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GAMBETTA Léon Michel

Député du Bas-Rhin, président du Conseil, (C) (★ Cahors, Lot, 2.4.1838 † Ville d’Avray 31.12.1882).

Fils de Joseph Nicolas Gambetta, d’origine italienne, et marchand au « Bazar génois » à Cahors, et Madeleine Massabie, fille d’un pharmacien de la ville. Obtint la nationalité française en 1859. Avocat, il fut avec Crémieux et Jules Favre © l’un des défenseurs dans l’affaire de la souscription Baudin (1868). Animateur du parti radical dont il fixa le programme en 1869 lors de la campagne électorale dans le quartier de Belleville (Paris). Élu à Marseille et à Paris. Opposant à la déclaration de guerre le 15 juillet 1870 avec Jules Favre © et Adolphe Thiers. Il joua un rôle important dans la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Membre du gouvernement de la Défense nationale, il rédigea la dépêche du 20 septembre : « Ni un pouce de notre territoire, ni une pierre de nos forteresses ». Cette prise de position constituait une réplique à Bismarck qui avait, dans son entrevue avec Jules Favre au château de Ferrières, mis comme condition de la paix la cession de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Il fut chargé du ministère de l’Intérieur, puis après avoir rejoint la Délégation à Tours, du ministère de la Guerre. Favorable à une lutte à outrance contre les envahisseurs, il protesta contre la conclusion de l’armistice. Il s’occupa d’organiser les élections, mais désapprouvé par le gouvernement de Paris quand il décida d’écarter les anciens élus candidats officiels sous l’Empire, il donna sa démission. Il fut élu le 8 février 1871 à l’Assemblée nationale par huit départements de la métropole ; 8e élu sur 12 dans le Bas-Rhin avec 56721 voix sur 101741 votants ; 5e élu sur 11 dans le Haut-Rhin avec 52917 voix sur 61128 votants et 2e élu sur 9 en Moselle avec 55020 voix sur 76631 votants. Il opta pour le Bas-Rhin et se prononça à Bordeaux contre les préliminaires de paix. À Bordeaux, les élus alsaciens et mosellans préparèrent le texte d’une protestation officielle : « L’Alsace et la Lorraine ne veulent pas être aliénées… La France ne peut consentir ni signer la version de la Lorraine et de l’Alsace… L’Europe ne peut permettre ni ratifier l’abandon de l’Alsace et de la Lorraine… » Une commission de rédaction, présidée par Louis Chauffour ©, fut constituée : Gambetta recueillit le plus grand nombre de voix pour y siéger : c’est lui qui aurait largement dicté le texte lu à la tribune de l’Assemblée le 17 février 1871 et qui porte la signature des députés protestataires. Gambetta aurait à nouveau inspiré la seconde protestation, celle du 1er mars, après l’acceptation par l’Assemblée des préliminaires de paix. « …Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement… » Gambetta rendit hommage à la mémoire d’Émile Kuss ©, lors de la cérémonie funèbre du 3 mars 1871 à Bordeaux. Il formula la première fois le thème de la « revanche ». La France ne pourrait avoir qu’une politique de libération et pour cela « il faut que les républicains… s’unissent étroitement dans la pensée patriotique d’une revanche qui sera la protestation du droit et de la justice contre la force et l’infamie ». Gambetta se retira en Espagne, revint en France après la défaite de la Commune et se présenta aux élections partielles de juillet 1871. Gambetta ne se désintéressa jamais du sort des provinces perdues, même si publiquement il l’évoqua rarement. A-t-il réellement affirmé au novembre 1871 : « Pensons-y toujours, n’en parlons jamais » ? (la formule serait de Ranc). Il s’appuya sur un « lobby alsacien lorrain » avec Scheurer-Kestner ©, les maçons de la loge Alsace-Lorraine à Paris, Lauth © à Strasbourg, Lalance © et Haeffely © à Mulhouse et Charles Blech © à Sainte-Marie-aux-Mines. Ce dernier fut l’un des commanditaires du nouveau journal La République française. La Ligue d’Alsace organisée clandestinement dans ces milieux encouragea en 1872 l’option en masse pour la France. Gambetta aurait déconseillé une attitude radicale : « Si vous partez tous, nous n’aurons plus de raison d’aller reprendre nos provinces perdues ». Il préconisa une attitude identique lors des élections au Reichstag en 1874 : ne pas s’abstenir, mais constituer un bloc protestataire. Gambetta aurait inspiré le discours de protestation d’Édouard Teutsch © à Berlin et aurait conseillé les députés dans leur stratégie : protestation et abstention des débats. Après les élections législatives d’octobre 1877, Gambetta inspira la politique de la République. Il faillit accepter à deux reprises une rencontre avec Bismarck, mais se rendit compte que le chancelier refuserait de négocier sur le désarmement et de discuter de l’Alsace-Lorraine. Peut-on suivre le général de Gallifet qui prétendit, en parlant de Gambetta, que « son unique ambition est de reprendre Strasbourg et d’y avoir plus tard sa statue » ? Avant de mourir, il patronna la « Ligue des Patriotes » de Déroulède : « Prêchez le grand devoir ! prêchez la guerre sainte ! revendiquez les provinces perdues et, dans un an, nous verrons ».

Adolphe Robert, Edgar Bourloton, Gaston Cougny, dir., Dictionnaire des parlementaires français comprenant tous les membres des Assemblées françaises et tous les ministres français 1789-1889. Paris, 1889-189, t. 3, 1891, p. 93-100 ; A. Schneegans, Memoiren. Ein Beitrag zur Geschichte des Elsasses in der Uebergangszeit, Berlin, 1904 ; H. Galli, Gambetta et l’Alsace, Paris, 1911 ; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984, p. 3260-3261.

† Jean-Pierre Kintz et Léon Strauss (1988)