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MARCHAL

Famille (Pl) du Ban de la Roche qui a tenu une place importante dans l’industrie cotonnière de l’Est de la France entre le milieu du XIXe siècle et celui du XXe. Originairement nommés Bernard, ses premiers membres connus étaient maréchaux-ferrants à Waldersbach, mais au XVIIe siècle le nom local de leur profession prévalut sur leur patronyme. Ceux qui nous intéressent ici descendent tous de Jean Louis Marchal (1778-1839), cordonnier et sabotier à La Haute-Goutte, écart de Neuviller-la-Roche, et de sa seconde épouse Catherine Kommer (1789-1856). Si l’aîné des fils, Jean David (1811-1873), continua le métier de son père, en y ajoutant celui de cabaretier, il n’en est pas moins qualifié en 1840 de tisserand, et en 1864 de chef d’atelier (textile certainement). Le second, Louis (1813-1878) était, à partir de 1848, fabricant d’ouate à la Haute-Goutte, et fut assisté par son fils Louis Émile (1843-1875). Mais en raison du décès prématuré de ce dernier, la fabrique fut rachetée en 1883 par les établissements Claude Frères de Wildersbach, pour y installer un tissage de coton. Deux fils puînés, Charles © 1 et Gédéon © 2, et une fille Marie (1819-1855), ? 1845 Frédéric Auguste Thormann, menuisier-ébéniste à Rothau, dont la descendance se consacra aussi pour la plus large part à l’industrie cotonnière.

1. Charles,

directeur de filature à Rothau (★ Neuviller 30.3.1816 † Rothau 10.6.1876). Fils de Jean Louis Marchal ∞ I Sophie Élisabeth Jacquel (1820-1844) ; 3 enfants. Le second, Louis Frédéric Ernest, dit le Grand Ernest ou le Grand protestant, (★ Rothau 3.2.1843 † Rothau 24.6.1922), ∞ Émilie Eugénie Lantz, installa à Rothau une filature de coton et reprit à Vacquenoux, écart de La Broque, un tissage Jacquel dans sa société Ernest Marchal et Cie. Son fils Charles (★ Rothau 29.7.1876 † Rothau 10.12.1951), ∞ Henriette Knoertzer ; sans postérité, continua l’entreprise, reprise en 1934 par la Société Gédéon Marchal Fils. Sa fille Émilie (1879- 1958) épousa en 1909 Paul Jacquel ©, industriel à la Haute-Goutte. ∞ II 1846 Marie Antoinette Adèle Wolff, fille de Nicolas Wolff © ; 9 enfants. Parmi ceux-ci, Alfred (1850-1910), ∞ Lucie Helbig, fille de Charles Henri Helbig ©, imprimeur à Sélestat, fut d’abord directeur de filature à Turckheim, puis installa à Lunéville sa propre filature de coton (Filatures de l’Est).

2. Gédéon,

filateur à La Claquette, écart de La Broque (★ Neuviller 18.2.1823 † La Broque 17.7.1915). Frère de 1. ∞ 20.11.1850 à Rothau Frédérique Widemann (1830-1898) ; 12 enfants, dont Fanny Lacour © 2. D’abord contremaître de filature chez Steinheil-Dieterlen et Cie à Rothau, il créa vers 1850 sa propre filature à La Claquette sur l’autre rive de la Bruche. Il la transmit avant la fin du siècle à la société Filatures et Tissages Gédéon Marchal Fils, dirigée par ses fils Paul (1851-1912) et Ernest © 3. Il acheva sa vie immobilisé par la goutte sous l’aspect du patriarche respecté d’une famille nombreuse vouée presque en totalité à une même profession. Le second fils, Jules (1857-1931), fonda à Saint-Dié, Vosges, une filature de coton, complétée ensuite par des tissages (établissements Jules Marchal et Cie). Le quatrième, Camille (1862-1933) est le seul qui n’eut pas de fonctions directes dans l’industrie cotonnière ; après une expérience sans doute peu fructueuse d’élevage d’autruches en Algérie, il vint à Épinal s’occuper de courtage de coton brut, profession où son fils Fernand (★ Alger 1886 † 1968) lui succéda, participant également à la gestion de certains établissements familiaux, tels que les Filatures et Tissages de Villé et la Bonnal. Le dernier fils, Alfred (★ La Broque 1869 † Dijon 1954), ∞ 15.7.1897 à Strasbourg Émilie Frick († 1911), suivit la même voie en s’installant en 1895 à Trouhans, Côte-d’Or, où il créa la Cotonnière de la Côte d’Or.

F. Poull, L’industrie textile vosgienne (1865-1981), 1982, p. 335-346 (Ets. Jules Marchai, à Saint-Dié) et p. 371 (Gédéon Marchal, à La Broque).

3. Ernest,

industriel (★ La Broque 12.1.1865 † Trouhans, Côte-d’Or, 12.10.1943). Fils de 2. ∞ 31.10.1892 à Barr Emma Diehl, fille de Henri Diehl., tanneur à Barr et de Caroline Specht ; 2 filles, Annie (∞ Alfred Lutz) et Renée (∞ Frédéric Bricka). Dès son adolescence, soucieux d’échapper à la germanisation issue du traité de Francfort, il se fit émanciper et alla faire ses études au collège protestant de Glay (Doubs). Il y a lieu de signaler que, citoyen allemand de 1871 à 1918, il réussit à n’en jamais apprendre la langue, ne parlant que français et italien, langue qu’il apprit grâce à un long séjour en Lombardie, où il eut l’occasion de diriger une filature de coton. De ce fait, certains l’appelèrent familièrement, pour le distinguer de son cousin homonyme : le petit noir tayaya (italien). Après son mariage, il revint au pays et, à égalité d’intérêts avec son frère Paul, prit la direction de l’affaire familiale devenue Filatures et Tissages Gédéon Marchal Fils (GMF). Ils y adjoignirent un tissage, puis, en 1900, l’usine créée à Saales à la demande et avec le concours de la municipalité. Après le décès de Paul Marchal en 1912, celui-ci fut remplacé par son fils Pierre © 5. Ils étaient entre temps entrés dans la société des Filatures et Tissages de Villé, à l’important développement de laquelle ils participèrent largement (usines à Steige, Maisonsgoutte, Breitenbach, Fouchy, etc…). De son côté, GMF multiplia ses usines Lorquin, Moselle, Grandfontaine, les Minières, Bourg-Bruche, Rothau, Vacquenoux) par création ou par rachat selon le cas. E. Marchal joua un rôle essentiel dans la création de la bonneterie de Dambach-la-Ville, La Bonnal, en participant largement au financement de cette entreprise. En effet les Lipovsky, industriels à Lodz avant la guerre de 1914-1918 avaient dû émigrer et disposaient dans le port de Liverpool du matériel neuf et resté en caisses, destiné à la rénovation de leur usine perdue, mais c’est à cela que se bornaient leurs ressources. Marchal prit aussi une participation majoritaire dans le Grand Hôtel du Hohwald, mais surtout dans la société Steinheil-Dieterlen à Rothau, dont la plus grande partie des propriétaires avait émigré après l’annexion de 1871 en créant les Blanchisseries et Teintureries de Thaon, dans les Vosges. Cette entreprise de finition complétait utilement les filatures et tissages du groupe. La guerre de 1914-1918 avait pratiquement interrompu les activités de celui-ci. Dès les premières semaines, Marchal, qui ne cachait pas ses sentiments français, fut arrêté et emprisonné à Strasbourg. Plus tard il fut envoyé en résidence forcée en Allemagne, où sa femme put l’accompagner et lui servir d’interprète jusqu’à l’armistice. Lors de la guerre suivante, il fut expulsé par les Allemands à la fin de 1940, et passa la fin de sa vie en divers lieux de zone libre, à Hyères en particulier, à Bergerac, à Trouhans enfin, où il mourut chez son frère. Pendant sa vie, il eut toujours le souci du bien-être de son personnel, il créa des coopératives d’approvisionnement, une maison de retraite à Fouchy, des maisons ouvrières tant pour le personnel autochtone que pour celui qu’il fit venir d’Italie ; il soutenait les écoles locales. D’autre part, il avait réuni une collection de peintures assez importante, surtout de l’école de Barbizon. Il avait pour la présenter prolongé sa maison d’une galerie agrémentée d’un orgue et d’un piano, où quelques concerts de qualité furent offerts à ses amis, avec l’excellent baryton Charles Panzéra en particulier. Maire de La Broque de 1918 à 1925. Croix de guerre 1914-1918.

M. Hau, L’Industrialisation de l’Alsace (1803-1939), Strasbourg, 1987, p. 362.

4. Gustave,

directeur de filature (★ Rothau 30.5.1859 † Châtenois juillet 1924). Frère de 3. ∞ 1896 à Niederbronn Louise Julie Schaller. Gustave avait, de 1900 à 1914, dirigé à Saales l’usine de ses frères Paul et Ernest © 3. Sa maison ayant été dévastée par la guerre, il se retira après celle-ci à Saint-Dié, d’où il dirigea un petit tissage (anciennement établissements Blatt) qu’il avait acquis au début de 1923 à Châtenois.

5. Pierre,

industriel (★ 19.10.1888 † Lyon 18.9.1951). Fils de Paul (1851-1912) et petit-fils de 2. ∞ 22.7.1922 Alice Wenning, de Malmerspach ; 3 filles. Études à Rothau, puis à Bouxwiller, à Bâle et enfin au Polytechnicum de Zurich. Il prépara une carrière industrielle par des stages en Italie et en Angleterre. Après la guerre de 1914-1918, il partagea avec son oncle Ernest © 3, la direction des Filatures et Tissages G. Marchal Fils. En 1939, il prit la direction de Steinheil-Dieterlen, activité suspendue en 1940 du fait de son expulsion par l’occupant, qui l’amena à passer la guerre à Lyon avec sa famille, tout en s’occupant activement d’aider les autres expulsés ou évadés. C’est à l’occasion d’un voyage à Lyon, bien après son retour au pays, qu’il y décéda subitement. Philatéliste.

Collection Pierre Marchal, Hôtel Drouot, 2 fasc., in-8°, janv. Et févr. 1935 (timbres-poste des colonies françaises) ; Nécrologie Pierre Marchal 1888-1951, Strasbourg, 20 p. (portrait).

6. Charles Louis,

industriel (★ La Broque 28.2.1900 † Le Hohwald 23.1.1980). Fils de 4. ∞ à Strasbourg 14.10.1924 Marguerite Strohl ; 3 enfants. Pour exploiter le tissage hérité de son père, il créa la société établissements Gustave Marchal et racheta en 1927 l’usine toute proche des établissements Alexandre pour la transformer en filature de coton. Cette acquisition comprenait en outre un second petit tissage à Châtenois ; elle fut réalisée avec le concours de Jules Marchal de Saint-Dié, son oncle. La même année, un nouveau tissage fut construit à Sundhouse. D’autres achats, à partir de 1951, développèrent encore l’entreprise, qui s’engagea dans la manutention des tissus écrus. Toutefois cette initiative et le rachat du tissage de Saales furent la source d’engagements financiers qui, au moment de la crise de 1968, amenèrent la société au dépôt de bilan et la fermeture des usines. Une politique sociale généreuse (construction dès 1947 d’une crèche gratuite pour les enfants du personnel, puis en 1954 d’une école ménagère, et engagement de frais importants pour le logement des ouvriers et employés) n’aura pas été sans alourdir sensiblement le passif. Maire de Châtenois de 1944 à 1971 et son historien.

Châtenois et son histoire, Strasbourg, 1978.

Robert Lutz (1995)