Prévôt de Saint-Morand d’Altkirch (★ Colmar début du XVe siècle † Altkirch 1482 ou 1483). Originaire de Colmar, Granter bénéficia d’un double héritage: celui d’un milieu familial aisé, rompu aux affaires (son tuteur exerçait en 1439 le métier d’hôtelier) et celui d’une éducation soignée à l’école des moines de Saint-Pierre, dans la grande tradition des Bénédictins de Cluny. A la suite de ses maîtres, Granter fut reçu le 7 juillet 1439 à Saint-Pierre, alors couvent riche et influent, dépendant de Payerne, pays de Vaud. Il en prit la tête, dix ans plus tard (1449), mettant ainsi en valeur ses qualités de gestionnaire. L’abbé de Cluny lui confia dès 1451 la lourde charge du prieuré de Saint-Morand d’Altkirch, traumatisé par le passage des hordes armagnacques. Il lui fallut reconstruire et protéger par une tour l’église et son clocher pour assurer la sécurité des nombreux pèlerins attirés par les reliques du saint apôtre du Sundgau. Le travail de réorganisation financière et de gestion du vaste patrimoine foncier de Saint-Morand apparaît nettement dans les épais volumes d’urbaires, Zehntbücher, Forstsachen, etc, conservés dans le fonds Saint-Morand des Archives départementales du Haut-Rhin. Les possessions du prieuré s’étendaient dans nombre de villages du Sundgau et du vignoble; les droits anciens sur les forêts, les propriétés bâties ou les moulins semblent avoir été remémorisés et consignés par écrit sur l’instigation de her Martin Granterprobst, lequel exerça également une autorité réelle en réunissant une douzaine de cours colongères. La sécurité politique de ces biens fut garantie en 1463 par Sigismond d’Autriche, landgrave d’Alsace, en 1469 par Charles le Téméraire puis, de nouveau, après l’expérience malheureuse de Pierre de Hagenbach, par Sigismond en 1474. L’œuvre de Granter ne se limita pas aux tâches de gestion de son prieuré. Lointain précurseur des Acta Sanctorum des Bollandistes, il fit consigner par écrit les miracles de saint Morand. La première (?) version, trois simples pages en tête d’un urbaire, se présente sous forme de courts paragraphes relatant des guérisons entre 1450 et 1470 sur intervention du saint: do ist ein zeichen geschehen. Beaucoup de miraculés sont des enfants accidentés. Des récits plus conséquents et plus élaborés furent envoyés à Sigismond, avant que les Jésuites, successeurs des Clunistes à Saint-Morand, n’impriment leur style aux Miracula Sancti Morandi. Les archives de la ville d’Altkirch portent également le témoignage de l’intérêt de Granter pour l’école, puisqu’il présida au recrutement de son maître. Bien qu’éprouvé par une longue maladie, Granter se tint seul à la tête du prieuré jusqu’en 1477, date à laquelle le légat du pape en Allemagne appela pour le remplacer le prieur d’Enschingen. Pensionné par Saint-Morand, Granter se retira à Colmar pour revenir mourir au prieuré «vers 1483 » (l’imprécision provient de l’état du document). Onretrouve son écusson, une trompe ou un cor, sur sa pierre tombale, une clef de voûte du couvent et quelques sceaux conservés.
Archives départementales du Haut-Rhin,16 H Saint-Morand; A. M. P. Ingold, Miscellanea alsatica, Colmar-Paris, 1894 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 641 ; Encyclopédie de l’Alsace,VI, 1984, p. 3465.
Odile Kammerer (1988)