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JUNG Jean

Jacobin terroriste, cordonnier, (Pl) (★ Strasbourg 25.11.1761 † Paris 20 messidor an II = 17.7.1794).

Fils unique de Nicolas Jung (★ Brumath 5.9.1720 † Strasbourg 23.9.1764), postillon et manant, et de Salomé Joessler. ∞ 15.1.1788 à Strasbourg Marie Madeleine Fuchs, fille de Jean-Jacques Fuchs tisserand, et de Marie Marguerite Listenmann ; 4 enfants (Euloge Schneider © fut parrain de l’une de ses filles). À 14 ans, il s’engagea dans l’armée qu’il quitta en 1781 avec un congé du régiment d’infanterie suisse de Muralt, alors en garnison à Corte, Corse, après 6 ans et 10 mois de service comme soldat factionnaire. Reçu maître cordonnier à Strasbourg, il acquit le droit de bourgeoisie le 20 janvier 1787 et fut inscrit à la tribu des Cordonniers. Après les émeutes de juillet 1789 à Strasbourg, il participa aux patrouilles bourgeoises qui remirent de l’ordre dans la ville et fit alors partie de la Garde nationale avec le grade de caporal, assurant son service sans jamais se faire remplacer, exécutant les ordres et consignes avec zèle et rigueur. Pendant cette première phase de la Révolution, il montra surtout une haine des « Arristocrades », ce qui était tout à fait au goût du jour. Il se montra d’abord un zélé partisan du maire Dietrich © et le 6 février 1792, son nom figura en tête d’une liste de citoyens actifs – dont beaucoup de cordonniers –, exigeant l’assignation en justice de Michel Rivage qui avait propagé un libelle hostile au maire Dietrich. Mais peu après, Jung changea de bord, et le 25 avril 1792, il fut proposé à la Société des Amis de la Liberté et de l’Égalité (jacobine) par Ginzroth, Kienlin ©, Simon ©, Monet © et Taffin ©, et y fut reçu le 6 mai 1792. S’il est permis de penser que ce fut la déclaration de guerre du 20 avril 1792 qui avait entraîné cette conversion politique, il y a plutôt lieu de croire que Jung, de par sa condition de petit artisan modeste, ne se sentit pas à l’aise dans la Société de l’Auditoire (feuillantine), dont les membres appartenaient à des catégories sociales plus favorisées (lettrés, juristes, négociants, etc.), et qu’il préféra fréquenter le Club des Jacobins, au recrutement plus populaire. Dès lors il intervint dans la vie publique, devenant un opposant acharné de la « faction Dietrich ». Lors de l’affaire Simoneau, en juin 1792, Jung prit la défense d’Euloge Schneider, devenu l’un des chefs de file des jacobins et qui, à cette occasion, avait provoqué Dietrich. Le 14 septembre 1792, il fut nommé commissaire aux fonctions de procureur provisoire de la commune de Haguenau, Euloge Schneider l’ayant été à celle de maire. Ils séjournèrent dans cette ville du 18 septembre au 19 décembre 1792. Le 3 janvier 1793, il fut à nouveau délégué aux mêmes fonctions à Bischheim, avec Nestlin © nommé maire. Le 18 janvier 1793, il fut nommé officier municipal de Strasbourg par les commissaires de la Convention nationale Ruhl ©, Couturier et Dentzel © et membre du Comité de surveillance de la commune le 5 février 1793, chargé du contrôle postal (censure), de la saisie des papiers des banquiers, notaires, agents de change, ce dont il s’acquitta avec un zèle tatillon. Le 26 février 1793, il déposa comme témoin à charge dans le procès de Dietrich à Besançon. Ce ne fut qu’une suite de « j’ai entendu dire », « j’ai eu connaissance de », etc., mais rien de concret (il en fut d’ailleurs de même pour les autres témoins à charge). Ce fut aussi lui qui, seul volontaire, fit avec Euloge Schneider, devenu accusateur public du Tribunal criminel du département, la promenade d’intimidation avec la guillotine à travers la ville, et quand, dans la nuit du 19 au 20 août 1793, les habitants, excédés par cette démonstration, en vinrent à briser la guillotine devant le domicile de Schneider, ce fut encore lui qui intervint pour en faire enlever les débris. Nommé membre du Comité de surveillance et de sûreté générale du département le 8 octobre 1793, il fut responsable de la délivrance des cartes de civisme, les distribuant avec parcimonie et soumettant tous ceux qui n’étaient pas jacobins notoires à des tracasseries souvent humiliantes. Le 12 brumaire an II (= 2 novembre 1793), Saint-Just et Lebas le suspendirent de ses fonctions municipales, mais sur intervention de la Société populaire, il fut réintégré le surlendemain. La chute d’Euloge Schneider, arrêté le 24 frimaire an II (= 14 décembre 1793), entraîna la sienne. D’abord enfermé à l’hôtel Darmstadt, ce ne fut que le 21 nivôse an II (= 10 janvier 1794) que, par ordre des représentants Baudot et Lacoste, il fut mis en état d’arrestation et conduit à Dijon. Élargi par le représentant Bar, probablement fin mars, sur une nouvelle intervention de la Société populaire, il fut dénoncé à cette même société par Rousseville, agent du Comité de Salut public, rayé de la liste des membres le 21 germinal an II (= 10 avril 1794), réincarcéré sur ordre de Lacoste, conduit à Paris le 17 prairial (= 5 juin 1794) et écroué à la Conciergerie. Déféré devant le Tribunal révolutionnaire, accusé d’avoir été partisan de Schneider et d’avoir traité les représentants du peuple à Strasbourg de tyrans (ce qu’ils étaient), il fut condamné à mort et exécuté avec les frères Edelmann © lors d’une de ces fournées d’une quarantaine de personnes. Jung était tout d’une pièce, un peu rustre, aux idées simples, mais souvent embrouillées, clamant ses convictions avec une foi un peu naïve. Il ne manquait pas de courage. Au plus fort de la période de déchristianisation, il fustigea l’un de ces propagandistes qui avaient traité Jésus-Christ de charlatan, et lors de l’arrestation de Schneider, il s’en prit aux représentants en mission, ce qui provoqua sa perte. Son honnêteté et sa probité furent unanimement reconnues, même par ses adversaires, et malgré quelques excès commis par « le fléau des modérés » – c’est ainsi qu’il se qualifia – son exécution souleva l’indignation générale. Le 7 brumaire an III (= 28 décembre 1794), le conseil général de la commune de Strasbourg demanda à la Convention nationale la révision de son procès. Jung fut le type-même de ces sans-culottes, issus de la petite bourgeoisie, entraînés par des événements qui les dépassaient.

Politische Bekehrung. Eine Rede vor der Gesellschaft der Jakobiner zu Strassburg gehalten von Johannes Jung, Schumachermeister und französischer Bürger, den 6 Mai 1792, 24 p. in-8°, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg ; Eine kurze Übersicht über unsere jetzige Lage zur Aufrechterhaltung der unterdrückten Menschen- rechte. Eine Rede gehalten von Johannes Jung. Sonntags den 1. Juli im 4. Jahr der Freiheit, [1792], 7 p. in-8°, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg ; Ein Wort zu seiner Zeit. Mitbürger und durch die Versehung frey gewordene Franken I, [12 août 1792], 2 p. in-4°, Bibliothèque universitaire de Francfort-sur-le-Main.

Malgré quelques petites lacunes ou imprécisions, seule l’étude de R. Jaquel, « Un terroriste alsacien : le cordonnier Jung », La bourgeoisie alsacienne. Étude d’histoire sociale, Strasbourg-Paris, 1954, p. 233-254 mérite d’être consultée.

Claude Betzinger (1992)