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JULIEN dit l’APOSTAT Flavius Claudius Julianus

Empereur romain (★ Constantinople 331 † en Perse 26.6.363).

Fils de Jules Constance et de Basilina. ∞ 355 Hélène, sœur de Constance II. Petit-fils de Constance Chlore et de sa femme Theodora. Il appartenait ainsi à la branche légitime de la famille flavienne, alors que Constantin n’était que le fils bâtard de Constance Chlore et de sa concubine Hélène. Mort à 32 ans, il a régné six ans comme César subordonné à l’Auguste et vingt mois comme Auguste seul empereur. Avec Constantin il est l’empereur le plus célèbre du Bas-Empire, et a gardé un surnom durable d’Apostat à cause de son retour au paganisme. Il vécut une enfance difficile, car sa mère mourut à sa naissance, puis sa famille fut massacrée à Constantinople en 337, après la mort de Constantin, à cause de la jalousie de Constance II à l’égard de la branche légitime de la famille. Julien et son frère aîné Gallus furent les seuls rescapés et furent ensuite élevés à Macellum près de Césarée de Cappadoce, où ils furent baptisés. Après de courtes études à Athènes, de juillet à octobre 355, il fut appelé à Milan par l’empereur qui le fit proclamer « César » par l’acclamation des troupes le 6 novembre 355, et l’envoya le 1er décembre en Gaule où l’usurpateur Silvain venait d’être assassiné. Son entourage de hauts fonctionnaires nommés par Constance lui déplut et il entra en particulier en conflit avec son préfet des Gaules Florentius au sujet d’une levée d’impôt supplémentaire décidée par Florentius, et refusa de signer son décret. Une série de campagnes victorieuses firent à Julien une réputation de gloire militaire dont Constance fut jaloux. Il accomplit en 356 une première campagne jusqu’à Cologne, puis il réussit, pendant ses quartiers d’hiver à Sens, à mettre en échec les Alamans qui l’assiégeaient (hiver 356-357). L’été suivant, il reprit l’offensive. Constance avait prévu une manœuvre en tenaille, et confié au maître de la milice Barbatio le soin d’attaquer les barbares par le Sud-Est, en traversant la Rhétie jusqu’à Augst. Mais celui-ci, d’après Ammien Marcellin, ne fournit aucune aide à Julien. Après avoir fait arrêter les bandes de pillards qui avaient attaqué Lyon, le César poursuivit les barbares dans les îles du Rhin et reconstruisit la forteresse de Tres Tabernae (Saverne).

Puis il remporta sur une coalition de sept « rois » alamans, dirigée par Chonodomaire, la victoire d’Argentoratum le 25 août 357. Ammien Marcellin nous donne une description animée de la bataille (XVI, 12), que complète le Discours XVIII, 53-59 de Libanius (le site exact sur une « colline en pente douce, séparée des berges du Rhin par une courte distance » a été localisé par J.-J. Hatt © et J. Schwartz à Oberhausbergen). Les Alamans avaient franchi le Rhin pendant trois jours et trois nuits. Julien ne disposait que de 13 000 hommes ; il commandait l’aile droite avec le gros de la cavalerie et le centre avec l’infanterie, les cataphractaires (cavalerie lourde d’origine orientale) et les sagittaires (archers à cheval). Sévère était à la tête de l’aile gauche. En face, les barbares concentrèrent leur cavalerie à leur aile gauche, avec des troupes d’infanterie, sous le commandement de Chonodomaire, « qui portait attachée au sommet de la tête une aigrette couleur de flamme » ; au centre, de forts contingents d’infanterie étaient concentrés en forme de coins ; l’aile droite barbare, commandée par Serapion, s’était dissimulée dans la végétation du vallon où se trouvait l’aqueduc. Les troupiers alamans, méfiants à l’égard de leurs chefs, obligèrent ceux-ci à descendre de cheval et à combattre à pied. L’attaque alamane fut impétueuse : « Ils fondirent sur nos escadrons de cavalerie, grinçant des dents affreusement. Leurs cheveux flottants se hérissaient avec plus de fureur que d’habitude et de leurs yeux rayonnait une sorte de rage. » Au cours du corps à corps, les Romains formèrent la « tortue », unissant leurs boucliers comme un mur de barrage. Les cataphractaires romains tentèrent de fuir, mais Julien les retint. Finalement la discipline romaine l’emporta sur la charge barbare désordonnée. La déroute alamane se transforma en fuite sur le Rhin, et les archers tirèrent sur eux pour les empêcher de le traverser. Chonodomaire fut capturé, et envoyé par Julien à Constance, qui le relégua à Rome. Les Romains perdirent 243 hommes et quatre officiers. Du côté alaman, nous dit Ammien, on dénombra « six mille cadavres qui jonchaient le champ de bataille et d’autres amas de morts, impossibles à dénombrer, furent entraînés dans les eaux du fleuve ». Après la victoire, les soldats acclamèrent Julien Auguste, mais Julien refusa. À la cour de Constance, on tourna en ridicule les vantardises de Julien, qualifié de victorinus et de « taupe bavarde ». Julien, revenu à Saverne, donna l’ordre, assez mal accueilli, de marcher sur Mayence, où il franchit le Rhin. Il contraignit les barbares à signer une trêve de dix mois. Dans les années suivantes, il consolida les frontières : campagnes contre les Francs, Chamaves et surtout Saliens, soumission des rois alamans Suomaire et Hortaire en 358 ; reconstruction de villes rhénanes jusque dans la région de Nimègue et occupation de sept forteresses (Camp d’Hercule, Quadriburgium, Tricensium, de localisation incertaine, Neuss, Bonn, Andernach et Bingen) ; ravitaillement de la Rhénanie par une flotte apportant le blé de Bretagne en 359 ; campagne contre les Francs Attuaires en 360.

Les relations avec Constance se dégradèrent : fin 359, celui-ci réclama à Julien ses meilleures troupes pour le front d’Orient. Les unités se soulevèrent pour ne pas partir. Julien fut proclamé Auguste par ses troupes à Lutèce (Paris) et dut accepter un diadème improvisé avec le torque qu’un soldat lui mit sur la tête, en février 360. Ce fut le premier cas d’élévation sur le pavois. Julien quitta Paris pour Vienne, où il célébra ses quinquennales (cinquième année de règne), le 6 novembre360 et assista pour la dernière fois, le 6 janvier 361, à une cérémonie chrétienne. Au printemps, il franchit le Rhin pour contraindre les Alamans à demander la paix et décida de marcher contre Constance en empruntant la voie danubienne. À Bâle, pour la première fois, ses soldats lui prêtèrent serment selon le rite païen et lui-même invoqua Bellone, déesse de la guerre. Pour son offensive contre Constance, Julien divisa son armée en trois corps, qui devaient se retrouver à Sirmium, capitale de la préfecture d’Illyrie. La mort de Constance, le 3 novembre 361, permit à Julien d’entrer à Constantinople le 11 décembre 361 comme empereur légitime. Il procéda alors à l’épuration des fonctionnaires et des chambellans de Constance ; le tribunal de Chalcédoine prononça plusieurs condamnations à mort. Julien se lança dans une politique de restauration des cultes traditionnels et dans la reconstruction des temples délabrés. Son ardeur à multiplier les sacrifices et son mysticisme philosophico-religieux ne furent pas toujours partagés par ses partisans. Il se heurta à une forte résistance à Antioche. Le Misopogon est un pamphlet de réponse à la ville qui préférait le Christ et Constance. L’empereur publia l’édit du 17 juin 362, qui visait à interdire aux chrétiens le droit d’enseigner la grammaire et la rhétorique. Il s’efforça aussi d’organiser les prêtres des cultes païens en un clergé organisé, sous la direction du Souverain Pontife, l’empereur. Il créa ainsi des grands-prêtres provinciaux, auxquels il demanda de s’occuper d’hospices et d’orphelinats sur le modèle chrétien. Il tenta aussi de reconstruire le temple de Jérusalem, car il aurait voulu faire rétablir le culte sacrificiel chez les juifs. Mais les successeurs de Julien furent tous chrétiens. Le 5 mars 363, il partit combattre contre les Perses, franchit l’Euphrate, et pénétra en territoire ennemi le 4 avril. En juin, il arriva sous les murs de Ctésiphon. Au cours de la retraite, le 26 juin, il fut frappé dans le dos par une lance. Son médecin Oribase ne réussit pas à arrêter l’hémorragie et il mourut dans la nuit. Il fut enseveli à Tarse et l’armée proclama Jovien Auguste. Une paix bâclée abandonna beaucoup de territoires aux Perses. Il est l’empereur romain le mieux connu du Bas-Empire, à cause du grand nombre de sources. Il a laissé en grec des Lettres et ses Discours, ainsi que des textes de lois en latin. Son portrait physique nous est transmis par de nombreuses émissions monétaires, en or (sous,semisses et tremisses), en argent (miliarenses et siliques) et en bronze. D’abord imberbe, il est ensuite barbu, considérant que le fait de se faire raser était un symbole d’empereur chrétien. Ses contemporains ont largement parlé de lui : Ammien Marcellin dans ses Histoires, le rhéteur Libanius d’Antioche, qui écrivit ses oraisons funèbres, sont ses grands défenseurs, alors que Grégoire de Naziance, son ancien condisciple d’Athènes, invective l’apostat. Le rhéteur et préfet du prétoire Mamertin rédigea le panégyrique officiel de l’empereur.

De nombreuses sources postérieures ont fait entrer Julien dans la légende. Cette légende a touché l’Alsace en tant que terre de conflit entre la France et l’Allemagne, car Julien César est aussi le glorieux vainqueur de la bataille de Strasbourg contre les Alamans le 25 août 357. Le roman alsacien de Robert Heitz © intitulé Julien l’Apostat et publié à Strasbourg en 1939 met en scène les angoisses d’un écrivain alsacien, Hans, qui a entrepris la rédaction d’un ouvrage sur Julien, sur fond d’enquête d’un journaliste venu de la vraie France. Cela conduit Hans à méditer sur le caractère précaire de la victoire de Julien à Strasbourg : aujourd’hui comme hier, maugrée Hans, que reste-t-il de la victoire française ? La première partie de Mon ami Hans (Strasbourg, 2e éd., 1954), publié par le même auteur, s’intitule « L’Apostat », et les méditations pessimistes sur Julien et la fin de l’Empire occupent certains passages.

Sources : Julien, Œuvres complètes, discours et lettres, I, 1 et 2, éd. et trad. J. Bidez, 1932 et 1960, II, 1, éd. et trad. G. Rochefort, 1963, II, 2, éd. et trad. C. Lacombrade, 1964, éd. Les Belles Lettres ; Ammien Marcellin, Histoires, livres XV à XXV, éd. et trad. J. Fontaine, 1968, pour les livres XIV à XVI, éd. et trad. G. Sabbah, 1970, pour les livres XVII et XIX, éd., trad. et commentaire J. Fontaine, 2 vol., 1977, pour les livres XXIII à XXV, éd. Les Belles Lettres (éd. et trad. anglaise J. C. Rolfe, 3 vol., 1935-1964, dans la coll. Loeb) ; Libanius, The Julianic Orations, éd. et trad. angl. A. F. Norman, 1969, coll. Loeb ; Zosime, Histoire Nouvelle, livre III, éd. et trad. F. Paschoud, II, 1979, éd. Les Belles Lettres.

R. Forrer, Das römische Zabern, Strasbourg, 1918 ; C. Jullian, Histoire de la Gaule romaine, VII, Paris, 1926 ; R. Forrer, Strasbourg-Argentorate, Strasbourg, 1927 ; G. Ricciotti, Julien l’Apostat, Paris, 1959, traduit de l’italien par F. Hayward ; J.-J. Hatt, J. Schwartz, « Le champ de bataille de Oberhausbergen », Bulletin de la Faculté des Lettres de Strasbourg XLII, 1964, p. 427-436 ; J. Benoist-Mechin, L’empereur Julien ou le rêve calciné, Lausanne, 1969 ; J.-J. Hatt, Histoire de la Gaule romaine, Paris, 1966, 3e éd. 1970 ; R. Browning, The Emperor Julian, Londres, 1975 ; G. W. Bowerstock, Julian the Apostate, Londres, 1978 ; L’empereur Julien, de l’histoire à la légende (331-1715), sous la dir. de R. Braun et J. Richer, Paris, 1978 ; E. Demougeot, La formation de l’Europe et les invasions barbares, II, Paris, 1979, 2 vol. ; Ch. Vogler, Constance II et l’administration impériale, Strasbourg, 1979 ; Encyclopédie de l’Alsace, VII, 1984, p. 4385-4387 (par F. Pétry) ; C. Fouquet, Julien, la mort du monde antique, Paris, 1985 ; L. Jerphagnon, Julien dit l’Apostat, Paris, 1986.

Iconographie : F. Delbrueck, Spätantike Kaiserporträts, Berlin- Leipzig, 1933, pl. 75 ; J. P. Kent, « An introduction to the coinage of Julien the Apostate (A. D. 360-363) », Numismatic chronicle 19, 1959, p. 109-117 et pl. 10 et s. ; A. Alföldi, « Some portraits of Julianus Apostata », American Journal of Archaeology 66, 1962, p. 403-405 et pl. 118 et s.

Chantal Vogler (1992)