Skip to main content

JUNG Adolphe Michel

Chirurgien, universitaire, résistant, (Pl) (★ Schiltigheim 17.12.1902 † Strasbourg 7.7.1992).

Fils d’Adolphe-Frédéric Jung, commerçant, et d’Émilie Ruch, cousine de Mgr Ch.-J. Ruch ©. Frère de Robert Jung ©. ∞ 27.4.1934 Marie-Louise Schertzer (★ 21.7.1919) ; 4 enfants dont Pierre-Michel ©. Études secondaires au Gymnase protestant puis de médecine à Strasbourg. En 1925, Jung service de neurologie de Barré ©. Suivit une année d’externat à Paris. Il vint à Strasbourg à la suite du concours d’internat de 1927 et entra aussitôt à la clinique chirurgicale A. sous la direction du professeur René Leriche © qu’il ne quittera plus jusqu’à ce que ce dernier abandonnât Strasbourg en 1939. C’est sous sa direction qu’il soutint sa thèse en 1928 sur L’influence des opérations sympathiques sur l’évolution des plaies expérimentales en rapport avec les modifications du pH. De 1928 à 1929 : service militaire comme chirurgien à l’hôpital d’Oujda au Maroc. En 1931, il obtint une bourse de la Caisse nationale des Sciences pour une mission aux États-Unis auprès des maîtres de la chirurgie américaine de l’époque que furent Graham, Frazier, Adson et se lia d’amitié avec Georges de Bakey. Nommé chef de clinique en 1932, il passa l’agrégation de chirurgie générale en 1939. Au cours de la campagne de 1939-1940, Jung fut médecin-capitaine, chef de l’ambulance chirurgicale légère 244. Replié par ordre de la direction des services de santé de la IVe Armée, à Lunel puis à Clermont-Ferrand pour y être démobilisé, Jung se présenta à Clairvivre, près de Périgueux, où les services de chirurgie de la faculté de Médecine de Strasbourg étaient repliés. Il y resta jusqu’en octobre « à la disposition de la faculté ». Faute de l’attribution d’un poste hospitalier, il n’exerça qu’occasionnellement à l’hôpital de l’école de médecine de Clermont, à titre de visiteur et avec l’assentiment du doyen Forster et de plusieurs membres de la faculté, il rentra en Alsace en octobre 1940 pour rejoindre et chercher sa famille. Il fit dès lors partie des 100 000 Alsaciens enjoints par la commission d’armistice de Wiesbaden de rentrer chez eux, convaincus que l’occupation allemande de l’Alsace ne serait que temporaire. À Strasbourg, la municipalité, toujours gestionnaire de l’hôpital, lui accorda les anciennes salles de la clinique chirurgicale dont il s’occupait naguère. Le 23 novembre 1941, l’université allemande s’installa et le professeur Zuckschwerdt fut nommé à la direction des trois services chirurgicaux de Strasbourg. Jung quitta la clinique chirurgicale A, la veille de l’ouverture de l’université, et poursuivit son activité dans les cliniques privées de Strasbourg. Déclinant la direction de la clinique chirurgicale A comme tout autre engagement dans les universités allemandes, Jung fut, en représailles, déplacé le 10 mars 1942 à Pfüllendorf, Bade-Wurtemberg comme médecin généraliste, il fut déplacé quelques semaines plus tard, comme chirurgien à Überlingen près de Constance, séparé de sa famille, contrainte de rester à Strasbourg sous contrôle hebdomadaire de la Gestapo.
En octobre 1942, grâce aux recommandations du professeur Leriche avec lequel il conservait de fidèles contacts, Jung fut appelé à l’hôpital de la Charité de Berlin auprès du professeur Ferdinand Sauerbruch, auquel il fut personnellement attaché à titre d’assistant. Logeant dans une petite mansarde de l’hôpital, mais au cœur de la capitale, Jung recueillit bien des renseignements. Jusqu’à la libération de Berlin en mai 1945, malgré le péril permanent de sa situation et les dangers réels qu’il fit courir à sa famille en Alsace, il alimenta les services de renseignements alliés par l’intermédiaire des réseaux de la résistance (Réseau Samson du lieutenant-colonel Robert Masson) et surtout à Berlin avec son ami Fritz Kolbe, fiancé de Maria Fritsch, secrétaire de Sauerbruch. « Kolbe fut durant la guerre, la source la plus valable et la plus prolifique qu’aient eu les services spéciaux américains en Allemagne » écrivit plus tard Allen Dulles, directeur de l’OSS à Berne et futur directeur de la CIA.
De retour en France ses activités, par nature secrètes, nécessitèrent quelque temps pour être reconnues. Le 15 juin 1945, Jung fut élu président du Comité départemental des travailleurs déportés du Bas-Rhin. Réintégré comme chirurgien des hôpitaux de Strasbourg, il fut, à l’expiration de son mandat d’agrégé en 1949, maintenu auprès de la faculté comme agrégé libre jusqu’à 1954 où il obtint la chaire de pathologie chirurgicale. Sur proposition conjointe du ministre des Affaires étrangères et de l’Éducation nationale, il fut aussitôt détaché à l’Université internationale de la Sarre à Sarrebruck-Hombourg, comme professeur de clinique chirurgicale. Il en devint le vice-recteur en 1956. À l’issue du référendum du 23 octobre 1956, la Sarre perdit le 1er octobre 1957, son statut international. Jung mit fin à son détachement et rentra à Strasbourg. En 1958, Jung fut nommé directeur de l’hôpital orthopédique Stéphanie associé au CHU et don il fera un service universitaire complet. Il assura la direction du certificat d’études spéciales de chirurgie générale dès sa création en 1963. En 1965, sa chaire fut transformée en chaire de pathologie et clinique chirurgicale. En 1969, il fonda et dirigea le laboratoire de pathologie chirurgicale expérimentale. Associé national depuis 1951, il fut élu membre national de l’Académie de chirurgie en 1960. Ses premiers travaux portèrent sur l’action du système nerveux sympathique à laquelle Leriche s’était particulièrement attaché. Sa constante curiosité le porta rapidement vers d’autres domaines expérimentaux et cliniques, source de plus de 180 publications d’ordre neurologique (sympathique), chimique (calcium), endocrinologique (parathyroïdes), sur le tube digestif, les os et articulations (malformations thoraciques), les vaisseaux sanguins et la cinématisation des moignons d’amputations sur les blessés de guerre. « Il défendra durant toute sa vie d’enseignant cette formation générale, tronc commun à toute chirurgie » (P. Kehr).

Mais c’est dans le domaine de la pathologie arthrosique du rachis cervical et la chirurgie de l’artère vertébrale que Jung produisit, à partir de 1960, la plus riche de ses contributions à la chirurgie moderne. On lui doit, sur ce sujet plus de deux cents publications en français, anglais, allemand et italien. Il y décrivit notamment l’uncussectomie, l’uncoforaminotomie et l’artériolyse vertébrale qui porte son nom et qui ont ouvert en leur temps un champ chirurgical nouveau, complexe, aux confins de la chirurgie osseuse, vasculaire et neurologique auxquelles sa formation pluridisciplinaire et générale l’avait familiarisé. « Ces travaux originaux et novateurs ont initié toute la chirurgie du rachis à Strasbourg, pôle d’excellence dès lors reconnu dans ce domaine… » (P. Kehr).

Admis à faire valoir ses droits à la retraite fin 1973, Jung fut maintenu en fonction, notamment pour faits de guerre, jusqu’au 30 septembre 1974. Au sein de sa famille et avec l’aide filialement dévouée de son agrégé et collaborateur Pierre Kehr, il s’attacha à la publication de plusieurs ouvrages sur la chirurgie du rachis cervical, traduits en anglais et en allemand. Il fut invité à présenter ses travaux dans le monde entier avant de se retirer définitivement dans les Vosges se consacrant enfin à sa famille et à la peinture. Officier de la Légion d’honneur, croix de Guerre 1939-1940 et 1939-1945, officier des Palmes académiques.

Publications : Jung A., « Leçon inaugurale : le 16 janvier 1958 », Strasbourg Médical, 1958, 4, p. 269-286 ; Jung A., Kehr P., « Névralgie cervico-brachiale traitée avec succès par intervention sur l’articulation unco-vertébrale », Strasbourg médical, 1963, 6, p. 528-533.
Ouvrages : Jung A., Titres et travaux scientifiques 1928-1939, Paris, 1939 ; Jung A., Kehr P., Pathologie de l’artère vertébrale et des racines nerveuses dans les arthroses et les traumatismes du rachis cervical, Paris, 1972 ; Jung A., Kehr P., Magerln F., Weber B., The cervical spine primary and posttraumatic disorders, Advances in Surgical Management, Berne-Stuttgart-Vienne, 1974 ; Jung A., Kehr P., Valerio V., Pathologia dell’arteria vertebrale e delle radici nervose nell artrosi et del traumatismi del rachide cervicale, 1976 ; Jung A., Kehr P., Funktionelle Pathologie und Klinik der Wirbelsäule, Stuttgart – New York, 1985.
Bibliographie : J. Weill J., Déjà, Essai autobiographique, p. 459-466, publié à compte d’auteur ; Morgan E.P., « Le double jeu d’un diplomate », Weltwoche, 9.2.1951 ; Thorwald J., La fin d’un grand chirurgien, 1962 ; Kehr P., « Le professeur A. Jung », European journal of orthopedy surgery an traumatology, 1993, 2, p. 135-136 ; Hohmann Dr Med. D., « 10 years european section of cervical spine research society », History of the society : meeting, Rome, 1994 ; Héran J., Histoire de la médecine à Strasbourg, 1997, p. 520, 585, 785 ; Frohn A., Kloth H. M., « Die Bote aus Berlin », Der Spiegel, 10.9.2001, p. 220-222; Muller W., « Un des meilleurs représentants de l’enseignement supérieur français à l’université de la Sarre », in Terre d’Alsace, Chemins de l’Europe, Mélanges offerts à Bernard Vogler, D. Dinet, F. Igersheim, 2003, p. 459-462, mise à jour: http://www.uni-saarland.de/Info/Geschichte.html ; Jung M. C., Jung A., Un chirurgien dans la tourmente, sous presse ; Delattre L., Fritz Kolbe, un espion au cœur du IIIe Reich, 2003 ; Dulles A. W., Papers, s.d. Princeton.

† François-Joseph Fuchs (2010)