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GERBER (GERWER) Erasmus (Erasimus, Asimus, Asymus, Azimus)

Capitaine général des paysans révoltés en (Basse-) Alsace en 1525, (C, puis Pl ?) (★ à ? vers la fin du XVe siècle (?), † pendu aux portes de Saverne 17.5.1525).
Fils de ? ; ∞ ? N. qui se trouvait à Molsheim avec ses enfants le 19/20 mai 1525. Sujet de l’évêque de Strasbourg à Molsheim, tanneur, ne sachant ni lire ni écrire ; vu les lacunes des archives de Molsheim, on n’a jusqu’à présent pas de renseignements plus précis sur ses origines et sa situation socio-économique. (Y a-t-il eu une relation de parenté avec Diebolt Gerwer de Dambach, un des conjurés du premier Bundschuh (1493) qui semble avoir échappé aux poursuites, ou avec Gerwers Hans de Blienschwiller (?) et Gerwer Jacob de Nothalten, qui en firent également partie et semblent s’en être tirés de même ?). Personnage dynamique, ambitieux et rusé, orateur et démagogue doué du sens de l’organisation, meneur absolument convaincu du bien-fondé de la cause politico-sociale, « évangélique » et violemment anticléricale qu’il défendait, Gerber a dû jouer un rôle actif dans le groupe clandestin de révolutionnaires qui se recrutait non seulement parmi les paysans, mais aussi dans les villes de la vallée du Rhin supérieur, et qui prit, après l’échec du Bundschuh de Jos Fritz en 1517, la relève de celui-ci. Le réseau de ces propagandistes profita de façon déterminante du message évangélique de Luther, bien que mal interprété, et aboutit au soulèvement du « commun peuple » dit « guerre des paysans » qui éclata en 1524/25 dans le Sud-ouest et le centre de l’Empire. De ce fait, dès le 13 avril 1525, donc deux jours avant que l’insurrection ne commençât pour de bon en Basse-Alsace, Gerber convoqua le Schultheiss de Marlenheim à un rassemblement prévu à Dorlisheim pour le lendemain. Le 17 avril suivant, Gerber était déjà le chef de la bande (Haufen) d’Altorf qui avait comme programme d’action les XII articles de Memmingen (Souabe) : ceux-ci réclamaient des pasteurs prêchant l’Évangile, la réduction des dîmes et des corvées, la suppression du servage et de la mainmorte, la liberté de chasse, de pêche et d’utilisation des communaux, une justice plus équitable par le retour aux anciennes coutumes. Ce 17 avril, Gerber écrivit au sénat de Strasbourg et aux réformateurs de cette ville, les priant de venir à Altorf pour l’aider à défendre et à promouvoir l’Évangile. La rencontre eut lieu le lendemain: mais au lieu de suivre le conseil des Strasbourgeois et du bailli impérial de Haguenau, à savoir de renvoyer dans leurs foyers les paysans attroupés et de s’en remettre à des négociations uniquement entre les délégués paysans et les représentants des seigneuries, Gerber préféra maintenir les bandes en armes sous prétexte qu’on n’avait pas encore la garantie que le comte de Hanau-Lichtenberg accorderait à ses sujets l’impunité qui venait d’être assurée à la bande d’Altorf. Manifestement Gerber voulait maintenir la pression sur les seigneurs territoriaux, dont il se méfiait avec plus ou moins de raison. D’Altorf il fit parvenir aux autres bandes le texte des XII articles et s’efforça d’unifier le mouvement en Basse-Alsace, malgré l’autonomie des bandes et leur manque de discipline. Le 24 avril il occupa Marmoutier et y proclama le 29 avril la permanence du soulèvement : dans ce but il décréta que chaque localité rattachée au mouvement enverrait aux bandes respectives le quart des hommes valides, avec rotation hebdomadaire. Le 2 mai, il retourna à Molsheim, où se tint le surlendemain une réunion des délégués des dix bandes d’Altorf, Neuenbourg, Cleebourg, Herbitzheim, Stephansfeld, Ittenwiller, Truttenhausen, Ebersheim-Munster, Honcourt, Schwarzach (Bade), qui proclamèrent Gerber oberster hauptmann aller haufen (capitaine suprême de toutes les bandes). Le même jour il proposa au bailli impérial et à la ville de Strasbourg une conférence à Molsheim pour le 9 mai : elle eut lieu le 10, mais n’eut pas de résultat tangible, ses conclusions n’ayant été acceptées que par 4 bandes sur les 13 présentes (les 9 premières déjà représentées le 4 mai, plus celles du Sundgau, de Stürzelbronn, de Bouquenom et de Geilweiler près de Landau). De la sorte toute l’Alsace et même une partie de la Lorraine et du Palatinat étaient unies en un seul mouvement qui exerça pratiquement pendant deux ou trois semaines (fin avril/début mai 1525) les pouvoirs politiques et administratifs dans la majeure partie du plat pays, non sans que des difficultés surgissent avec la ville de Strasbourg au sujet de ses nobles bourgeois forains (ussburger) et de leurs « repaires de brigands » (raubhiser). Cette réunion des 13 bandes décréta le 11 mai la mobilisation générale et promulgua des « articles de guerre » concernant la discipline à maintenir pendant la campagne militaire destinée à contraindre les localités encore réticentes à se rallier à l’insurrection. De plus comme la menace d’invasion du duc de Lorraine se précisait, Gerber marcha avec sa bande vers Marmoutier, où il arriva le 12 mai, puis vers Saverne, qu’il occupa le 13, en s’engageant à respecter l’autorité épiscopale, les biens et personnes nobles, de l’évêché, des bourgeois, de la collégiale, de l’église paroissiale et du couvent des Franciscains : seuls seraient châtiés les mauvais clercs (pfaffen). En vain le bailli impérial et Strasbourg exhortèrent encore une fois le 14 mai les paysans à rentrer chez eux, mais Gerber avait déjà donné l’ordre aux autres bandes de converger vers Saverne pour barrer la route aux Lorrains. Cependant ceux-ci les prirent de vitesse, investirent la ville dès le 15 mai et battirent le lendemain à Lupstein une troupe paysanne venue pour débloquer Saverne. Gerber, aux abois, dut se résigner à capituler le même jour, obtenant la promesse de vie sauve pour les paysans partant sans armes. On connaît la suite, le 17 mai : le massacre inopiné des partants, l’assaut de la ville et son pillage, la reddition des chefs réfugiés au château, la pendaison de Gerber aux portes de Saverne le soir même, après un simulacre de procès, au cours duquel il tint aux assistants un discours, où il aurait exhalé sa haine impuissante contre les nobles et les capitalistes urbains, mais dont la teneur n’est connue que par des sources lorraines peut-être un peu sujettes à caution.

Sources : N. Volcyr, L’histoire et recueil de la triomphante et glorieuse victoire obtenue contre les… Luthériens… du pays d’Aulsays… par… Anthoine… duc… de Lorraine, (Paris, 1527), surtout f° Liij r° et v°, Lxj v°-LXij r° et LXXXij r° ( p. 188-190, 215-217 et 275 de la nouv. éd. Nancy, 1856) ; Politische Correspondenz der Stadt Strassburg im Zeitalter der Reformation, vol. I : 1517-1530, bearb. v. H. Virck, Strassburg, 1882, spécialement p. 107-183 ; A. Rosenkranz, Der Bundschuh, Heidelberg, 1927, t. 2, passim. G. Franz, Der deutsche Bauernkrieg, Aktenband, München, Berlin, 1935, p. 208-209.

Allgemeine deutsche Biographie, VIII, 1878, p. 719 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 591-592 ; G. Franz, Der deutsche Bauernkrieg, t. I, München, Berlin, 1933, p. 228-244 ; Ph. Dollinger. « Un aspect de la guerre des paysans en Alsace : l’organisation du soulèvement », Paysans d’Alsace, Strasbourg, 1959, p. 69-77 ; Neue Deutsche Biographie, VI, 1964, p. 254-255 ; Études alsatiques. La guerre des Paysans 1525. Études et documents réunis par A. Wollbrett, Saverne, 1975, passim (voir en particulier p. 9-12 ; P. Blickle, « Alternativen des Feudalismus. Die Bedeutung des Elsass für die Konzeption einer korporativ-bündischen Verfassung im Bauernkrieg ») ; P. Blickle, Die Revolution von 1525, 2. Aufl., München, Wien, p. 185-187 ; Dictionnaire de biographie française, XV, 1982, p. 1269.

Jean Rott (1988)