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KOBÈS Aloyse

Missionnaire, vicaire apostolique, (C) (★ Fessenheim-le-Bas 17.4.1820 † Dakar, Sénégal, 11.10.1872).

Fils de Jean Kobès, cultivateur, et de Madeleine Braun. Kobès fit des études aux petit et grand séminaires de Strasbourg. Ordonné prêtre le 21 décembre 1844, au titre du diocèse de Strasbourg, il fut nommé vicaire à Soultz. Souhaitant se consacrer aux missions africaines, il fut admis, en juillet 1846, au noviciat que la congrégation du Saint-Cœur de Marie dirigeait à Neuville-lès-Amiens, Somme. Au Grand Séminaire, Kobès avait été le condisciple de F.-M.-P. Libermann ©, fondateur de cette société missionnaire qui prit le nom de congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie en 1848. Profès le 25 mars 1847, Kobès fut chargé d’enseigner la théologie au noviciat. Le 22 septembre 1848, sur proposition de Libermann, Rome le nomma coadjuteur du vicaire apostolique des Deux-Guinées et évêque titulaire de Modon. Sacré le 30 novembre 1848 à Strasbourg par Mgr Raess ©, il devint, à 28 ans, le plus jeune évêque de la chrétienté. Le vicariat couvrait la quasi-totalité de la côte occidentale de l’Afrique, de la Mauritanie à l’Angola. Le vicaire apostolique résidait au Gabon et son coadjuteur au Sénégal. Dès son arrivée à Dakar, en février 1849, Kobès tenta de concrétiser son projet d’évangélisation : il souhaitait la mise en place sur les côtes de communautés de religieux, de dix lieues en dix lieues, comme autant de portes d’accès vers l’intérieur du continent. Le manque de personnel – le clergé missionnaire fut décimé par les fièvres – et des troubles politiques locaux firent échouer ce plan. Désormais, Kobès concentra ses efforts sur le Sénégal et la Gambie qui devinrent, sous le nom de Sénégambie, un vicariat autonome en 1863 ; il en devint le premier vicaire titulaire. Fondée en 1850, la mission de Saint-Joseph de Ngasobil connut alors un essor remarquable ; l’évêque y regroupa des écoles primaires et professionnelles, une imprimerie et un collège. Conscient qu’une évangélisation en profondeur ne pouvait qu’être l’œuvre d’un clergé africain, Kobès s’efforça de créer un Grand Séminaire. En 1864, il conféra le sacerdoce au premier clerc sénégalais formé sur place. Aux Frères de la Doctrine chrétienne de Ploërmel, chargés des écoles de garçons, il demanda d’ouvrir un noviciat.

En 1858, il avait déjà fondé les Filles du Sacré-Cœur de Marie, première congrégation de religieuses sénégalaises ; il leur confia la direction d’un orphelinat à Dakar et la catéchèse dans les villages (2 professes en 1860, 28 en 1872). Les jeunes missionnaires, dès leur arrivée, devaient se mettre à l’étude des langues vernaculaires. Kobès lui-même parlait le sérère, le saracolé et le wolof ; dans cette dernière langue, il a rédigé plusieurs dictionnaires, grammaires et livres de piété, selon une transcription phonétique accessible à tous. Pour l’évêque, l’évangélisation allait de pair avec le développement économique. Il créa des ateliers dans lesquels les enfants apprenaient les métiers de menuisier, forgeron, jardinier et imprimeur, sous la direction de frères spiritains. Un décret impérial de 1863 lui ayant accordé une concession de 1000 hectares à Ngasobil, il la transforma en plantation de coton, avec le soutien de l’industriel Antoine Herzog © 2. Cette exploitation agricole devait donner du travail à une population désœuvrée, fournir la matière première à l’industrie textile française privée de coton par la Guerre de Sécession américaine et financer les œuvres caritatives et éducatives de la mission. Les résultats furent décevants, car les plantations furent détruites par les criquets et les ouvriers moururent du choléra et de la fièvre jaune. Néanmoins, en 1863, le Sénat français félicita publiquement l’évêque pour ses réalisations à Ngasobil et Napoléon III lui décerna la croix de la Légion d’honneur. À trois reprises (en 1853, 1857, 1867), le vicaire apostolique revint en Alsace, rendant visite à ses bienfaiteurs. Son dernier voyage le mena à Rome, où il participa au premier concile du Vatican. Depuis 1857, il était chanoine d’honneur de la cathédrale de Strasbourg.

Kobès fit paraître des articles sur les missions dans des revues spécialisées : Annales de la Propagation de la Foi (1854, 1866), Bulletin général (de la congrégation du Saint-Esprit ; 1862, 1864), Annales de la Sainte-Enfance (1864, 1866) et Revue maritime et coloniale (1865). Ses ouvrages en wolof furent publiés par l’imprimerie de la mission de Sénégambie, installée d’abord à Dakar, puis à Ngasobil : Prière du Chrétien. Texte wolof. 1851 ; Cantiques. Texte wolof, 1851 ; Principes de la langue wolofe, 1855 ; Les Évangiles des dimanches et des fêtes. Traduction, 1855 ; Dictionnaire français-wolof et wolof-français avec un essai de grammaire, 1856 ; Catéchisme en français et en wolof, pour les petits enfants, 1860 ; Catéchisme en français et en wolof, pour les adultes, 1862 ; Grammaire de la langue wolofe, 1869 ; en collaboration avec F.X. Riehl, Dictionnaire wolof-français précédé d’un abrégé de la grammaire wolofe, 1875 (rééd. Marseille, 1923) ; Tabi’Aldana Mbâ Tëre I Nan Yu Katolik Yà Di Supandakô Ti Sèn I Ndangà (édité par G. Sok), 1891.

Archives de l’archevêché de Strasbourg, Monasticon Alsaticum, p. 455 ; registre 21, p. 133, 138, 140, 144 ; registre 45, p. 243 ; registre des prêtres du XIXe siècle, p. 137 ; Archives de la congrégation du Saint-Esprit, Chevilly, boîtes n° 153-158 et 161 A ; Senegambia (Recueil des actes du vicariat, 1869-1871), Ngasobil, s.d. ; E. Andlauer, « Un grand dessein missionnaire : Mgr Kobès », Le Missioni Cattoliche 1, 1872, p. 430 ; Annales de la Propagation de la Foi 45, 1873, p. 72-75 ; Ordo (Strasbourg), 1873, p. 112-113 ; Bulletin général (de la congrégation du Saint-Esprit) 9, 1873-1874, p. 160-165, 455-458 ; Les missions catholiques 7, 1875, p. 268 ; Aperçu historique sur la Mission de Saint-Joseph de Ngasobil depuis sa fondation jusqu’à la mort de Mgr Kobès, 11 octobre 1872, s.l., 1875 ; Annales de la Propagation de la Foi 48, 1876, p. 97-135 et 185-214 ; Ch.-E. Freppel, « Lettre du 25 novembre 1872 au clergé du diocèse à l’occasion de la mort de Mgr Kobès, évêque de Modon et de Mgr Reyne, évêque de la Basse-Terre », Œuvres polémiques, IV, Paris, 1877, p. 453-459 ; Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica IIC, Venezia, p. 300 ; Allgemeine deutsche Biographie, XVI, 1882, p. 364-366 ; Biographies alsaciennes IV, Mulhouse, 1888 ; Clozel, Bibliographie des ouvrages relatifs à la Sénégambie et au Soudan occidental, Paris, 1891, n° 617-625 ; Annales apostoliques XV, 1898, p. 55 ; A. Deny, Elsässer Helden, I, Rixheim, 1902, p. 73-77 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 51-52 ; Ch. Estermann, « Der erste elsässische Missionsbischof in Afrika. Zum 50-jâhrigen Todestage von Mgr Alois Kobes (11. Oktober 1872) », Echo aus den Missionen 2, 1922, p. 293-297, 309-312, 325-327, 344-346 ; A. Engel, Die Missionsmethode der Missionare vom Heiligen Geist auf dem Afrikanischen Festland, Knechtsteden, 1932 (nombreuses références) ; P. Stintzi, Gottselige des Elsasses, Colmar, 1937, p. 139-140 ; « Correspondance du Vénérable P. Libermann », Notes et documents relatifs à la vie et à l’œuvre du Vénérable F.-M.-P. Libermann, Paris, VII, 1939, lettres n° 56, 77 ; X, 1940, lettres n° 33, 68, 82, 99, 111, 112, pièces annexes I, n° 7, IV, n° 3 ; XI, 1940, lettres n° 13, 44, 57, 62, 71, 80, 82, 87, 103, 128, 136, pièces annexes II, n° 15, 16 ; XII, 1940, lettres n° 70, 90, 128, 162, pièces annexes I, n° 9, II, n° 2 ; XIII, 1941, lettres n° 50, 53, 61, 94, 103, 111, 127, 143, 159, 168, pièces annexes IV, n° 4 ; M. Briault, La reprise des  missions d’Afrique au dix-neuvième siècle. Le Vénérable Père F.-M.-P. Libermann, Paris, 1946, p. 306-308 ; R. Streit, J. Dindinger, Bibliotheca Missionum, XVII, Fribourg Br., 1952 (nombreuses références) ; R.-M. Dugon, « Les origines du clergé de l’Afrique noire », Annuaire des Missions catholiques de la Délégation apostolique de Dakar. Édition 1957, Paris, 1957, p. 32-37 ; H.J. Koren, The Spiritans. A History of the Congregation of the Holy Ghost, Louvain, 1958 ; B. Noël, « Le centenaire de la fondation de la mission de Ngazobil (Sénégal) », Bulletin général (de la congrégation du Saint-Esprit), janvier-février 1963 ; G. Knittel, Elsässische Priestergestalten, Strasbourg, 1963, p. 59-74 ; H. Thiandoum, « L’épopée africaine d’un évêque alsacien de 28 ans », L’Ami du Peuple du 18.10.1964, p. 11 ; G. Knittel, Évêques missionnaires d’Alsace, Strasbourg, 1965, p. 10-11 ; Catholicisme. Hier, aujourd’hui, demain VI, 1967, c. 1465-1466 ; O. Seemann, « Geistliche Söhne des Kochersbergerlandes », Almanach Sainte-Odile 48, 1973, p. 41-45 ; J. T. Roth, Geschichte der Kongregation vom Hl. Geist, II, Das Pariser Kolonialseminar vom Hl. Geist 1800-1848, Knechtsteden, 1974 ; J. Delcourt, Histoire religieuse du Sénégal, Paris, 1976, p. 32-59 ; A. Chapeau, F. Combaluzier, Episcopologe français des temps modernes 1592-1973, Paris, 1977, n° 1656 ; B. Noël, « Aloys Kobès 1820-1872 », Hommes et destins. Dictionnaire biographique d’Outre-Mer 2, 1977, p. 414-421 ; Neue Deutsche Biographie, XII, 1980, p. 247-248 ; G. Knittel, « Le Père Libermann et ses premiers collaborateurs alsaciens », Alsace historique 21, 1980, p. 36-37 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1984, p. 4520 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 238.

Jean-Paul Blatz (1993)