Poétesse, traductrice, (PI) (* Strasbourg 1695 † Montbéliard, Doubs, ? après 1750). Fille de Jean Henri Feltz ©, professeur de droit, et de Salomé Kraut. Épouse de Jérémie Eberhard. Tante de Jérémie Jacques Oberlin © (* 1735), philologue, et de Jean-Frédéric Oberlin © (* 1740), pasteur philanthrope du Ban-de-la-Roche. C’est son père, homme très cultivé, qui s’occupa de son instruction et de son éducation. Très douée pour les lettres, elle commença par écrire, en allemand, des odes d’une si belle facture que l’un des critiques littéraires d’Outre-Rhin les plus connus à l’époque, Georg Litzel («Megalissus»), la cita fort élogieusement dans un chapitre consacré aux poétesses de l’espace germanique du XVIIIe siècle; d’après lui, c’était la meilleure. La plupart de ses poésies allemandes n’ont malheureusement pas été éditées. Comme elle maîtrisait la langue française aussi bien que l’allemande, elle traduisit Polyeucte, de Corneille, en alexandrins allemands: Polyeuctes, ein Màrtyrer. Christliches Trauerspiel (Strasbourg, 1737). Elle transposa par ailleurs en allemand les Sonnets chrétiens (Christliche Sonette) de Charles Drelincourt (1595-1669), pasteur et théologien poète. Féministe avant la lettre, elle s’élève, dans son poème Themis in Blumenranken, contre l’audace de vouloir défendre aux femmes l’accès à la science et à certaines fonctions publiques. En s’appuyant sur la satire des Lettres persanes de Montesquieu (1721), elle fulmine contre «le Perse» qui conteste «aux créatures inférieures» le droit d’entrer au Paradis. «Pourquoi alors astreindre les femmes à se mêler de lire (la Bible) qui n’est faite que pour apprendre le chemin du Paradis?» s’exclame-t-elle. Elle passa la fin de sa vie comme veuve à Montbéliard, où elle aimait recevoir parents et amis. Elle invita d’ailleurs son neveu Jérémie Jacques Oberlin à y venir pour améliorer son français avant de commencer des études supérieures. Catherine Salomé L. est finalement une des figures les plus attachantes de l’histoire littéraire et culturelle de l’Alsace. Sa fille Catharine Salomé, épouse du professeur d’histoire strasbourgeois Witter, se consacra, elle aussi, à la poésie.
G. Litzel («Megalissus»), Der undeutscheCatholik, Iéna, 1731, p. 35; E. Stöber, Jeremias Jacob Oberlin, Sämmtliche Gedichte und kleineprosaische Schriften, III, Strasbourg, 1836, p. 271 (note); A.W. Strobel, Catharina Salomea Linck, Vaterländische Geschichte des Elsasses, 2e éd., V, Strasbourg, 1851, p. 206-207; K. Goedeke, Grundriss zur Geschichte der deutschen Dichtung, 2e éd., III, Dresde, 1884 et s., p. 357, 365; E. Martin, Eine Strassburger Dichterin aus dem Anfang des XVIII. Jahrhunderts, Jb. des Vogesenclubs, 1888, p. 57-62; Sitzmann, I, 479 (Jean Henri Feltz), II, 178-179 (Jérémie Eberhard Linck).
Raymond Matzen (1995)