Nantes, 1993, éditée par le Centre d’histoire du travail de Nantes, 1993, p. 353-520 ; idem, « Esprit scientifique et pratique agricole : le compromis de Jules Rieffel », La Bretagne des savants et des ingénieurs 1825-1900, Rennes, 1994, p. 227-235.

René Bourrigaud (1998)