Professeur de droit (* Strasbourg 4.3.1685 † Strasbourg 7.1.1743). Fils de Jeremias L., (* Halle 1655 † Strasbourg 13.12.1720), chapelier («Hutstaffirer»), reçu bourgeois 14.6.1684. ∞ 23.4.1711 à Strasbourg Catherine Salomé Feltz (* 4.4.1695 † 5.10.1766), fille du professeur à la faculté de droit J.H. F. © et de Maria Magdalena Becht, fille de Jacob Eberhard B., docteur en droit, bailli de Wasselonne-Marlenheim. L. est parfaitement représentatif pour les trois particularités de l’Université de Strasbourg au XVIIIe siècle: une préoccupation «caméraliste» pour adapter les études aux besoins de la pratique, l’ambition de soumettre le droit aux exigences d’une morale fondée sur l’épanouissement de tout être humain, par le moyen du «droit naturel» philosophique, qui fit de Strasbourg la capitale d’une science très élaborée des droits de l’homme, et enfin l’«endogamie» de son corps professoral, tous parents ou alliés entre eux. Par son mariage, L. était entré de plain-pied dans le système familial des enseignants universitaires qui le reliait aux Obrecht ©, aux Feltz ©, aux Boeder ©. Ses deux gendres, Jean Jacques Witter et Jean Daniel Osterried devinrent professeur à leur tour, il fut l’oncle du philologue-archéologue Jérémie Jacques Oberlin © et le grand-père du pasteur Jean-Frédéric Oberlin©. Après le cursus traditionnel (études au Gymnase, passage – obligatoire – en faculté de philosophie dès l’âge de 14 ans puis, enfin, faculté de droit), L. fit un séjour en France pour se familiariser avec la langue, suivi par un long voyage dans les principales universités germaniques. Revenu à Strasbourg, il y présenta le 12.11.1707, devant J.H. Feltz, un important «exercitium academicum» sur La noblesse immédiate du Saint Empire -116 p. imprimées, encore utiles aux historiens d’Alsace- qu’il avait dédié au prêteur royal J.B. Klinglin ©, et, le 12.3.1708, il soutint une dissertation sur le statut juridique des Princes en Allemagne et en France. Lauréat de poésie avec une dissertation sur l’Age d’Or, il fut nommé professeur de poésie le 31.3.1711, avant d’acquérir le grade de docteur en droit le 25.4.1711. Apprécié par les hautes sphères de l’administration royale française -ce n’était guère la règle pour ces luthériens- il fit partie, parallèlement à son activité universitaire stras- bourgeoise, de l’équipe des conseillers aux Affaires Étrangères de Versailles où on avait fait traduire en français son cours sur le droit public allemand. Lorsqu’un conflit l’opposa au prêteur royal François Joseph Klinglin qui, en 1740, voulait lui refuser le voyage à Paris, ce dernier s’attira une sévère admonestation du chancelier d’Aguesseau. Ainsi, L. dut son accession rapide au canonicat de St-Thomas, dès 1719/1720, à l’intervention énergique de la cour du jeune Louis XV, qui enjoignit au Chapitre de nommer L. au premier poste vacant, en vertu du droit régalien dit de «premières prières» ou de «joyeux avènement», un privilège dont avait bénéficié, avant 1681, l’empereur au moment de son élection; le gouvernement français sut ainsi utiliser, en faveur de L., un argument de «droit local» opportunément maintenu. Pour autant L. ne put avoir été partisan de la monarchie absolue. Car ce professeur de morale s’était distingué, en 1719, par un collegium (séminaire) de 12 disputationes de «droit naturel» sur Les devoirs de l’homme et du citoyen de Samuel Pufendorf -une exclusivité strasbourgeoise qui se perpétua jusqu’en 1870- et, en 1720, il avait fait porter sa leçon inaugurale sur La vérité du droit des gens, autre sujet politiquement délicat dans un environnement peu favorable à un droit supranational. L. avait enseigné d’abord le droit civil puis, à partir de 1732, le droit public et le droit romain des pandectes adapté aux nécessités du siècle. Plusieurs fois recteur de l’Université (1714, 1721,1727, 1739), il fut aussi doyen du Chapitre St-Thomas à partir de 1738. Dans ses fonctions de professeur, L. a «dirigé» près de 250 thèses et dissertations, ce qui signifiait, selon les usages du temps, que le professeur rédigeait lui-même ou «réécrivait» le travail, dont il était considéré comme responsable. Ces dissertations imprimées sont certes d’importance inégale, mais comme elles portent sur de multiples sujets de la pratique quotidienne locale et qu’elles sont présentées de manière très scientifique, avec notamment de savantes notes et la référence aux sources pour chaque affirmation, elles constituent une mine de documentation essentielle pour qui veut comprendre le fonctionnement des institutions politiques, administratives et économiques alsaciennes au XVIIIe siècle. L’épouse de L., Catherine Salomé, s’est distinguée par des traductions en allemand d’œuvres poétiques françaises, notamment le Polyeucte de Corneille.
Toutes les dissertations ont été répertoriées, analysées et indexées dans mon répertoire des thèses de Strasbourg 1500-1870 (inédit): De statu nobilitatis immediatae, 1707; De jure principium, vulgo Fürstenrecht, Strasbourg, 1708 (= sa thèse de doctorat), réédition Wittenberg 1740; l’ensemble du droit public germanique présenté en 120 tableaux synoptiques Stamina juris publici Romano-Germanici, Strasbourg, 1730 (ouvrage dédié au chancelier Henri François d’Aguesseau); de même un ouvrage sur les pandectes résumés en 50 tableaux, Strasbourg 1736; 16 dissertations sur la dîme féodale, De decimis feudalibus, 1734, et une série d’autres sur des questions de droit contemporain De juribus, quibus hodierne utimur, en collaboration avec divers auteurs, dont, bizarrement, une nette majorité d’étudiants originaires de Metz. Parmi les dissertations sur des sujets «caméralistes» divers, citons ceux sur la banqueroute, 1741; sur les meuniers, sur le droit de bourgeoisie, 1729, le droit notarial, 1731, le droit des juifs de déférer des chrétiens au serment, 1732, un curieux De arboribus Sycaminonibus, 1729; sans compter des exercices plus «personnalisés»; une dissertation sur le jugement de Salomon, présentée par un étudiant du nom de Salomon (de Colmar), ou De lana capris (la laine de la chèvre = discuter sur des choses futiles) par l’étudiant Wollbrett de Saverne.
AMS, Fonds St-Thomas, Cartons 344, 445; Sitzmann II, p. 178-179 (inexactitudes, notamment sur l’année de décès); G. Livet, L’Intendance d’Alsace sous Louis XIV, Strasbourg, 1956, p. 23, note; J. Voss, Universität, Geschichtswissenschaft und Diplomatie im Zeitalter der Aufklärung, München, 1971, p. 309 (références sur le conflit avec Klinglin).
Marcel Thomann (1195)