Chirurgien, pionnier de la chirurgie abdominale, poète et philosophe, (C) (★ Sélestat 4.1.1828 † Strasbourg 13.6.1915, inhumé au cimetière Sainte-Hélène).
Fils de Mathias Koeberlé (★ Sélestat 19.6.1795 † Sélestat 18.4.1834), huissier royal à Sélestat, et de Catherine Kretz (★ Sélestat 16.7.1800 † Strasbourg 2.5.1883). ∞ 18.3.1879 à Strasbourg Jeanne Clémentine Henriet (★ Lunéville, Meurthe-et-Moselle, 16.3.1859 † Lutzelbourg 22.3.1940), fille de Henri Désiré Henriet et de Marie Marguerite Julie Bernard ; 1 fille. Issu d’une famille venue de Saint-Hippolyte à la fin du XVIIIe s., Koeberlé perdit son père à l’âge de 6 ans. Il s’attacha dès lors à sa mère qui se dévoua à l’éducation et à l’instruction de son fils, attachement qui influença à plusieurs reprises sa carrière, notamment en 1854, quand, jeune agrégé, il fut sollicité comme aide-naturaliste au Collège de France. Il fit des études secondaires au collège qui, depuis 1925, porte son nom. Excellent élève, il manifesta aussi une dextérité manuelle peu habituelle qui servit plus tard le chirurgien, autant dans sa profession que dans la fabrication artisanale de certains instruments. Devenu bachelier, il se tourna d’abord vers les sciences exactes, pensant entrer à l’École des Arts et Métiers. En 1847, il se destina au droit. Mais la Révolution avec ses bouleversements sociaux le fit abandonner le droit pour une profession « qui serait sujette à moins d’agitation et présenterait un caractère plus international ». En 1849, le bachelier ès sciences s’inscrivit à la faculté de Médecine. Déjà en 1853 un triple succès l’honora : il devint prosecteur d’anatomie, le 27 août, soutint une thèse de doctorat en médecine consacrée à quatre observations d’anatomie pathologique illustrées de quatre planches dessinées par lui-même et lithographiées par Helbig ©, le 23 décembre et réussit le concours d’agrégation, section chirurgie, avec une thèse, De l’ulcération en général et dans les différents tissus. Ce fut à cette époque que Koeberlé refusa une place au Collège de France, resta à Strasbourg et remplaça le professeur Laurent Marchal © dans son cours de médecine opératoire et plus tard suppléa le professeur Charles Henri Ehrmann © dans son cours d’anatomie pathologique. Le 20 août 1855, il réussit le concours pour la place de chef des travaux. Entre 1854 et 1860, l’anatomie absorba la majeure partie de son temps : préparations conservées au Musée anatomique et nombreuses publications. La pratique de la chirurgie allait de pair et particulièrement la chirurgie abdominale. Selon Charles Frédéric Gross, cette période où il était chef des travaux fut pour lui l’occasion de faire des autopsies de femmes présentant des kystes de l’ovaire et ses réflexions l’amenèrent à la conclusion de pouvoir réaliser l’extirpation de ces formations kystiques. Le 2 juin 1862, Koeberlé réussit à la clinique Sainte-Barbe la première ovariotomie. Ce fut un grand succès réalisé devant le professeur Schutzenberger ©, les agrégés Aubenas ©, Hecht © et Herrgott ©, et Elser, chargé de la chloroformisation. À cette « première » succédèrent d’autres, des interventions abdominales de la grossesse extra-utérine, de l’hystéropexie, de la splénectomie, de la résection abdominale, valant à l’opérateur le titre de grand laparotomiste de l’époque. De nombreuses publications viennent témoigner qu’avant l’ère de l’antisepsie, Koeberlé « pratiquait l’asepsie sans le savoir ». On lui doit aussi une pince hémostatique « à cliquet », le drainage par tube de caoutchouc ou de verre, la canule rectale et ce qu’on appelle improprement la position de Fowler. Toutes ces inventions sont consignées dans la thèse de son élève Casternault en 1866. Ses succès opératoires attirèrent des médecins et des chirurgiens de tous pays. Le 2 février 1862, l’Académie de médecine lui accorda le prix Barbier. Le 2 janvier 1868, il devint correspondant national de la Société de Chirurgie de Paris ; l’année suivante, il fut reçu membre honoraire de la Société impériale de médecine et de chirurgie de Saint-Pétersbourg. En 1866 déjà, le recteur de l’académie Delcasso © lui dédia un poème lu le 10 avril à la Société littéraire de Strasbourg. En 1882, Koeberlé fut promu officier de la Légion d’honneur et en 1885, il eut l’honneur de présider le premier Congrès de chirurgie.
Une fois sa mission chirurgicale terminée, Koeberlé s’adonna à la recherche archéologique, à la poésie et à la philosophie. Ainsi poursuivit-il des fouilles au château de Lutzelbourg et au mur païen du Mont-Sainte-Odile (porte Koeberlé découverte en 1877). En mars 1911, il dédia un recueil de poèmes à sa fille. D’autres ouvrages philosophiques et politiques parurent encore en 1913.
Une souscription fut ouverte en vue de lui offrir une plaquette commémorative en vermeil exécutée par l’artiste Ringel d’Illzach ©. À l’occasion du 150e anniversaire, le 4 janvier 1978, la ville de Sélestat inaugura une plaque de grès apposée à l’emplacement de la maison natale, rue des Chevaliers, une plaque rappelant que « La chirurgie telle qu’elle existe aujourd’hui est l’œuvre du génie de Koeberlé qui a assuré le triomphe de l’art chirurgical en lui octroyant deux admirables méthodes : l’hémostase et l’asepsie » (Dr Pichevin). Le nom de Koeberlé figure parmi les 24 chirurgiens français de renommée mondiale inscrits sur la plaque de bronze de la Salle de France du Hall of Fame inaugurée le 12 juillet 1959 au Musée de la chirurgie à Chicago.
Nombreuses communications dans la Gazette médicale de Strasbourg, dont « Médecine opératoire. Ovariotomie. (…) Opération » le 2.6.1862. « Guérison complète le 25 juin 1862 », 1ère série, 22, n° 7, du 25.7.1862 ; Poèmes d’Orient et d’Alsace, dédiés à sa fille, 1911 ; Les habitants de l’Alsace ancienne et moderne, 1913 ; Le désarmement, poème, 1913 ; Questions de guerre et de paix en Alsace-Lorraine, 1914.
S. Casternault, Essai sur la gastrotomie dans le cas de tumeurs fibreuses péri-utérines, thèse de médecine, Stras- bourg, 1866 ; F. Wieger, Geschichte der Medizin, Strasbourg, 1885 ; Berger-Levrault, Annales des professeurs des académies et universités alsaciennes 1523-1871, Nancy, 1890, p. 127 ; G. Levy, « Le 80e anniversaire du professeur E. Koeberlé », Messager d’Alsace-Lorraine du 4.1.1908 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 3, 1984, p. 56 ; R. Pichevin, « Koeberlé et l’ovariotomie » Cahiers alsaciens, n° 4, juillet 1912, p. 201-207 ; idem, Le docteur Koeberlé et son œuvre, Strasbourg, 1914 ; A. Kien, « Professeur E. Koeberlé » , Strassburger medizinische Zeitung, XIIe année, 7e cahier, du 15.7.1915, p. 143-147 ; Ch.-Fr. Gross, « E. Koeberlé », Revue de gynécologie et de chirurgie abdominale 23, n° 4, octobre 1915, p. 311-342 ; P. Bourson, « Un centenaire, E. Koeberlé », La Vie en Alsace, 6, 1928, p. 5-7 ; R. Redslob, « Im Anwesen Koeberlé : Ein « Märchenpalast » fur verträumte Kinder », Dernières Nouvelles d’Alsace du 27,2.1957 ; M. Kubler, « À propos du centenaire de la première ovariotomie (2 juin 1862). Le docteur E. Koeberlé (1828-1915), pionnier de la chirurgie abdominale », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1961, p. 125-137 ; idem, « Au musée de chirurgie de Chicago, une place d’honneur pour le Dr E. Koeberlé, chirurgien de Sélestat », Sélestat médical, n° 2, 1973 ; idem, « Le 150e anniversaire de la naissance du Dr E. Koeberlé (1828-1915) », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat,, 1978, p. 111-114 ; idem, « Le dégagement de la porte Koeberlé du mur païen au Mont-Sainte-Odile (1877) », Les Vosges, 1978, n° 3, ; idem, « Deux cartes postales ayant rapport au Dr E. Koeberlé », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1979, p. 131-132 ; idem, « Un poème du recteur Delcasso au Docteur Koeberlé. Commentaires », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1980, p. 63-67 ; idem, D’après un référendum original… (Dernières Nouvelles 1.10.1921). Le docteur E. Koeberlé, grand bienfaiteur de l’humanité », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1980, p. 68-70.
En juillet 1914, en la demeure du chirurgien à La Vancelle-Hurst (ancien moulin), le sculpteur Antoine Bourdelle réalisa deux portraits ; le premier sous-titré Homère, et le second, un buste dont un exemplaire est conservé à la faculté de Médecine de Strasbourg. En 1928, année du centenaire de la naissance de Koeberlé, la ville de Sélestat décora le fronton de l’entrée du collège Dr Koeberlé d’un portrait de profil en bronze.
Maurice Kubler (1993)