Famille (C, puis PI) originaire des environs de Toulouse, pourvue de titres de petite noblesse, devenue célèbre après son implantation en Alsace septentrionale où elle créa et développa les mines de Pechelbronn, du milieu du XVIIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle. Elle contribua aussi au rayonnement mondial de la chimie.
1. LE BEL Antoine,
exploitant de la mine de Pechelbronn († Wissembourg 7.2.1788). Fils de Charles Le B., écuyer, procureur du roi à Saint-Sernin, Tarn, et de Marie Sabatier. ∞ 5.2.1765 Anne Catherine de Saint-Romand († Pechelbronn 1801), fille du seigneur de Thézier, Languedoc, et descendante du vice-amiral de Louis XIV, le marquis Abraham Duquesne (1610-1688); 2 enfants, dont Anne Antoinette Rosalie qui ? Jean André Léonard Geynet ©. Député des Etats des quatre vallées des Pyrénées, avocat au Parlement du Languedoc, il s’établit définitivement – sans doute en 1762 selon Paul de Chambrier – à Pechelbronn, après avoir déjà secondé dès 1761 Louis Pierre Ancillon de La Sablonière, d’origine suisse, dans la création de la mine de bitume. Le B. pratiqua une politique d’achat de terrains en prévision de l’élargissement de la concession et devint à la fois exploitant agricole et minier, utilisant en été sur ses propres terres la main-d’œuvre qui ne pouvait alors pas descendre dans les galeries par suite de l’excès de chaleur en cette saison. Il inaugura ainsi une méthode de travail poursuivie par quatre générations et permettant de mieux surmonter les crises de l’entreprise industrielle proprement dite. Il possédait ainsi une trentaine d’hectares de terres agricoles à la fin de sa vie. Il façonna aussi le paysage minier par l’ouverture d’une dizaine de puits (de 10 à 27 m de profondeur), de deux galeries à flanc de coteau, de 450 m de galeries, le tout situé à 500 m au nord-est et au sud de la source de Pechelbronn. Aux bâtiments industriels, il ajouta les constructions agricoles : écuries, greniers, pressoirs, caves. Il se fit enterrer dans l’église de Schoenenbourg, chef-lieu de la seigneurie du même nom qu’il avait acquise en 1775.
2. LE BEL Marie Joseph Achille, dit Monsieur Joseph,
exploitant de la mine de Pechelbronn (★ Paris 21.5.1772 † 1842). Fils de 1. ? 5.7.1806 à Wissembourg Marie Salomé Krauss, (PI), fille de Jean Daniel K, négociant, et de Rosine Barbe Zwickert; 2 enfants, dont Marie Salomé Alexandrine Adèle qui ∞ Jean Baptiste Joseph Dieudonné Boussingault ©1. A la mort de son père – il n’avait que 17 ans -, sa mère dirigea l’exploitation en des temps particulièrement difficiles. Face à la Révolution, elle refusa d’émigrer, mais subit toutefois les persécutions d’un royaliste arrivé en Alsace avec l’armée de Condé, le baron C. A. de Bode ©, seigneur de Soultz. Après cet épisode, le régime révolutionnaire confisqua ses biens, dont la concession et la seigneurie. Emprisonnée à Brumath, elle tomba malade et ne s’en remit pas vraiment ; elle fut cependant réhabilitée avant sa mort et put rouvrir son entreprise qui prospéra, secondée par son gendre J.A.L. Geynet, maire de la commune voisine de Lampertsloch. Quant à M.J.A. Le B., il s’était engagé dans les armées républicaines, revenant à Pechelbronn en 1804. Dix ans plus tard, il racheta les parts détenues par les autres membres de la famille pour gérer désormais Pechelbronn tout seul. Il fit construire un château et ses communs, et se consacra notamment à la ferme et à l’élevage, laissant à son cousin Auguste Mabru, petit-fils de Charles Le B., l’essentiel de la direction de la mine. Fut maire de Lampertsloch.
3. LE BEL Louis Frédéric Achille,
ingénieur, industriel (★ Pechelbronn 14.4.1807 † 1867). Fils de 2. ∞ 29.7.1839 à Kandel, Palatinat, Madelaine Martin, (Pr) († 1897), fille d’Adolphe M., notaire à Kandel, et de Madeleine Besson, de SouItz-sous-Forêts ; 1 fils © 4 et 3 filles. Après des études à l’Ecole des mines de Saint-Etienne, il revint à Pechelbronn en 1829 pour aider son père et occupa à partir de 1838 la charge de directeur de l’établissement minier en remplacement d’Auguste Mabru. Ingénieur et industriel de grande valeur, il créa en 1857 la première distillerie dans laquelle furent menées les expériences qui permirent à son fils, Joseph Achille © 4, de fonder la raffinerie. Dès 1865, le puits Georges permit de descendre à 77m de profondeur. Pour la première fois, de l’huile brute lourde suinta des galeries ; ce fut le début de la fortune de la mine. De 1863 à 1866, l’établissement vendit annuellement entre 78 et 85 t de graisse d’asphalte, auxquelles il convient d’ajouter les produits secondaires retirés de la calcination des dépôts ou de la distillation de l’huile brute fluide. Parallèlement, fidèle au principe familial d’association de l’agriculture à l’industrie, il fit de son domaine agricole un espace expérimental. Il publia avec son beau-père Jean Baptiste Joseph Dieudonné Boussingault des travaux portant sur la nourriture des vaches et des chevaux, faisant ressortir le rôle décisif de l’azote de l’air sur les plantes et, par là-même, sur l’alimentation du bétail. A cet effet fut aménagée la ferme Boussingault, à la sortie du village de Merkwiller, sur la route de Woerth.
4. LE BEL Joseph Achille,
chimiste, industriel (★ Pechelbronn 21.8.1847 † Pechelbronn 1930). Fils de 3. Célibataire. J. A. Le B. entra à l’Ecole polytechnique en 1865. A sa sortie, il fut préparateur de Liès-Bodart © à Strasbourg, puis de Balard au Collège de France, et enfin de Wurtz à la Faculté de Médecine de Strasbourg. Il n’avait que 20 ans à la mort de son père : sa mère et ses trois sœurs aînées prirent alors en charge la direction de l’entreprise, Emma (★ 1841) s’occupant de la partie commerciale et Marie (★ 1842) de la question ouvrière, activité qu’elle poursuivit à la prise en main de l’affaire par J. A. Le B. Après sa formation en chimie, ce dernier revint à Pechelbronn, où il eut fort à faire : l’entreprise devait changer de dimension. Alors que la production annuelle de graisse vierge n’atteignait que 4.500 à 5.000 t entre 1812 et 1866, elle s’éleva à 14.500 t durant la brève période 1867-1888. Le système de forage Fauvelle à courant d’eau fut introduit pour l’extraction du pétrole, remplaçant le forage à la tarière qui ne servit plus qu’à des sondages d’exploration ou de reconnaissance. Dès 1880, les sondages permirent de découvrir à 130 m de profondeur de nouveaux gisements : une huile légère jaillit en fontaine jusqu’à la surface du sol. En 1886, l’huile de suintement atteignit une production de 7 000 t environ. L’exploitation par puits et galeries fut entièrement abandonnée en 1889. La même année, J. A. Le B. rendit opérationnelle la méthode de pompage de l’huile brute, lorsque l’huile ne jaillissait plus. Pour faire face aux nouveaux besoins inhérents aux sondages et aux pompages, il créa une raffinerie complète, comportant des condenseurs et des appareils de rectification pour la benzine et le pétrole, des équipements de distillation des huiles claires, de séparation de la paraffine des huiles, de distillation des résidus sur poix et sur coke, de raffinage des huiles, de création de nouveaux produits. Travailleur infatigable, il publia une cinquantaine de travaux sur les bitumes, la distillation, les fermentations et le pouvoir rotatoire, la chimie organique, la stéréochimie de l’azote, des microbes, etc. Sa grande activité scientifique aboutit en 1874 à l’élaboration de la théorie du carbone asymétrique (qui régit la position des atomes dans l’espace); elle consacra sa célébrité. En 1881, il reçut le prix Jecker décerné par l’Académie des Sciences. Il obtint également la médaille Davy attribuée par la Société royale de Londres. Mais à Pechelbronn, les temps changèrent : alors que la rénovation technique et la découverte de pétrole jaillissant avaient permis la réalisation de gros bénéfices, la concurrence étrangère, américaine en particulier, devint dangereuse. La pression allemande se précisa : en 1889, le tarif du chemin de fer, qui favorisait le transport de l’huile brute alsacienne, fut abrogé. Le capitalisme allemand émergea: la Deutsche Tiefbohr-Aktiengesellschaft (créée à Nordhausen, Thuringe, en 1899) était sur les rangs pour acquérir jusqu’en 1906 les exploitations pétrolières alsaciennes. La famille Le B., déjà constituée en Le Bel et Cie (vers 1880), préféra abandonner au moment où l’entreprise était prospère : elle céda en 1889 l’affaire aux Pechelbronner Ölbergwerke dont les actionnaires étaient surtout des industriels et des banquiers alsaciens, accessoirement parisiens; la société anonyme par actions remplaça l’établissement familial au prix de 3 millions de Marks. Mais J. A. Le B. conserva sa propriété de Pechelbronn, la «ferme Le Bel» ; il s’établit à Paris dès 1889, où il disposait de trois résidences. Il revint toutefois à Pechelbronn à la fin de sa vie. Chevalier de la Légion d’honneur.
Sur les pétroles du Bas-Rhin, Comptes rendus de l’Académie des Sciences 73, 1871, p. 499 ; Sur les huiles pyrogénées de Pechelbronn, Bulletin de la Société chimique 18, 1872, p. 164 ; Réaction de l’acide chlorhydrique sur deux butylènes isomériques et sur les oléfines en général, Bulletin de la Société chimique 28, 1877, p. 460, et Comptes rendus de l’Académie des Sciences 85, 1877, p. 852.
Sitzmann II, 123 ; P. de Chambrier, Historique de Pechelbronn (1498-1918), Paris-Neuchâtel, 1919 ; G. Wackermann, Le champ pétrolifère de Pechelbronn. Etude économique et humaine, Paris, 1952; H. A. Snelders, The birth of Stereschemestry, Janus 60, 1973, 4, p. 261-278 ; Le Bel, Pechelbronn et le carbone asymétrique, SA, n° 52, 1974, passim ; Encyclopédie Universalis XIX, 1975, p. 1093 ; L’Outre-Forêt, Wissembourg et son pays, SA, n° 59, 1976, passim ; EA VIII, 1984, p. 4679-4680 (portrait).
Gabriel Wackermann (1994)