Professeur d’Université, Gymnasiarque, administrateur du Bas-Rhin (★ Strasbourg 7.8.1735 † Strasbourg 10.10.1806). Frère de Jean-Frédéric Oberlin ©. ∞ 21.6.1763 à Strasbourg, Saint-Thomas, Eberhardine Catherine Witter. Études au Gymnase et au collège de Montbéliard, inscrit à l’Université de Strasbourg. Reçu en 1758 docteur en philologie et philosophie (thèse: Deveterum ritu coridienti mortuos. Nommé en 1763 professeur au Gymnase (cours d’histoire littéraire, d’archéologie et de latin); conservateur adjoint de la Bibliothèque de l’Université (1764); occupa au Gymnase la chaire de logique et de métaphysique qu’avait tenue son père (1770); il voyagea en 1776 dans le Midi de la France (monuments antiques) et à Paris où il noua de nombreuses relations; en 1778 il fut nommé professeur extraordinaire de philosophie puis, en 1782, professeur de logique et de métaphysique à l’Université luthérienne. Le 8 novembre 1787, il fut choisi à l’unanimité par le convent académique pour le poste de directeur (gymnasiarque) du Gymnase. Dès lors il mena parallèlement sa vie de professeur et de chercheur, et sa vie d’administrateur aux prises avec les difficultés de l’ère révolutionnaire. Comme ses collègues de l’Université protestante, il accueillit d’abord favorablement les réformes constitutionnelles (l’ère Dietrich) et devint administrateur du district de Strasbourg, puis du département du Bas-Rhin, apportant dans le régime de l’école qui lui était confiée divers changements en rapport avec l’ordre nouveau (abandonner le Ritus depositionis, inculquer aux élèves «des connaissances utiles», en faire «des hommes de bien et des citoyens capables» pour l’adhésion à la Constitution). Dans la nuit du 2 au 3 novembre 1793, Oberlin fut arrêté en sa qualité d’ex-membre du directoire du district, conduit à Lunéville, puis à Metz, signalé avec ses collègues de la garde nationale comme des traîtres «ayant introduit 2000 hommes dans Strasbourg pour la livrer aux ennemis». Des cris féroces: «A la guillotine! Au rasoir national!» les accueillirent. Pendant les 10 mois qu’il resta à Metz, Oberlin traduisit en français les derniers programmes scolaires; et commença des recherches sur l’histoire et le langage du pays messin publiées dans le Magasin encyclopédique (3e année, t.4, p.223). Son retour fut autorisé à Strasbourg en août 1794. Le 26 novembre, Oberlin fut nommé, avec Koch ©, Hermann ©, Haffner ©…, commissaire pour présenter un plan de réorganisation de l’enseignement public à Strasbourg. Il ouvrit au Gymnase «un cours des antiquités, expliquées par les monuments» et un cours de bibliographie dans une des salles de la bibliothèque pour un public sans cesse croissant; il paya ses collègues, dégagea les ressources des biens de Saint-Thomas, célébra dès le 10 avril la fête scolaire, distribua des prix aux élèves (le Dictionnaire mythologique de Chompré, l’Arcadie de Bernardin de Saint-Pierre…); en juillet 1796 (thermidor an V), il fut nommé bibliothécaire de l’École centrale qui recevait toutes les collections publiques et privées déclarées propriété nationale. Il fut nommé associé correspondant de l’Institut national de France; il défendit l’existence du Gymnase face aux projets de réorganisation au moment de la réaction jacobine (1798-1799). Les enfants de tous les cultes furent admis au Gymnase; il défendit près du premier consul la cause des littératures anciennes, se rendit à Paris pour étudier les trésors de l’art qui y sont rassemblés («Athènes est dans Paris»), maintint par les distributions de prix officielles la place de son établissement dans la cité. En 1803, il fut nommé professeur à l’Académie protestante qui remplaça l’ancienne Université et poursuivit son œuvre de savant dans trois directions: l’antiquisant, le philologue, l’homme public.
Antiquisant, en rapport avec le réveil provoqué «par le génie de Winckelmann et le renouveau de la science de l’antiquité cultivée avec plus de zèle et de goût». Il publia la description de la collection de monuments antiques Museum Schœpflini (auquel fut jointe en 1783 la collection Silbermann) et l’Orbis antiquus, sorte de géographie ancienne des antiquités; il traita des différents pays, citant les ruines, les inscriptions et les musées. Philologue, il pénétra dans «le sanctuaire des langues» dont la diversité avait préoccupé Leibniz, Condillac, Montesquieu. Il publia une description critique de quatre manuscrits hébreux de la bibliothèque qu’il compara avec le recueil de variantes du savant Kennikott. Il donna des éditions critiques des auteurs classiques, Ovide, Horace, Tacite, César, des auteurs du Moyen Âge, lança en 1773 De linguæ latinæ medii ævi mira barbarie, il y compara les ouvrages du XIIIe et du XIVe siècle et publia un Essai sur le patois lorrain des environs du Ban de la Roche (1775); il y joignit des Observations sur la langue des troubadours, et, sur l’idiome en usage dans la plus grande partie de la Souabe, de la Suisse, de l’Alsace; il publia le Scherzii Glossarium medii ævi avec un glossaire de Scherz, complément des travaux de Schilter, Wachter, Ihne, Adelung et autres, à rapprocher de l’ouvrage de Hebel, professeur à Karlsruhe qui illustrait le réveil des parlers populaires chers au Sturm und Drang (Allemanische Gedichte für freundlandlicher Natur und Sitten). S’y ajoutèrent, à l’Université, les sciences du blason et de la diplomatique «artis diplomaticæ primæ linæ», dans une exposition claire et méthodique. Homme public, il s’intéressa à la vie économique avec le Traité sur la navigation intérieure né de son admiration pour le canal du Midi qu’il avait vu en 1776 et le témoignage de La Lande sur les canaux de navigation, en réponse à la question de l’Académie des Inscriptions en 1771: «Quels ont été, depuis les temps les plus anciens et jusqu’au IVe siècle de notre ère, les tentatives des différents peuples pour ouvrir des canaux de communication, soit entre diverses rivières, soit entre deux mers, soit entre des rivières et des mers, et quel en a été le succès?». Après un essai d’Annales de la vie de Jean Gutenberg, il publia les Almanachs d’Alsace nourri de statistiques, idée reprise par Bottin et Fargès-Méricourt. Des articles de lui furent insérés dans le Magasin encyclopédique. Il fut conservateur de la bibliothèque de Strasbourg avec Koch, chargé de celle de Schoepflin © au Temple-Neuf, forte de 14250 volumes, donnée à l’Université, mais que celle-ci n’avait pu accepter faute de moyens, et de la Bibliothèque rassemblée à l’École centrale. Il connut Dupaty, d’Anville, Sainte-Croix, d’Anse de Villoison et Silvestre de Sacy, l’orientaliste, collègue de Daniel Kieffer © qui traduisit la Bible en turc. Il fit partie de l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, de la Société des antiquaires de Londres, des Sociétés savantes de Rouen, Palerme, Cortone, Nancy, Hesse-Cassel. En matière de réforme de l’éducation, régent du Gymnase pendant 23 ans, il s’intéressa aux projets de Talleyrand, Condorcet, Condillac; il fut en correspondance avec Rabaud-Saint-Étienne, Sieyès et l’abbé Grégoire lié d’amitié avec son frère Frédéric.
Œuvres principales (Liste dans Haag et Michaud):
Dissertatio philologica de veterum ritu condienti mortuos, Strasbourg, 1757, (thèse soutenue pour sa réception de docteur de philosophie, sous la présidence de Scherer, professeur d’hébreu et de grec) «sur les usages des Anciens dans l’inhumation des morts»); Miscellanea litteraria, maximam partem Argentorentensia, Strasbourg, 1770, (contient l’explication de plusieurs monuments, de variantes des manuscrits hébreux de la Bible possédés par Strasbourg, collationnés par Oberlin pour Kennicot, une Rythmologie des vers léonins tirée de Geoffroy de Haguenau, et un traité sur la valeur de la monnaie chez les Romains); Jungendorum marium fluviorumque omnis ævimolimina, Strasbourg, 1770-1775, 4 parties, (histoire complète des travaux entrepris depuis les temps les plus reculés pour faciliter la navigation intérieure utilisé par Lalande pour son ouvrage sur les canaux); Museum Schoepflini, Strasbourg, 1770-1773; 1775 (le 1er vol. seul paru qui contient la description des pierres, des marbres et des vases; le second qui devait contenir les figurines, les pierres gravées et les médailles n’a pas paru, «faute d’encouragement de la part du public» (Haag) et de la médiocrité de la fortune d’Oberlin; Orbis antiqui monumentis suis illustrati prodromus, Strasbourg, 1772, (introduction à son manuel de géographie antique, Strasbourg, en 1776, 1790); Rituum Romanorumtabulæ in usum auditorum, Strasbourg, 1774 (nouvelle édition augmentée, 1784, programme pour son cours d’archéologie avec répertoire bibliographique); Diss. de linguea latinæ medii ævi mira barbarie, Strasbourg, 1775; Essai sur le patois lorrain des environs du comté du Ban-de-La-Roche, Strasbourg, 1775 (résultat d’une visite qu’il a faite à son frère, suivi en 1794 d’Observations concernant le patois et les mœurs des gens de la campagne); Almanac de Strasbourg, Strasbourg, 1780-1781, remplacé par l’Almanac d’Alsace, Strasbourg, 1782-1789, auquel succéda en 1792 l’Almanac du département du Bas-Rhin dont Oberlin ne rédigea que le premier volume; Scherzii Glossarium germanicum medii ævi, Strasbourg, 1781-1784, 2vol., (Oberlin publia en le complétant, l’ouvrage auquel Scherz n’avait pas eu le temps de mettre la dernière main); Dissertations sur les Minnesingers ou troubadours de l’Alsace; sur le Recueil de fables d’un minnesinger nommé Bonner; —sur Conrad de Wurzburg—, sur l’histoire littéraire de l’Alsace sous les Celtes, les Romains et les Francs (1782), sous les Germains pendant les 9eet 10e siècles (1786), – sur la vie et les écrits de Jean Tauler (1786), Jean Geiler (1786), Jacques Twinger de Kœnigshoven (1789), – de poëtis Alsatiae eroticis medii ævi (1786) suivies d’Essais d’annales de la vie de Guttemberg, Strasbourg, 1801 (Strasbourg véritable berceau de l’imprimerie). Mentionnons également des ouvrages de circonstance et de l’époque révolutionnaire: Mémoire sur la motion de M. Mathieu concernant les Protestants d’Alsace pour servir de suite au discours de M. Koch sur ladite motion, Strasbourg, 1790; Liberté, Egalité, Strasbourg, 1796; Discours prononcé à l’ouverture de l’académie des Protestants de la Conf. d’Augsbourg le 15 brumaire an XII, Strasbourg, 1804, (histoire succincte du Gymnase «avec des notes curieuses et pleines d’érudition» (Michaud); de bonnes éditions de textes: de V. Sequester, De fluminibus (1778) géographe latin; d’Idman (avec notes et préface), Recherches sur l’ancien peuple finnois (1778); de quelques ouvrages d’Ovide (avec une table); d’Horace, Strasbourg, 1788 (chef d’œuvre de typographie); de Tacite, Leipzig, 1801, 2 vol.; des Commentaires de César, idem, 1805.
Archives municipales de Strasbourg, Arch. Saint-Thomas et arch. du Gymnase (Acta et Protoc.præcept.); Archives municipales de Strasbourg, M 123; Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, Als. Ms 3650, Ms allemands 1.192-204, 214-218 et Ms latins; J. Friese, Histoire patriotique de Strasbourg, 1792-1801; Laumond, Statistique du Bas-Rhin, Paris, an X; J. Schweighaeuser, Mem. Jer.-Jac.Oberlin…, Strasbourg, 1806; D. E. Stoeber, «Discours funèbre sur J.-J. Oberlin», séance publique de la Société libre des sciences, agriculture et arts du départements du Bas-Rhin, 17 mars 1807 (Archives municipales de Strasbourg, Fonds Saint-Thomas, Ms 464); Th. F. Winckler, Magasin encyclopédique, 2, 1807, p.72-140 (portrait); Fargès-Méricourt, Annuaire du Bas-Rhin, 1807; Michaud dir., Biographie Universelle…, 31, s.d. [1843-1865], p.130-132; E. E. Haag, La France protestante, VIII, 1858, p.29-32; Revue d’Alsace, 1867, p.84-90 (P.-L. Courier), et p.193-207 (La Tour d’Auvergne); idem, 1868, p.328-333 (Koch) et p.334-336 (P. Ruhl, député du Bas-Rhin); idem, 1878, p.461 (lettre inédite); C. Weiss, Biographie ancienne et moderne…, t.31, p.130; Chr. Pfister, Lettres de Saint Grégoire, Nancy, s.d.; R. Reuss, Histoire du Gymnase protestant de Strasbourg pendant la Révolution 1789-1804, Strasbourg, 1891 (d’après les Acta Gymnasii); Knod, Die alten Matrikeln der Universität Strassburg, 1621 bis 1793, 1897-1902; Revue d’Alsace, 1902, p.105-114 (lettres inédites); Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t.2, 1910, p.381; F. Wendel, «J.-J. Oberlin, latiniste et archéologue», L’Alsace française 21 1931; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p.399; Les lettres en Alsace (art. Dubled), S. 1962, p.212 et 221 et 70-72 (art. E.Wickersheimer); Encyclopédie de l’Alsace, IX, 1984; G. Livet, P. Schang, Histoire du Gymnase Jean Sturm. Berceau de l’Université de Strasbourg, 1538-1988, Strasbourg, 1988 (portrait); Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, p.552; G. Livet, «La place et le rôle de l’Université de Strasbourg dans l’Europe académique du XVIIIe siècle», Colloque de l’Association interuniversitaire de l’Est, Nancy, décembre 1993, s.p.
Monument funéraire par Ohmacht à l’église Saint-Thomas de Strasbourg.
† Georges Livet (1996)