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RATABON Martin de, baron de Saint-Laurent

Vicaire général du diocèse de Strasbourg, (C) (★ Paris 1654 † Paris 9.6.1728). Docteur en théologie à la Sorbonne, appartenant au milieu de la haute administration et du Conseil du roi, beau-frère de Verjus, ministre plénipotentiaire de France auprès de la Diète, négociateur de la trêve de Ratisbonne, il faisait partie d’une famille qui s’employa à servir le grand projet rhénan de Louis XIV. Envoyé en Alsace en 1681 par Louvois et le roi, qui n’acceptait pas que ses sujets fussent dirigés au spirituel par des étrangers, il reçut comme mission d’imposer en Alsace le modèle français, jugé seul capable d’assurer le renouveau catholique et de convertir les protestants de la région. Nommé vicaire général de l’évêché de Strasbourg le 13 octobre 1684, avec juridiction seulement sur la partie cisrhénane du diocèse, et official le 19 novembre 1684, il fit immédiatement placarder une affiche à Strasbourg, laquelle stipulait qu’en novembre et décembre il serait expliqué, en la cathédrale, tous les articles de la confession de foi des protestants « pour faire voir que leur réconciliation avec l’Église romaine est nécessaire à leur statut ». À la fin du carême 1685, il dirigea, avec Jean Dez ©, une mission solennelle, mise en œuvre par 250 prêtres séculiers et les Jésuites. Chaque jour fut prononcé à la cathédrale un sermon en français et en allemand devant une assistance considérable. Parallèlement eurent lieu de nombreuses séances de catéchisme. Il y eut des conversions. Le point culminant se situa le jour où deux pasteurs luthériens montèrent en chaire pour exposer les raisons de leur abjuration.
Toutefois la méthode employée, les « adoucissements de la doctrine », fut condamnée, en septembre 1685, par Rome et ordre fut donné au vicaire général d’en supprimer tous les exemplaires existants. Pareil sort menaça quelques mois plus tard son ordonnance portant suppression de plusieurs fêtes. Il fut obligé d’en référer au nonce et consentir à des modifications afin d’éviter une seconde condamnation en mars 1686. Contemporaine de la grande entreprise de conversion fut la visite pastorale qu’il entreprit de 1684 à 1688. Il paya constamment de sa personne, n’hésitant pas, comme à Sélestat en 1684, à prêcher et à confesser 15 jours durant. Il suivit de très près les missions des pères jésuites et parfois y participa. La réforme du clergé le préoccupa au premier chef, comme en témoignent sa réorganisation de l’officialité et l’organisation de deux grands synodes en 1685 et 1687. Il mit en place des méthodes de pastorale et des principes de discipline éprouvés par les meilleurs évêques de France. Son mandement du 30 janvier 1685 se préoccupa de réglementer la vie paroissiale. Alors qu’il avait commencé sa visite pastorale par le sud catholique, il aborda en 1686 et 1687 le centre et le nord de la partie alsacienne du diocèse, où la religion romaine venait d’être rétablie dans nombre de paroisses. Il prépara deux mémoires destinés l’un à l’intendant, l’autre au comte de Hanau, montrant son souci prioritaire de rechercher et d’établir des prêtres dans les nouvelles paroisses. Premier homme de l’évêque à parcourir, après plus d’un siècle et demi d’interruption, les régions protestantes du diocèse de Strasbourg, il s’employa à remédier au triste état des édifices restitués délabrés, faisant constamment appel à la générosité royale. Pressé de réintroduire l’exercice de la religion catholique, il fut l’instigateur de la politique systématique d’introduction du simultaneum, aspect alsacien de l’entreprise de conversion de Louis XIV. Après de bons et loyaux services en Alsace, cet abbé de cour, artisan efficace du rattachement du diocèse de Strasbourg à l’Église de France, fut nommé évêque d’Ypres, Belgique, le 12 octobre 1693, puis de Viviers, Ardèche, le 18 septembre 1713 et enfin se retira à Paris en 1725.

G. Livet, L’intendance d’Alsace sous Louis XIV (1648-1715), Paris, 1956, p. 441, 447, 459, 548; Catholicisme, V, 417, 420; L. Châtellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique dans le cadre de l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Strasbourg, 1981, (index); Kammerer, Répertoire du clergé d’Alsace sous l’Ancien Régime 1648-1792, p. 259, n° 4001; Catalogue de l’exposition, La révocation de l’édit de Nantes et l’Alsace, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, 1985; Cl. Muller, « Le Partage de Dieu », Saisons d’Alsace, n° 102, 1988.

Claude Muller (1997)