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GERBEL (Gerbell, Gerbel(l)ius, Musophilus) Nicolaus

Humaniste, juriste et historien, (C, puis Pl) (★ Pforzheim, Bade, vers 1485 † Strasbourg 19.1.1560).

Fils d’Anton Gerbel, sculpteur sur bois et peintre (non originaire de Wien, Autriche, † entre 1517 et 1526), et de N. N. ∞ I vers début septembre 1518 Agnès Lamprecht, de Strasbourg († 26.5.1525); ∞ II 23.11.1525 à Baden-Baden, 11.12.1525 à Strasbourg, Dorothea Kirsser de Baden-Baden, probablement proche parente du juriste dr. Hans Jacob Kirsser († 1542) ; ∞ III vers la fin de 1542 et 1544 au plus tard Elisabeth Riser, (de Strasbourg ?, qui ∞ II Strasbourg 1563 Balthasar Glaser, dreyerknecht am Pfennigturm) ; enfants : 4 du second mariage en vie en 1532, dont Nicolas jr. (★ 16.5.1527, † de la peste 26.6.1541) et Theodosius, ci-dessous. Après avoir fréquenté l’école latine de Pforzheim, il fut immatriculé en automne 1501 à l’Université de Vienne en Autriche, où il fit partie du Collegium poeticum de l’humaniste Conrad Celtes ; ensuite le 16 juin 1507 à celle de Cologne, où il devint maître ès-arts le 28 mars 1508 ; puis le 10 mai 1508 à celle de Tubingen. Déjà bien auparavant il semble être entré en contact avec le célèbre hébraïsant Joh. Reuchlin et au plus tard le 15 mars 1509 il fit aussi la connaissance du jeune parent de celui-ci, Philipp Mélanchthon. Après avoir été en 1509/10 (ou 1511 ?) co-régent de la Realistenburse Schenckenberg à Mayence, et en 1510 (1511 ?)-1512 recteur de l’école, alors florissante, de Pforzheim, il retourna au printemps 1512 à Vienne pour y faire ses études de droit : il y eut comme principal maître l’humaniste Joh. Cuspinianus, historien, géographe et diplomate au service de l’empereur Maximilien 1er. De là un bref séjour à l’Université de Bologne lui permit d’obtenir le 2 octobre 1514 le grade de docteur en droit canon. Déjà en Souabe il était entré, en tant que bon helléniste, en contact avec l’imprimeur Thomas Anshelm © ; de même, lors de son second séjour à Vienne, il noua des relations avec les éditeurs Leonhard et Lucas Alantse. Or ceux-ci faisaient imprimer certaines de leurs publications à Strasbourg chez Mathias Schürer ©. C’est très probablement pour cette raison que Gerbel vint à Strasbourg fin 1514/début 1515 pour y surveiller l’impression faite par Schürer pour les Alantse de deux ouvrages, Albert le Grand, De natura locorum, et Ovide, Metamorphoseon libri XV, parus en janvier et juillet 1515 avec une épigramme dédicatoire et une lettre-préface de Gerbel. Il trouva aussi à Strasbourg un gagne-pain comme avocat aux officialités épiscopale et archidiaconales et put ainsi continuer à collaborer avec Schürer, sur les presses duquel il fit paraître jusqu’en 1521 une dizaine d’auteurs grecs, latins et humanistes, en partie grâce au mécénat de Joh. Rudolfinger ©. En particulier il surveilla de près l’édition chez Schürer (1515) des Lucubrationes d’Erasme de Rotterdam ©, dont il venait de faire la connaissance et qui le fit venir pendant quelques semaines à Bâle en automne 1515 pour coopérer à l’impression de la première édition de son Novum instrumentum (Nouveau Testament). En 1521 Gerbel devint pour une vingtaine d’années secrétaire du Grand Chapitre de la cathédrale de Strasbourg, très probablement grâce aux sympathies évangéliques du comte Sigmund von Hohenlohe ©, devenu doyen de ce Chapitre au début de 1521. Entre temps, en effet, Gerbel, d’abord tout acquis aux idées érasmiennes d’une réforme progressive de l’Église, avait dépassé ce stade et était devenu un adhérent enthousiaste du programme beaucoup plus radical de Luther. Dès 1521 au plus tard, il entra en correspondance avec celui-ci et fut dès lors son principal informateur à Strasbourg. De plus, dans le nouvel ordre d’idées, il publia en 1521 un Novum Testamentum graece à Haguenau chez Anshelm, en 1522 l’appel à la pénitence (du IIe siècle après J.-Chr.) dit du « Pasteur à Hermas » à Strasbourg chez Joh. Schott ©, et en 1524 un Sendbrief dem klaynen heufflin zu Pfortzheim en préface à un sermon de son compatriote Joh. Schwebel. Dans ses lettres à ce dernier, dans celles à Luther et à Mélanchthon, il ne cessa pas de donner des renseignements précieux sur le développement de la Réforme à Strasbourg, et plus d’une fois il orna d’un distique élogieux les œuvres de Mélanchthon parues à Haguenau chez l’imprimeur Joh. Secer ©. Mais à partir de 1524 et par suite du malentendu croissant entre Luther et les réformateurs strasbourgeois, surtout au sujet de la cène, Gerbel se trouva de plus en plus isolé, ne fréquentant plus parmi ces derniers que Caspar Hédion ©. Pendant ces années, il consigna dans son diaire, tenu parfois au jour le jour (fin 1522/fin 1529), les faits de sa vie familiale et les frais de son ménage, les visites qu’il recevait et les tensions régnant au sein du Grand Chapitre, les désastres de la guerre des paysans et les événements marquants de la cité, les études poursuivies avec Hédion et l’impression que lui faisaient les sermons sur la cène de celui-ci. Cependant à partir de 1530 le rapprochement progressif entre Luther et ses partisans d’une part, Capiton ©, Bucer © et leurs collègues, de l’autre, scellé en 1536 par la Concorde de Wittemberg, mit fin à l’isolement de Gerbel : il reprit ses éditions d’auteurs anciens et modernes, avant tout de six œuvres d’historiens publiées de 1530 à 1540 ; la plus importante fut celle du De Caesaribus atque imperatoribus Romanis d’après le manuscrit inachevé de feu son maître Cuspinianus, qu’il fit précéder d’une biographie de celui-ci (Strasbourg, chez Crato Mylius ©, 1540) et, au sujet de laquelle il correspondit en particulier avec l’humaniste Joachim Camerarius. À la fin de 1540, Gerbel se démit de ses fonctions de secrétaire du Grand Chapitre et fut engagé l’année suivante par la ville, sur l’initiative de Jacques Sturm ©, pour donner des cours publics d’histoire : il fut ainsi le premier professeur d’histoire en titre de la Haute Ecole. Mais dès la fin de 1543 il résigna ce poste, peut-être par suite de ses soucis de famille consécutifs à la peste de 1541. Il n’en continua pas moins de s’occuper de publications historiques, parues principalement chez l’imprimeur Joh. Oporinus © à Bâle. C’est chez ce dernier aussi qu’il édita l’œuvre maîtresse de sa vie, son commentaire de la carte de la Grèce antique dressée par Nikolaos Sophianos de Corfou et republiée par Oporin en 1544 : s’aidant des renseignements trouvés chez les anciens auteurs grecs et latins et dans les œuvres plus récentes, Gerbel publia en 1545 son In descriptionem Graeciae Sophiani praefatio comprenant 90 p. in-folio ; puis élargissant le champ de ses recherches, il fit paraître en 1550 chez Oporin une 2e édition, trois fois plus étoffée (197 p. in-folio) de son commentaire sous le titre Pro declaratione picturae sive descriptionis Graeciae Sophiani libri septem. Malgré les défauts inhérents à ce travail de pionnier, fait de surcroît sans autopsie des lieux, cette œuvre donne néanmoins un impressionnant aperçu de l’étendue des lectures et du zèle érudit de Gerbel, si passionné d’histoire ; aussi fit-elle pendant près de deux siècles autorité en la matière.

  1. Son deuxième fils, Theodosius (★ Strasbourg 31.3.1529 † Strasbourg 26.8.1575).
    ∞ 17.2.1550 à Strasbourg Maria Kühnlin, fille de Conrad Kühnlin) devint en 1550 avocat au Petit Sénat de sa ville natale, en 1553 secrétaire du Grand Sénat, puis en 1564 du Petit Sénat, enfin le 16 juin 1565 secrétaire de la ville. Il eut deux fils :
  2. Nicolas II,

(★ Strasbourg 7.12.1550). ∞ 29.7.1572 à Strasbourg Maria Cleophe Breuning, fille de Conrad Breuning de Tübingen. Licencié en droit, fut bailli de Barr de 1598 à 1605 ;

  1. Carl,

(★ Strasbourg 6.2.1564). Étudiant à Bâle 1582, Heidelberg 1585, Padoue 1587, doctor utriusque juris et syndic de Nuremberg, fut ensuite bailli de Barr de 1605 à 1629.

  1. Le neveu de ce dernier, Nicolas III, fils de Nicolas II, ∞ 13.2.1599 à Strasbourg N. Held, fille de Carl Held., membre du Conseil des XV, lui succéda comme greffier-syndic de la ville de Nuremberg.

Sources : aux Archives municipales de Strasbourg, (V 89 : protocoles du Grand Chapitre 1527-1539 de sa main) et surtout aux Archives du Chapitre de Saint-Thomas, déposées aux Archives municipales de Strasbourg, où se trouvent entre autres l’original de son diaire (copié par le soussigné) et plusieurs de ses lettres ; voir aussi les différentes matricules universitaires, en particulier celle de Cologne éditée par H. Keussen, t. II, 1919, p. 611-612, et les correspondances de : Camerarius, Tertius libellus epistolarum Eobani Hessi et aliorum, Lipsiae, 1561 ; Schwebel, Centuria epistolarum theologicarum, Biponti, 1597 ; Erasme, Opus epistolarum, ed. P. S. Allen, Oxonii, 1906 et suiv. ; Melanchthon, Supplementa Metanchthoniana, VI, I, ed. O. Clemen, Leipzig, 1926, et maintenant Melanchthons Briefwechsel, bearb. v. H. Scheible, Stuttgart, 1977 et suiv. ; Luther, Briefwechsei, hsg. v. O. Clemen, Weimar, 1930 et suiv.

Une liste provisoire de sa correspondance figure dans Büchle (voir ci-dessous), p. 21-24 : 116 lettres, auxquelles il faut en ajouter une cinquantaine d’autres ; Ibid., p. 24-28 un premier répertoire des 36 publications que Gerbel a éditées, ou dont il a surveillé l’impression, ou auxquelles il a simplement contribué par quelques distiques laudatifs : s’y ajoutent dès maintenant 24 autres numéros. Merker (voir ci-dessous) a cru pouvoir identifier Gerbel comme l’auteur de plusieurs satires latines des années 1520/21 dirigées contre les deux adversaires de Luther : Joh. Eck et Thomas Murner ©, ainsi que de certaines parties des Epistolae obscurorum virorum du temps de l’affaire Reuchlin. Gerbel aurait gardé l’anonymat (Dialogi Decoctio), ou utilisé divers pseudonymes : Joannes Franciscus Cottalembergius (Eccius dedolatus), Matheus Gnidius Augustensis (et Petrus Francisci) (Defensio christianorum), Raphaël Musaeus (Murnarus Leviathan et Audio Lutheromastigum), S. Abydenus Corallus Germ. (Dialogi septem et Oratio ad Carolum maximum). Mais ces attributions ont été en majeure partie rejetées par les spécialistes ; tout au plus les écrits contre Murner seraient à revoir de près vu la connaissance précise du milieu Strasbourgeois qu’ils dénotent ; mais ce n’est pas une raison suffisante pour les attribuer à Gerbel : ce savant de cabinet, tel qu’il se présente dans son œuvre et dans son diaire, avait-il vraiment la verve satirique exubérante dont témoignent ces pamphlets ?

Bibliographie sur Gerbel : voir entre autres sur son père : A. Merckling, « Meister Anton Gerbel », Jahrbuch der Elsass-Lothringischen wissenschaftlichen Gesellschaft, 8, 1935, p. 106-123 ; du même, « Meister Anton Gerbel. Ein Beitrag zum Pilgram-Schongauer-Flagenauer-Problem », Alte und neue Kunst, 5, 1954, p. 13-19. – Sur Gerbel lui-même : A.-F. Liebrich, Nicolas Gerbel, jurisconsulte-théologien du temps de la Réformation, Strasbourg, 1857 ; A. Büchle, Der Humanist Nikolaus Gerbel aus Pforzheim, Durlach, 1886 ; G. Varrentrapp, « Nicolaus Gerbel. Ein Beitrag zur Geschichte des wissenschaftlichen Lebens in Strassburg im 16. Jahrhundert », Strassburger Festschrift zur XLVI. Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner, Strassburg, 1901, p. 221-238; J. Ficker & O. Winckelmann, Handschriftenproben, II, Strassburg, 1905, n° 47 et 77 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 590-591; W. Horning, Der Humanist Dr. Nikolaus Gerbel. Förderer lutherischer Reformation in Strassburg (1485-1560), Strassburg, 1918; P. Merker, Der Verfasser des Eccius dedolatus und anderer Reformationsdialoge. Mit einem Beitrag zur Verfasserfrage der Epistolae obscurorum virorum, Halle, 1923, p. 239-272 et passim ; J. Rott, “L’humaniste strasbourgeois Nicolas Gerbel et son diaire (1522-1529)”, Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1715), 1946-1947, (Paris, 1950), p. 69- 78 ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 1625 ; H. Ankwitz-Kleehoven, Der Wiener Humanist Johannes Cuspianian, Gelehrter und Diplomat zur Zeit Kaiser Maximilians /., Graz, Köln, 1959, passim ; NDB, VI (1964), p. 249-250 ; C. Bonorand, “Aus Vadians Freundes – und Schülerkreis in Wien”, Vadian-Studien, 8 (1965), p. 83-84 ; R. Hirsch, “Nicolaus Gerbel and his Arrian”, Gutenberg-Jahrbuch, 1966, p. 192-194 ; F. W. Bautz, Biographisch-bibliographisches Kirchenlexikon, 17. Lief., 1976, col. 211-212 ; Dictionnaire de biographie française, XV, 1982, col. 1267-1268 ; Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, XX, col. 843-844 ; M. U. Chrisman, “Nicolas Gerbel”, Contemporaries of Erasmus, ed. P. G. Bietenholz, t. Il, 1986, p. 90-91 ; H. Scheible, « Melanchthons Pforzheimer Schulzeit Studien zur humanistischen Bildungelite », Pforzheimer Geschichtsblätter, 7, à paraître 1988 ou 1989 et renseignements obligeamment communiqués par le même. – Sur ses descendants : Ficker et Winckelmann, op. cit., I, 1902, n° 34 ; F.-J. Fuchs, « Les critères du choix des secrétaires de la ville de Strasbourg (Stadtschreiber) au XVIe siècle, Horizons européens de la Réforme en Alsace, publ. p. M. de Kroon et M. Lienhard, Strasbourg, 1980, p. 12-14 ; P. Mieg, Histoire généalogique de la famille Mieg, Mulhouse, 1934, p. 48 ; G. C. Knod, « Oberrheinische Studenten im 16. und 17. Jahrhundert auf der Universität Padua », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, N. F. 15 (1900), p. 197.

Portrait : dessin à l’Albertina de Vienne s. d., reproduit dans l’article de M. U. Chrisman (lui peut-être mais plutôt son arrière-petit-fils Nicolas III).

Jean Rott (1988)