Maître de forges, minéralogiste, académicien, premier maire de Strasbourg (? Strasbourg 14.11.1748 † guillotiné à Paris 29.12.1793).
Fils de Jean de Dietrich ©. ? 11.11.1772 à Strasbourg Sybille Louise (? Hambourg-Altona 17.10.1755 † Strasbourg 6.3.1806 – Pr.) fille d’Albrecht Ochs, négociant-banquier et membre du Conseil de la République de Bâle, et de Louise His ; sœur de Pierre Ochs, futur chancelier à Bâle. Vaste culture, esprit ouvert aux lettres, aux sciences et aux techniques. Inscrit en 1770, comme Goethe, à la faculté de Droit. Il fréquenta les milieux strasbourgeois des Lumières et de l’Aufklärung dont certains membres se retrouvèrent avec lui à la loge de « La Candeur ». Avec son beau-frère Pierre Ochs, Georg Schlosser, futur beau-frère de Goethe © et le poète colmarien Théophile Conrad Pfeffel ©, Philippe Frédéric de Dietrich devint en 1782 membre de la société secrète politique des « illuminés » (Illuminaten Orden) sous le pseudonyme d’Omarius. Il semble avoir été le délégué de la France de ce groupement. Philippe Frédéric de Dietrich traduisit des ouvrages de minéralogie (Ferber, 1776), de chimie (Scheele, 1781), de lithologie (Treba, 1787) et prépara la publication d’une Description des gites de minerais, forges et salines de la France restée inachevée. Elle répond aux descriptions systématiques alors entreprises de l’économie du royaume. Il fut nommé en 1784 commissaire du roi à la visite des mines, forêts et bouches à feu du royaume. Il entretint une importante correspondance avec les milieux éclairés et libéraux de l’époque, en particulier Lavoisier, Condorcet, Turgot et La Fayette. Correspondant de l’Académie des Sciences, il y entra en 1786. Membre de nombreuses sociétés savantes en Europe. À la veille de la Révolution, Frédéric de Dietrich fut nommé « commissaire royal » le 28 juin 1789 pour suppléer de Gérard, préteur royal dont la santé déclinait, sans les pouvoirs de justice. Sa mission était de ramener le calme dans la ville. Il fut installé le 3 juillet et joua un rôle essentiel dans la vie politique strasbourgeoise jusqu’à l’époque de la Terreur. Élu une première fois en février 1790 contre l’ancien ammeistre Poirot ©, candidat conservateur et catholique. Frédéric de Dietrich assuma les fonctions de maire du 18 mars 1790 au 22 août 1792. Il fut aussi chancelier de l’Université protestante à la même époque. Il mit en place les institutions de la Monarchie constitutionnelle. Dans son mémoire rédigé à la prison de Besançon, il précisa : « j’ai entretenu une vaste correspondance non pas avec des prétendus comités de clubs, sans titre sans mission, sans caractère, mais avec les généraux, les ambassadeurs, les ministres, les comités de l’Assemblée Nationale ». Ses relations avec La Fayette le convainquirent que « les protestants d’Alsace, pas plus que ceux du royaume, ne sont l’objet d’aucune menace immédiate ». La fête de la Fédération du 13 juin 1790 marqua l’apogée de la carrière du maire. Cette popularité fut mise à l’épreuve au début de 1791 avec l’application de la Constitution civile du clergé et les menaces de l’armée de Condé. Le maire contribua à la mise sur pied de guerre de la garde nationale (été 1791). L’assemblée électorale du Bas-Rhin réunie le 29 août pour choisir les députés à l’Assemblée Législative, après avoir rendu hommage à « sa prudence, son patriotisme, son amour pour la Constitution… mais le regardant comme le principal soutien de la Constitution et le conservateur de la tranquilité publique », estima ne pas devoir l’éloigner de l’Alsace. Cette déclaration fut approuvée par l’Assemblée Constituante à qui elle fut transmise.
Frédéric de Dietrich fut réélu à la mairie de la ville. Ses amis parisiens prétendirent qu’il entrerait au ministère. Il recevait des officiers en garnison à Strasbourg dans le salon de son épouse. Quelques jours après la déclaration de guerre, ce patriote chanta le 26 avril 1792 la « Marseillaise » composée par Rouget de l’Isle ©. À Strasbourg les clivages politiques s’affirmèrent au cours de l’hiver 1791-92. À la Société des Amis de la Révolution, les partisans de Dietrich mis en minorité par les Jacobins en février 1792, fondèrent l’Auditoire du Temple Neuf. La presse reflète l’opposition entre les Jacobins et les Feuillants : Le Courrier politique et l’Argos, créé en juin 1792 par Euloge Schneider ©, combattirent la politique du maire qui lança La Feuille de Strasbourg (avril-août 1792). Lorsqu’il proposa le 21 janvier 1792 de mettre en état de siège les places fortes sur le Rhin, le maire fut accusé de vouloir livrer la liberté civique à la force militaire. En juin les Jacobins lui reprochèrent d’être de complicité avec les émigrés et de vouloir livrer Strasbourg aux Habsbourg. Roland, ministre de l’Intérieur, réclama des explications. Pour répondre à ces accusations, une adresse votée le 15 juin 1792 par le Conseil général de la commune, avec la signature de nombreux citoyens, fut remise par deux amis du maire, Noisette et Champy ©, au président de l’Assemblée Législative. La journée parisienne du 10 août – prise des Tuileries – eut des conséquences fatales pour de Dietrich. Le Conseil de Strasbourg avait en effet envoyé le 7 août deux adresses de fidélité au roi et à l’Assemblée. Elles leur parvinrent le 10 août au soir. Lorsque les événements parisiens furent connus le 13 août, Frédéric de Dietrich ordonna des mesures de sûreté, en particulier la fermeture des clubs. À Paris l’Assemblée le cita à comparaître dans un délai de huit jours et le Directoire exécutif (Roland, ministre de l’Intérieur) prononça le 19 août la dissolution du Conseil municipal. Ayant appris que l’Assemblée avait prescrit par décret du 28 août son arrestation et que des massacres étaient organisés depuis le 2 septembre à Paris, Philippe Frédéric de Dietrich se réfugia à Bâle chez son beau-frère puis à Winterthur. Un décret du 6 septembre le déclara « émigré » et ses biens furent mis sous sequestre. Ces décisions expliquent peut-être son retour en France le 5 novembre 1792. Emprisonné à Paris, il apprit que le Comité de sûreté général l’avait renvoyé le 27 novembre devant le tribunal criminel du Bas-Rhin sous l’inculpation d’avoir comploté avec La Fayette (entrevue de Phalsbourg du 13 janvier 1792) contre la sûreté de l’État et d’avoir été l’instigateur de l’adresse du 7 août de fidélité à la Constitution de 1791. Les témoignages d’amitié à l’ancien maire et l’élection d’un conseil municipal où il avait des sympathisants (Bernard Frédéric de Turckheim, maire) firent décider la Convention que de Dietrich serait jugé à Besançon ; son épouse y fut également incarcérée sur sa demande. Il eut à répondre à une douzaine de chefs d’inculpation ; il publia une longue justification dans laquelle il dénonça les faiblesses de Roland et rappela que ses deux fils se trouvaient au combat contre l’ennemi. Acquitté le 7 mars 1793 par le jury, il fut aussitôt reconduit en prison car porté sur la liste des émigrés. Transféré le 28 août à la Conciergerie à Paris, il y apprit l’élargissement de son épouse, mais l’arrestation de son père et de ses deux fils. Robespierre, à qui de Dietrich s’était adressé, s’opposa à son renvoi à Strasbourg et réclama au nom du Comité de Salut public la comparution devant le Tribunal révolutionnaire où sévissait Fouquier-Tinville le 28 décembre 1793. Parmi les sept témoins cités se trouvaient Euloge Schneider déjà en prison à l’Abbaye. Condamné à mort pour fait de complot avec les ennemis de la République, Frédéric de Dietrich fut exécuté le lendemain, place de la Révolution (Concorde).
Vindiciae novae Grotiani dogmatis de praescriptione, dissertation de doctorat en droit, 10 avril 1767, 66 p. ; Description des gites de minerais, forges et salines… des Pyrénées (1786), de la Haute et Basse-Alsace (1789), de la Lorraine méridionale (an VIII) ; F. de Dietrich, ancien maire de Strasbourg à ses concitoyens, in 4°, s. l. s. d. (1793).
Spach, « Frédéric de Dietrich, premier maire de Strasbourg », Revue d’Alsace, 1856, p. 481-505 et 529-552 et 1857 p. 71-80; 145-166 et 193-223 (tirage à part, Strasbourg, 1857, 1 57 p); G. Ramond, Frédéric de Dietrich, premier maire de Strasbourg sous la Révolution française, Nancy-Paris-Strasbourg, 1919, 358 p. ; A. Mathiez, « Un complice de La Fayette, Frédéric Dietrich, d’après des documents inédits », Annales révolutionnaires, 1920, p. 389-408 et 471-499; E. His, Chronik der Familie Ochs genannt His, Bâle, 1943, 351 p. + portraits ; M.-J. Bopp, « L’activité maçonnique en Alsace pendant la Révolution française », Revue d’Alsace, 1955, p. 125-144 ; Ph. Champy, « Une page d’histoire révolutionnaire, Frédéric de Dietrich, Michel Thomassin et Claude Champy », Saisons d’Alsace, La dynastie des Dietrich, 1986.
Hélène Georger-Vogt et Jean-Pierre Kintz (1985)