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LEBER Hieronymus Julius

Homme politique, résistant, (C) (★ Biesheim 16.11.1891 † Berlin 5.1.1945).

Fils naturel de Catherine Schubetzer, servante, qui ∞ 29.11.1895 Jean-Baptiste L., journalier et maçon qui légitima Julius lors du mariage. 21.11.1927 à Lübeck, Schleswig-Holstein, Annedore Rosenthal (★ Berlin 18.3.1904 † Berlin 28.10.1968), fille du directeur du Gymnasium Katharineum de Lubeck; 2 enfants. Selon une version contestée, L. serait le fils d’une « importante personnalité française » prénommée Jules. Après avoir fréquenté l’école communale de son village natal (1898-1902), il put s’inscrire, grâce à la protection du curé de Biesheim, à la Realschule de Vieux-Brisach (1902-1908), puis commença un apprentissage d’employé dans une fabrique de la même ville (1908-1910). En 1910, il reprit des études secondaires à l’Oberrealschule de Fribourg-en-Brisgau. De 1912 à 1914, il entama des études d’économie politique et d’histoire aux universités de Strasbourg et de Fribourg-en-Brisgau. Il adhéra au Parti social-démocrate (SPD) allemand en 1913. En 1914, il s’engagea volontairement dans l’Armée allemande, devint officier, fut gazé et décoré de la croix de fer de première classe. Après novembre 1918, il resta dans la Reichswehr comme lieutenant et fut engagé dans les combats frontaliers contre les Polonais. Lors du putsch de Kapp, en mars 1920, l’unité qu’il commandait en Poméranie resta fidèle au Gouvernement légal à direction social-démocrate. Cette attitude lui valut l’hostilité de ses supérieurs, et il fut accusé de préparer un «putsch de gauche». Il démissionna, reprit des études de sciences politiques à Fribourg-en-Brisgau, où il soutint une thèse. En mars 1921, il devint rédacteur en chef du quotidien SPD Lübecker Volksbote. La même année, il fut élu au parlement (Bürgerschaft) de cette ville-Etat, qu’il représenta aussi à Berlin comme député au Reichstag de 1924 à 1933. Il s’employa à réconcilier l’Armée avec la République, en poussant la social-démocratie à abandonner ses positions antimilitaristes et les dirigeants de la Reichswehr à s’éloigner des forces réactionnaires. Très anticommuniste, il combattit aussi l’orientation prosoviétique du haut commandement et fut un adepte convaincu de la politique de Locarno, donc du rapprochement avec la France. Il revenait chaque année à Biesheim où certains l’accusèrent pourtant de propos anti-français, notamment en septembre 1927. Il protégea les débuts journalistiques et politiques du jeune Herbert Frahm, le futur chancelier Willy Brandt. Il avait sous-estimé le danger hitlérien, mais après le succès électoral nazi le 14.9.1930, il critiqua le manque de réaction du SPD ; en septembre 1932, il fut à l’origine de l’interdiction faite à Hitler de tenir un meeting dans la ville hanséatique. Le 31.1.1933, agressé par des SA, il fut blessé au nez et aux yeux, mais les républicains venus à la rescousse tuèrent l’un des nervis nazis. Il fut alors arrêté pour coups et blessures. Malgré les réticences des dirigeants syndicaux, les ouvriers de la ville firent grève une heure le 3.2.1933 pour obtenir son élargissement. Libéré sous caution, il assista à la grande manifestation antinazie du 19.2.1933, la tête bandée et n’y prononça qu’un mot : « Freiheit ! ». Il fut réélu député le 5.3.1933, mais le 23.3.1933 à Berlin, juste avant la première séance du nouveau Reichstag, il fut arrêté à nouveau et condamné en mai, à Lübeck, à 20 mois de prison. Ses tortionnaires voulurent le contraindre à avaler ses excréments. Pendant un an, il dormit à même le sol, sans couverture, dans une cellule non éclairée et non chauffée. A sa sortie de prison, il fut interné successivement dans les camps de concentration de Papenburg-Esterwegen et de Sachsenhausen, et ne fut libéré qu’en mai 1937. Il rejoignit sa femme installée à Berlin depuis 1935, ouvrit un petit commerce de charbon et entra en relation avec la résistance sociale-démocrate. Il participa aussi aux travaux clandestins du cercle chrétien-social de Kreisau et à ceux du groupe dirigé par le comte Claus von Stauffenberg, dont il fit la connaissance en 1943 et qui devint rapidement son ami. Il joua un rôle important dans la conspiration qui préparait l’attentat contre Hitler, et prit part le 22.6.1944 à une réunion avec les dirigeants du parti communiste clandestin. Il était prévu qu’il serait ministre de l’Intérieur dans le gouvernement que devait former Carl Goerdeler. Certains des conjurés souhaitaient même lui attribuer les fonctions de chancelier. Dénoncé par un agent double, il fut arrêté par la Gestapo dès le 5.7.1944 et incarcéré à la prison de Brandenburg, puis au camp de concentration de Ravensbrück. C’est pour essayer de le sauver que Stauffenberg déclencha prématurément le 20.7.1944 le mécanisme de la conspiration. Il fut affreusement torturé et fut condamné à mort le 20.10.1944 par le Volksgerichtshof, pendu le 5.1.1945 à la prison de Plötzensee. Il avait écrit deux jours auparavant à des amis : « Für eine so gute und gerechte Sache ist der Einsatz des eigenen Lebens der angemessene Preis » («Pour une cause si bonne et si juste, le sacrifice de sa propre vie est un juste prix»). Une plaque commémore sa mémoire sur sa maison natale.

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Gérard Flesch et Léon Strauss (1994)