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MASEVAUX Georges (Georius) de

Abbé de Lure et de Murbach († 10.3.1542, inhumé à Rougemont, Doubs). Fils de Jean-Ulrich et de Claire Anne de Ferrette. Frère de Diebold et Simon. Abbé de Lure depuis 1511. Georges (parfois nommé à tort Gregorius et considéré comme frère de Melchior ©) fut élu à la tête de Murbach le 4 décembre 1513, inaugurant l’union personnelle des deux abbayes qui devait perdurer jusqu’à la Révolution. Sa nomination semble avoir été suscitée par l’Autriche qui voulait contrôler les passages stratégiques de la porte de Bourgogne et du col de Bussang ainsi que les mines d’argent des Vosges du sud. Son abbatiat fut marqué par un souci de rétablir la discipline à l’abbaye (1528: expulsion des femmes installées dans les maisons des moines) et de juguler les progrès de la Réforme dans ses principautés (exécutions à Guebwiller vers 1524, fermeté lors de la Guerre des paysans). En 1515, on envisagea de le nommer abbé de Marmoutier pour relever cette abbaye en pleine décadence. Son administration temporelle se traduisit par d’importants travaux: réfection du château du Hugstein entre 1514 et 1516, travaux à l’abbaye de Lure (v. 1530), construction d’une nouvelle halle aux blés à Guebwiller (1528) et d’un moulin en amont de cette ville (1530), nouvelle halle à Buhl (centre d’un important marché, 1532), aménagement (sans doute inachevé) d’une route reliant la vallée de Guebwiller à la Lorraine, création d’une foire à Lure (1521), etc. Le renforcement de l’autorité princière donna lieu à divers incidents: «conjuration» des villageois d’Oderen (1516) voulant restaurer les anciens jura et libertates, mauvaises relations avec les bourgeois de Guebwiller (1522, confiscation de leur bannière, dissolution, puis rétablissement des corporations et punition des meneurs de l’insurrection de 1525 (jusqu’en 1533), destitution du bourgmestre Adam Riete (1534). L’attitude de Georges lors de l’insurrection paysanne lui valut un rôle de premier plan au moment de la trêve conclue avec la bande du Sundgau en juin 1525, puis lors des négociations de Bâle (où ses sujets avaient porté leurs doléances): il recouvra ses territoires alsaciens dès la mi-juillet, sans effusion de sang, et réussit à les empêcher de prendre part à la seconde insurrection de septembre 1525. Assiégée par les rustauds, sa ville de Wattwiller parvint à résister, illustrant la formule, inspirée des armoiries de l’abbaye, suivant laquelle « Murbach a un chien noir qui en a bien mordus ». Prince d’Empire – c’est sous son abbatiat que le terme devient courant — Georges fut l’artisan d’une intégration de ses territoires (Murbach fournissant des contingents pour la défense de Lure, participant à des corvées de charroi entre les deux régions) et d’une coopération plus active avec la Maison d’Autriche. Le rachat de la ruine du Wildenstein à Jean de Bollwiller (1536) et un contrôle accru sur le château d’Hésingue menacé par les ambitions des Bâlois s’insèrent dans cette politique, de même que l’obligation, pour les membres des deux abbayes, d’être originaires de l’Empire. La conclusion d’un traité entre Murbach et le roi Ferdinand Ier (1536) rencontré par l’abbé à Innsbruck, puis d’un accord entre Lure et l’Autriche (1539) aboutirent à un véritable protectorat et à une contribution des deux territoires aux états provinciaux de l’Autriche antérieure. L’évolution conduisant à cet état de fait était en cours depuis une vingtaine d’années (introduction de l’impôt du Masspfennig, dès 1523, participation aux plans de défense du pays (Landsrettungen) depuis 1515, accueil du connétable de Bourbon à Lure en novembre 1523). Prince de la Renaissance, ayant notamment fait réaliser un vitrail dans l’atelier de Holbein, Georges fit de Guebwiller le centre d’une Société noble (1533) et chercha à réactiver les liens féodaux. Depuis 1527, il était membre de la Confrérie noble de Franche-Comté, dans l’église de laquelle il fut inhumé.

S. Dietler, Chronique des Dominicains de Guebwiller, trad. fr., Guebwiller, 1994 ; abbé Besson, Mémoire sur l’abbaye de Lure, Besançon, 1846 ; A. Gatrio, Abtei Murbach in Elsass, Strasbourg, 1895, t. 2; R. Will, « Deux abbés de Murbach protecteurs des arts au XVIe siècle », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, 1961 ; P. Jeannin, « Note sur l’abbaye de Lure au XVIe siècle », Bull, philologique et historique (Jusqu’en 1610), 1967, p. 483-525 ; J. Girardot, L’abbaye et la ville de Lure, Vesoul, 1971 ; G. Bischoff, Recherches sur la puissance temporelle de l’abbaye de Murbach, Strasbourg, 1975 ; idem, « L’insurrection paysanne de 1525 et la principauté de Murbach », Annuaire de la Société d’histoire des régions de Thann-Guebwiller, 1970-72, p. 31-60 ; idem, Gouvernés et gouvernants en Alsace à l’époque autrichienne, Strasbourg, 1982.

Georges Bischoff (1995)