Skip to main content

ENGELBRECHT (ENGENTINUS) Anton(ius)

Théologien humaniste et suffragant de l’évêque de Spire, puis pasteur évangélique et non conformiste, enfin pamphlétaire catholique (C, puis P, enfin C). (★ Engen (Hegau), d’où la forme humaniste de son nom), au plus tard vers 14881490 ; † Strasbourg 1556-1557, avant 2.11.1557).

Fils de ?, frère aîné du poète humaniste Philipp(us) Engelbrecht (Engentinus), professeur de poétique à l’Université de Fribourg en Br. († à Strasbourg en 1528). ? automne 1533 à Strasbourg N. Mock, âgée de 16 ans († début 1544 au plus tard), sœur du maître monnayeur Hans Mock. Engelbrecht étudia à Leipzig en 1503, puis à Wittemberg, où il devint bacc. art. en 1504. Il fut ensuite prêtre à Engen pendant deux ans et rédigea pour ses paroissiens une instruction sur le bon usage de la Cène (imprimée en 1518). En 1517 il se fit immatriculer à l’Université de Bâle sous le rectorat de Capiton ©, y obtint le grade de mag. art. (1518), puis de docteur en théologie (1520), et y fut chapelain à la cathédrale. Il y rencontra très probablement Erasme en 1518 et fut entièrement gagné à ses idées réformistes, comme le montrent les annotations qu’il inscrivit dans les marges de son exemplaire des œuvres de saint Jérôme publiées par Erasme chez Froben à Bâle en 1516. En 1520 l’évêque de Spire l’engagea comme suffragant avec résidence à Bruchsal, après que le Pape l’eût nommé le 16 avril 1520 évêque in partibus de Thermopolis et qu’il eût été consacré comme tel à Bâle le 10. Juin 1520. Mais bientôt il fut gagné à la cause évangélique de Luther : c’est ainsi que le 28 avril 1521 il délia, en vertu d’un bref pontifical, le dominicain Martin Bucer © de ses vœux monastiques, et qu’en été 1524 ses prédications luthériennes à Bruchsal l’obligèrent à quitter cette ville et à se réfugier à Strasbourg auprès de Capiton. En octobre 1524 il y devint prédicateur à Saint-Etienne, puis pasteur de cette paroisse, après un très bref intermède à Bruchsal pendant la Guerre des Paysans. Par un arrangement avec l’évêque de Spire il obtint en janvier 1533 un dédommagement en argent pour son éviction comme suffragant en 1524-1525 et une prébende à la collégiale de la Toussaint à Strasbourg.

À la longue cependant son caractère entier et ses conceptions érasmiennes concernant la liberté de conscience et la non-ingérence du pouvoir civil dans les affaires religieuses le mirent en désaccord avec ses collègues strasbourgeois, qui avaient besoin de l’appui du Magistrat pour lutter contre l’Eglise romaine et contre les anabaptistes. En particulier Engelbrecht voyait d’un mauvais œil l’ascendant croissant de Bucer et ses efforts en vue d’une discipline morale et ecclésiastique plus sévère. Aussi accusait-il ses collègues de vouloir introduire un « nouveau papisme », tandis qu’eux lui reprochaient son manque d’intérêt pour les affaires de l’Eglise et son style de vie « épicurien », plus conforme à celui d’un bon vivant qu’à celui d’un pasteur. Un premier accrochage eut lieu vers 1531/32, quand Engelbrecht fit circuler un pamphlet attaquant ses collègues : sur ordre d’une commission sénatoriale présidée par Jacques Sturm © il dut le brûler en leur présence. Le conflit éclata au grand jour lors du synode de juin 1533, où Engelbrecht se fit le porte-parole d’un groupe d’intellectuels opposés à l’immixtion de l’autorité civile dans les questions religieuses, comprenant entre autres Brunfels ©, Sapidus ©, Wolfgang Schultheiss ©, Caspar Schwenckfeld © et Jacob Ziegler ©. Il défendit leur point de vue dans un long mémoire, auquel Bucer donna la réplique article par article. Mais comme leur prise de position déplaisait au Magistrat, celui-ci ne tarda pas à interdire à Engelbrecht de prêcher (fin janvier 1534) et à transférer la paroisse de Saint-Étienne à Saint-Guillaume. Grâce à sa prébende de la Toussaint Engelbrecht put rester à Strasbourg pendant une dizaine d’années ; mais s’étant brouillé avec ses co-prébendiers et sa femme étant morte, il quitta notre ville au début de 1544, laissant ses enfants à la garde de son beau-frère. Il se rendit à Cologne, rentra dans le giron de l’Eglise romaine, et se mit au service de l’Empereur et du parti catholique opposé à la tentative faite par l’archevêque colonais Hermann von Wied d’introduire la Réforme dans son électorat en partie avec l’aide de Bucer. Contre ce dernier Engelbrecht publia à Cologne au début de 1546 un pamphlet anonyme de plus de 2500 vers : « Abconterfeytung… Martin Butzers » (« Portrait de Bucer »), qui disait pis que prendre de son ancien confrère et auquel celui-ci répondit immédiatement par « Der CXX.Psalm ». Engelbrecht trouva un protecteur en Johann von Isenburg, chanoine des cathédrales de Cologne et de Strasbourg, archevêque de Trèves de 1547 à 1556, qui l’engagea comme visiteur de son diocèse et grâce auquel il fut de 1550 à 1556 chanoine de Saint-Florin de Coblence et détenteur de la cure de Nassau qu’il quitta en 1553, s’étant brouillé avec ses paroissiens et le comte Wilhelm der Reiche von Nassau-Dillenburg. Finalement il revint à Strasbourg en 1556 pour y mourir peu après.

Ses écrits : 1) Ein andechtige leer von dem hochwirdigen sacrament unsers Herren, Bâle, Adam Petri, 1518. -2). Son mémoire aux présidents du synode strasbourgeois de 1533, en ms. aux AST 75 (45,1), n° 46 : sera publié par C. H. W. van den Berg, Lexmond (Pays- Bas) dans sa thèse en préparation sur E. ; en attendant voir le résumé dans Quellen zur Gesch. der Täufer, VIII : Elsass, 2. Teil = Stadt Strassburg 1533-1535, bearb. von M. Krebs und H. G. Rott, Gütersloh, 1960, p. 55- 63, n° 374, et la réfutation qu’en a donnée Bucer, publ. par Marijn de Kroon dans Martin Bucers Deutsche Schriften, V, hsg.v.Robert Stupperich, Gütersloh, (1978), p. 432-501. – 3) Abconterfeytung und ware gründtliche beschreibung Martin Butzerslist, geschwindigkeit, falsch, betrug, wanckelmütigkeit…, (Cologne, Jaspar van Gennep, début 1546), anonyme ; nouvelle édition s.l.t. : Anton Engelbrecht « Abconterfeytung Martin Butzers » (1546), hsg.v. Werner Bellardi, Münster Westf., 1974 (= Corpus Catholicorum, 31). La réplique de Bucer, Der CXX. Psalm, (Strasbourg, G. Messerschmidt) 1546, a été republiée par Werner Bellardi dans Bucers Deutsche Schriften, XVII, Gütersloh, (1981), p. 17-80. -4) Ses gloses marginales dans son exemplaire de l’édition des œuvres de saint Jérôme par Erasme, Bâle, 1516 et suiv. (maintenant à la Bibl. Univ. de Bâle, legs du Dr. Fritz Husner) seront utilisées et publ. en partie par C. H. W. van den Berg (v. infra).

Actes de lui ou le concernant : au Staatsarchiv de Bâle, publ. dans Konrad W. Hieronimus, Das Hochstift Basel im ausgehenden Mittelalter, Basel, 1938, p. 286-290, 319, 442, 518, et Hans Georg Wackernagel, Die Matrikel der Universität Basel, I, Basel, 1951, p. 334, n°11 ; au Generallandesarchiv de Karlsruhe, en majeure partie analysés dans Manfred Krebs, Die Protokolle des Speyerer Domkapitels, II, 1518-1531, Stuttgart 1969 (voir à l’index p. 448) ; aux AMS et AST, figurant en partie dans Ch. Wittmer et J. Ch. Meyer, Le livre de bourgeoisie de la ville de Strasbourg 1440-1530, II, Strasbourg, 1954, n° 7729 et 7885, et dans Quellen zur Gesch. der Täufer, t. VIII, Gütersloh, 1960, et XV-XVI (en cours d’impression), passim ; aux Archives de Coblence, Cologne, Wiesbaden : seront utilisés ou publ. par C. H. W. van den Berg.

Gust. Bossert, « Beiträge zur badischpfälzischen Reformationsgesch. », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins 56 (N.F.17, 1902), p. 77-79, + 57 (N.F. 18, 1903), p. 206-209 ; J. Ficker et O. Winckelmann, Handschriftenproben, II, Strassburg, 1985, n° 54 ; Traugott Schiess, Briefwechsel der Brüder Blaurer, I, Freiburg i.Br., 1908, n° 93, 377, 396, etc. ; Joh. Adam, Evangelische Kirchengesch. der Stadt Strassburg, Strassburg, 1922, passim ; François Wendel, L’Eglise de Strasbourg… 1532-1535, Paris, 1942, passim ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 1195 ; Werner Bellardi, « Anton Engelbrecht (1485-1558). Helfer, Mitarbeiter und Gegner Bucers », Archiv für Reformationsgesch., 64 (1973), p. 183-205 ; Cornelis H. W. van den Berg, « Anton Engelbrecht : un « épicurien » strasbourgeois », Croyants et sceptiques au XVIe siècle, publ. p. Marc Lienhard, Strasbourg, 1981, p. 111-120 (cf. déjà la dissertation dact. de C. H. W. van den Berg, Anton Engelbrecht en zijn oppositie op de synode in Straatsburg van 1533, Amsterdam, Vrije Univ., 1975, dont il est en train de faire une grande thèse).

Jean Rott (1986)