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ERDREICH Anne Marie

Simulatrice célèbre (C) (★ Oberkirch, Bade, vers 1668 † Strasbourg 24.2.1728).

Venue à Strasbourg dans un dénuement extrême, cette pauvre fille n’était cependant pas sans malice. S’inspirant de la tumeur abdominale qui avait attiré à sa sœur des aumônes considérables de la part des chirurgiens de sa ville natale, elle imagina un stratagème devant simuler un mal analogue d’évolution progressive. Interrogée sur l’origine de son état, elle allégua la consommation d’un vin corrompu. Aux médecins et chirurgiens voulant lui offrir les secours convenables, elle opposa cependant un refus catégorique de se laisser examiner : on en était encore à une époque où les femmes pouvaient invoquer la pudeur et l’indécence qu’il y avait à montrer leur nudité. En échange d’une promesse reportant ce droit après le décès, le Corps médical lui accorda une pension avec fourniture quotidienne d’un pain chaud et d’un pot de lait ; les curés y associèrent leurs aumônes et même la reine de France voulut la secourir lors de son passage dans la ville. La fourberie dura trente-neuf années, lorsqu’un matin on découvrit le cadavre de la demoiselle – à présent sexagénaire – dans son lit en même temps que sa « prothèse » tumorale immonde faite de haillons et de crins, infestée de vermine, pesant 19 livres. L’histoire de la « fille au gros ventre » et des chirurgiens accourant « en foule le bistouri à la main » n’aurait qu’une valeur anecdotique… si l’élite médicale de la ville n’avait pas informé les sociétés savantes européennes de ce cas singulier. Albrecht Haller fut le témoin de la risée populaire qui se donna libre cours dans des pamphlets accompagnés d’une complainte, en vers ; l’un relatait l’affaire en français, l’autre en allemand imaginait un dialogue entre Hippocrate et Galien. Des portraits gravés se répandirent à travers la cité. Jean Salzmann © le titulaire de la chaire d’anatomie et de chirurgie, menaça dans son indignation de suspendre ses cours. En définitive, le professeur Jean Boeder © fut obligé de justifier ses collègues devant le premier médecin du roi et devant les institutions savantes germaniques dans une longue mise au point latine.

Archives municipales de Strasbourg, état-civil, registre des décès, D 131 Saint-Pierre-le-Vieux catholique, P 16 ; Portrait d’une femme, qui a trompé tous les médecins et chirurgiens de la Ville de Strasbourg, s.l.n.d., 4 p. in-4° ; Zuffälliges Gespräch zwischen Hippocrate und Galeno von der Abendtheurlichen Erfindung Maria (sic) Erdriechin/gebürtig von Oberkirch/ist gestorben in Strassburg den 24 Febr. 1728 und hat bey 39 Jahren einen solchen dicken Leib wie diese Figur zeiget von Lumpen ausgestopffet, getragen. s.l. n.d., 2 planches gravées par F. N. Haldenwanger, Strasbourg, 1728 ; J. Boeder, Adexteros medicos occasione fraudulentae mulieris… conscripta epistola-Argentorati, 1728, 14 p. ; A. Haller, Tagebuch seiner Studienreise nach London, Paris, Strassburg und Basel, 1727-1728, 2. Auflage, mit Anmerkungen von Erich Hintzsche. Bern-Suttgart, 1968, p. 46-47 ; U. Boschung, Ein Brief Albrecht Hallers über seinen Aufenthalt in Paris und Strassburg (1728), Physis, Firenze, vol. 19, 1977, p. 185-196 ; Chr. Vetter, Lettres de J.R. Spielmann à A. von Haller (en préparation).

Théodore Vetter (1986)