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KÜFFER (KÜFER, KIEFFER)

Dynastie de médecins strasbourgeois (Pl, puis C) ; d’origine luthérienne, elle semble s’être convertie à la fin du XVIIe siècle (vraisemblablement le 14 décembre 1685 : mention « Kiffer et sa famille » dans le Catalogue des convertis, Archives municipales de Strasbourg Série V/118) ; elle a été anoblie à la même époque.

J. Kindler von Knobloch, Oberbadisches Geschlechterbuch, II, Heidelberg, 1899, p. 401-402 (lacunaire) ; compléments généalogiques communiqués par Mme Hélène Georger-Vogt.

1. Johann « l’ancien »,

médecin et conseiller des princes, (Pl) (★ Esslingen, Bade-Wurtemberg, 1577 † Strasbourg 1648).

Fils de Sebastian Küffer, magistrat à Esslingen, et d’Appolonia Kuhfuss. ∞ 1607 Maria Jacobe Hoffmann, fille de David Hoffmann, conseiller du margrave de Bade-Durlach ; 3 fils et 1 fille, Maria Salome, qui épousa le 7 septembre 1634 à Strasbourg, Saint-Pierre-le-Jeune protestant, Johann Sébastian Leitersperger, conseiller et avocat de la ville deStrasbourg. Études des humanités à Tübingen puis à Strasbourg, conclues avec le grade de magister (1600-1601), puis doctorat de médecine à Bâle (1605), grâce à une bourse de la ville de Gengenbach, Bade, dont il devint le médecin municipal. En butte à des persécutions (en particulier procès en sorcellerie) à Gengenbach, il trouva asile à Strasbourg (1608), où il acquit le droit de bourgeoisie le 3 janvier 1609. Il se fit rapidement une réputation d’excellent médecin. Ainsi, lorsqu’en 1634, suite à la défaite du parti protestant, la cour de Wurtemberg dut se replier de Stuttgart à Strasbourg, Küffer fut nommé médecin du prince Eberhard III et de sa cour. À la demande expresse du margrave Wilhelm de Baden-Baden, il rédigea et publia à Strasbourg une étude sur les eaux et sources chaudes de Baden-Baden, imprimée chez les héritiers de Johann Riehl. La carrière de « médecin des princes » fut continuée et développée par ses fils.

Beschreibung des Marggrävischen Warmen Bades, Strasbourg, 1625 (rééd. Lindau, 1976).

2. Johann « le jeune »,

médecin, (Pl) (★ Strasbourg 8.7.1614 † Strasbourg 20.12.1674). Fils de Johann Küffer « l’ancien » ©. ∞ 1640 Anna Maria Eyselin, fille de Philipp Eyselin, conseiller secret à la cour de Brandenbourg-Ansbach, et d’Eva Philippina Assum ; 4 fils et 2 filles, dont Maria Friderica, qui épousa le 3 juin 1678 à Strasbourg, Saint-Pierre-le-Jeune protestant, Johann Philipp Baumgartner, licencié en droit, conseiller du prince de Brandebourg. Scolarité au Gymnase protestant de Strasbourg, puis à celui de Marburg. Immatriculé en 1633 à l’Université de sa ville natale, il s’inscrivit dès l’automne de la même année, ainsi qu’en 1634, à Bâle pour des études de médecine. Il les poursuivit en diverses autres universités, puisqu’on le trouve à Padoue en 1637, à Londres en 1638, et on sait par ailleurs qu’il séjourna aux Pays-Bas et en France. Le 9 avril 1640, il conclut sa pérégrination académique par la soutenance d’une thèse à Strasbourg (De Erysipelis). Succédant à son père, il fit une brillante carrière de médecin de notables, bourgeois ou princes. Il figura notamment, comme troisième médecin personnel du prince de Wurtemberg, sur la liste des offices de cette cour, et on sait qu’il accompagna le prince dans ses voyages, en particulier à la diète d’Empire de Ratisbonne (1652). Lors de ses obsèques, un panégyrique mentionna trois princes électeurs, trois cardinaux, trois évêques, huit princes, neuf prélats, six comtes parmi ses patients, à Strasbourg, à Saverne ou en Bade. Plus modestement, il remplit les fonctions de médecin attitré du couvent d’Allerheiligen, Bade, avec, il est vrai, des honoraires plutôt princiers. Des missions diplomatiques prolongèrent parfois le traitement médical. Küffer, qui maniait correctement la rime, était selon toute vraisemblance membre de la Société littéraire du Sapin (Aufrichtige Tannengesellschaft), et se fit par ailleurs une spécialité avec les poèmes de circonstance, dont un grand nombre, le plus souvent en langue allemande, est conservé. De même, il s’était constitué un « cabinet d’art », le plus riche de Strasbourg, qui fut vendu plus tard à « une personnalité princière » et figurait parmi les mécènes de la ville (artis pictoriae ac omnium Elegantiarum admirator). Il ne semble pas avoir exercé de magistrature municipale et ne fut pas non plus intégré à la noblesse : ce degré suprême de la notabilité échut à ses fils. Le titre d’Exzellenz, dont il fut parfois gratifié, était habituel dans les villes d’Empire, pour certains médecins distingués. Mais de par les droits attachés aux terrains allodiaux qu’il possédait à Durbach, Bade, il fit partie, depuis environ 1640, de l’Assemblée de la noblesse d’Empire (Reichsritterschaft) de l’Ortenau, siégeant à Offenburg. La fortune considérable amassée par Küffer fut investie dans des biens fonciers, notamment des vignobles, car on lui connaît au moins sept domaines viticoles (Rebhöfe) dans le pays de Bade ; dans un palais urbain strasbourgeois, la résidence des comtes de Nassau-Sarrebruck qu’il rénova et agrandit de 1663 à 1666 dans la Krutenau (espace triangulaire entre le quai des Bateliers, la rue des Bateliers et la rue de Zurich actuelle : il y avait comme voisin immédiat la résidence de l’évêque François Egon de Furstenberg ©) ; dans une villa d’été (Sommerhaus) adossée à l’ancien mur de la ville, près du Rheingiessen ; en 1661, dans la reconstruction d’un château fort, une « Burg » à la campagne (la Ullenburg, dans le vignoble de Tiergarten, actuellement banlieue d’Oberkirch, Bade), ayant appartenu aux princes de Wurtemberg. C’est à la Ullenburg que Küffer avait employé, pendant près de trois années (1662-1665), l’écrivain Hans Jacob Christoffel von Grimmelshausen © en tant que régisseur et prévôt. Ce médecin strasbourgeois a été immortalisé dans les œuvres littéraires de Johann Michael Moscherosch © où il figure en tant que Clyton, médecin de cour, dans le Güldner Zanckapfel (1666) publié sous le pseudonyme de Philison, et surtout dans l’œuvre de Grimmelshausen, notamment dans le célèbre roman Der abentheuerliche Simplicissimus Teutsch (1668). Il y apparaît sous les traits de « Monseigneur Canard », un médecin de riches, prétentieux et cupide qui, à l’occasion, procurait à ses clients aussi bien des aphrodisiaques que de la compagnie galante. On s’est récemment interrogé sur l’origine du sobriquet « Canard ». Nous proposons une solution inédite de cette énigme littéraire. On peut en effet voir sur les cartes anciennes, en particulier celle de J. M. Weiss reproduite dans J. A. Silbermann, Lokalgeschichte der Stadt StrassburgStrasbourg, 1775, que le site entre la Metzgerau et la Krutenau sur lequel Küffer avait construit sa résidence d’été portait le nom de Entenletz, qu’on peut traduire par « fortification des canards », lieu-dit qui explique également le nom du restaurant du Renard prêchant (… aux canards… ), situé de nos jours à cet endroit (Letz = Verhau, Pfahlwerk, Verschanzung, cf. M. K. Buck, Oberdeutsches Flurnamenbuch, 2e éd., Bayreuth, 1931, p. 162).

Reichelt, Programma funebre, Strasbourg, 23 décembre 1674 ; J. Chr. Keck, Klag-Lied der Frauen Anna Maria Kueferin gebohrene Eyselin, über den tödlichen hintritt des Herren Johann Kuefers, Wettberühmten Ar hiatri, Strasbourg, 1675 ; W. E. Schäfer, « Dr Johann Küffer (1614-1674), Prototyp der sozial aufsteigenden Akademikerschicht des 17. Jhts », Die Ortenau 72, 1992, p. 124-137 (bibliographie détaillée ; portrait de 1669 par Mathieu Mérian le jeune). Sa résidence strasbourgeoise a été dégagée en 1990, à l’occasion d’une vaste fouille archéologique, et on y a notamment retrouvé une margelle de puits avec ses armoiries ; cf. C. H. Steckner, « Fund des Kuffer’schen Wappens in Strassburg », Die Ortenau 71, 1991, p. 681-685, avec une photo aérienne des fouilles.

3. Wilhelm Christian,

médecin ( Strasbourg 29.1.1654 † Strasbourg 22.5.1687). Fils de Johann Küffer « le jeune » ©. ∞ 2.12.1675 à Strasbourg Eva Catharina Tabor (? août 1643 3.6.1706), fille de Johann Otto Tabor ©, juriste, et d’Anna Elisabeth von Schönleben, veuve de Johann Adam Beza. Étudiant en philosophie le 17 octobre 1668, soutint à Strasbourg une thèse de doctorat en médecine en 1675, et fit comme son père et son grand-père une carrière de médecin de notables et de princes. Séjourna à Rome en 1674.

4. Jean Albert de,

fils de Johann Küffer « le jeune » ©. Baptisé le 16 juillet 1656 sous le nom de Kieffer, avec trois princes comme parrains. En 1719, il était lieutenant-colonel au régiment royal Alsace et chevalier de l’ordre de Saint-Louis, ce qui sous-entend sa conversion au catholicisme.

5. Claude Antoine de,

chanoine du Grand Chœur de la cathédrale de Strasbourg, (C) ( mars 1693 † Strasbourg 18.10.1774). « Prêtre du diocèse de Vienne (Dauphiné) », reçu prébendier du Grand Choeur de la cathédrale de Strasbourg dès 1718 ; fut chapelain de la chapelle Saint-Urbain du château familial de la Ullenburg, près Oberkirch, Bade en 1721.

Kammerer, Répertoire du clergé d’Alsace sous l’Ancien Régime 1648-1792, p. 183, n° 2846.

6. Jean François de,

Fâhnrich (sous-lieutenant) au royal Alsace.

7. Abel de,

lieutenant du royal Bavière-Allemand.

Walter Ernst Schäfer et Marcel Thomann (1994)